Des méthodes d’enseignement théorique et pratique du son
ORIENTATION :
La Femis forme des artistes/techniciens du son. Elle se différencie de Louis Lumière qui prépare aux différents métiers du son, sur des bases techniques approfondies. L’école considère que les techniques se posent non du point de vue de l’ingénieur, mais depuis celui de l’interprète, et se spécialise dans le son cinéma (et vidéo), couplé à l’image.
Cette formation exige un recrutement ad’hoc, et une pédagogie fondée sur les pratiques directes, les pratiques indirectes et la théorie. De sorte que l’étudiant en fin de scolarité est à même d’intégrer la profession en tant qu’assistant, et ce faisant, apte à se déployer ultérieurement comme cadre artistique et technique du cinéma.
1/ Les pratiques directes s’accroissent tout au long des années de scolarité pour culminer en stage et mémoire dans le troisième cycle. Il s’agit, après le tronc commun de maîtriser les procédures instrumentales de captation (perche et modulation), de montage (montage son et sons d’appoints) d’enregistrement musical (musique de film) et de mixage (fiction ou documentaire). Et aussi bien d’acquérir par des exercices progressifs et variés les réflexes et les capacités de décisions requises en temps réel sur le terrain.
Ces différentes pratiques instrumentales s’appuient sur une connaissance des technologies et des outils, (la chaîne enregistrement — montage- synchronisation — mixage — reproduction) mais aussi sur les principes électroniques de leur fonctionnement, sur le traitement et la mesure des signaux qui les traversent.
Des éléments d’électronique, de théorie du signal, d’informatique appliquée sont donc abordés.
2/ Les pratiques indirectes consistent à analyser les œuvres (exemplaires et diverses) sous la double visée du spectateur et du fabricant. Les savoir-faire seront examinés à partir des « résultats » obtenus sur les écrans visuels et sonores. Ceci oblige à une mise en rapport des effets esthétiques et des intentions artistiques, sans laquelle l’analyse reste cloisonnée, inopérante.
Cette articulation suppose une lecture efficace, à savoir un sens auditif aigu, fondé sur la différenciation et l’accommodation rapide de l’ouïe, l’adaptation incessante de l’écoute aux différents paramètres « allant-devenant ». D’où la psycho-acoustique.
Seul un entraînement fréquent à l’écoute active permet la saisie du matériau sonore dans tous ses composants, et aussi bien la caractérisation des formes sonores engendrées dans la durée.
A ce niveau la théorie musicale apporte ses concepts (formes, timbre, rythmes, variations, répétitions, etc.) et éclaire utilement la construction de la bande son.
Cependant la mise en regard d’une bande image nécessite aussi une analyse scénographique plus générale, audito-visuelle, une lecture de la dramaturgie et des registres d’intervention des phénomènes sonores ( voix, texte et geste vocal, silences , effets , ambiances , musique) .
Le son énergétise l’image, le son travaille la mémoire auditive et dialogue avec la mémoire visuelle. S’en souvenir lors du découpage des films. Le décor sonore énonce un lieu scénique et complète le décor visuel, contribue à l’étendue.
3/ La théorie donne a ces différentes approches un soutien conceptuel important mais incomplet. Les savoir-dire ne recouvrent pas tous les savoir-faire, tant s’en faut. Néanmoins, aussi incomplète soit-elle, confrontée à la pratique, la théorie fournit un cadre de compréhension à de nombreuses démarches.
L’imagerie auditive instantanément se dédouble ; elle renvoie aussi bien à la cause du son (geste ou jeu d’acteur, geste vocal même) qu’à l’objet-source (timbre du matériau émissif ; empreinte vocale). Après identification de l’agent énergétique, l’événement se trouve « colorisé » par le matériau sonore, le timbre fait retour sur la cause et lui donne une tonalité, un grain, une qualité sensible propre aux impressions auditives.
L’appellation in/off ne concerne que le dispositif de saisie et de projection. En fait le lieu scénique est d’abord composé comme un tableau sonore (les fonds, l’ambiance ; les objets rapprochés, les accessoires, les sons adventices ; les personnages, les voix) et que ce tableau est ensuite recadré par une image partielle.Il se trouve qu’en fabrication, le cheminement inverse (on cadre l’image en premier, on ajoute des sons, un décor) a appauvri considérablement la scénographie auditive, impensée dans l’avant-coup, faiblement rattrapée dans l’après-coup.
Les étudiants sont invités à se promener en écoutant, à enregistrer les sons, comme d’autres se déplacent en photographiant, l’œil aux aguets. En outre la fréquentation des salles de concert et l’écoute musicale, partition en main, est fortement recommandée.
PROGRAMME DEPARTEMENT SON
Le second cycle (A & B) du département ouvre sur la formation spécifique aux métiers du son.
L’enseignement s’y développe en trois directions :
-la formation théorique (technologie et sciences appliquées, esthétique)
-la formation pratique (exercices instrumentaux, tant en vidéo qu’en film)
-la pratique indirecte (analyses d’œuvres et écoutes critiques)
L’enseignement théorique s’appuie sur l’acoustique (physique, physiologique, architecturale et musicale), l’électroacoustique et les technologies audiofréquences, l’électronique appliquée ; l’essentiel des notions scientifiques permettant de pratiquer — à bon escient — est abordé. Les outils sont étudiés en effet du point de vue de l’interprète et non du point de vue de l’ingénieur.
D’autres cours théoriques abordent la psychoacoustique (pour mieux différencier les capacités du système auditif), le dispositif de restitution audiovisuel (ses incidences sur la prise de son ou le mixage), et aussi bien les registres de la bande son, l’esthétique du son cinéma (l’étude du matériau et des formes sonores en présence de l’image). L’approche du musical contribue aussi pour beaucoup à la conception et à la création de bandes-son organisées comme une partition sonore.
La pratique occupe une bonne part de l’activité pédagogique, nécessairement.
Les procédures instrumentales sont développées dans une série de travaux pratiques (exercices documentaire ou fiction). La réflexion et le commentaire appropriés accompagnent les étapes successives de la mise en œuvre.
Conception, repérages, préparation, travail à la perche, sons seuls, montage son, et mixage sont plusieurs fois éprouvés. Les travaux pratiques sont — il faut peut-être le redire — le lieu privilégié de l’apprentissage professionnel :
-des corrélations nombreuses et répétées entre gestes instrumentaux et résultats d’écoute.
-le développement du sens auditif et de la structuration perceptive, de la différenciation du sonore.
-l’évaluation de l’écart ou de l’adéquation entre l’intention initiale et le résultat effectif.
-le retour critique sur les erreurs et les moyens d’y remédier.
Par la répétition, la reprise, les essais successifs, l’étudiant acquiert certains automatismes indispensables qui laissent la pensée libre pour la création et l’expression sonores. Il s’agit d’un “travelling” qui va des fausses difficultés, facilement surmontables, aux vraies décisions, à la fois artistiques et techniques, plus difficiles à maîtriser.
Dans cette approche, le commentaire explicatif est indispensable. La pratique commentée est donc extrêmement précieuse, car elle concerne un travail hautement mémorisé par l’étudiant, travail qui a déjà été l’objet d’une élaboration importante, de prises en compte parfois hypothétiques, parfois contradictoires et de décisions incomplètement assurées.
Ainsi les “croquis-doc”, les documentaires Béta [ou DV-Cam], les fictions 35 seront commentés (à plusieurs voix) aussi bien dans les phases de préparation ou de tournage, que dans celles du montage ou du mixage. Mais ce commentaire ne devra pas empiéter sur la liberté d’expérimenter, d’affirmer une personnalité et devra rester le plus souvent d’ordre pédagogique.
Chaque exercice pratique est précédé d’une initiation spécifique aux matériels utilisés (Nagra, régies vidéo, perche, Pro-tools, Avid, auditorium, …etc..)
De nombreux exercices transversaux — plan séquence (EP7), situations techniquement difficiles (EP10), trucages optiques et sonores (EP 13), montage son” (Intermezzo”), re-création d’une bande son (“Cadavres exquis”) ..etc — permettent de mieux saisir le processus de fabrication du son dans l’ensemble des contraintes de production, tout en préparant au travail professionnel en équipe.
Certains travaux pratiques restent spécifiques à la formation du département son : stéréophonie, échantillonnage, Dolby, MIDI, métrologie, prise de son animalière, report optique, etc..
Enfin l’analyse d’oeuvres (qu’elles soient musicales ou cinématographiques) facilite l’appréhension des enjeux artistiques, la compréhension des registres et des formes sonores. Analyse globale ou détaillée, elle met au clair certains mécanismes de la réception des films, mêlant émotions esthétiques et émotions narratives.
En outre, elle ouvre à la discussion, à la formulation des moyens appropriés à leur mise en œuvre, à la chaîne des décisions. Comme telle, c’est une pratique indirecte.
Petite bibliographie indicative
(réactualisée…)
ADORNO Th W., Philosophie de la nouvelle musique, Paris, Gallimard, 1962
BAYLE François, Musique acousmatique, propositions… positions, Paris, Buchet/Chast-INA, 1993
BEAU F, DUBOIS P, LEBLANC- Cinéma et dernières technologies INA/De Boeck 1998
BOTTE M.C(et alii)- Psycho-acoustique et perception auditive. Inter & INSERM, Paris 1990.
CAMUS Jean François, Psychologie cognitive de l’attention, (1996), Ed. A. Colin.
CASTAREDE M. F.- La voix et ses sortilèges, Belles Lettres, Paris, 1987.
CHION Michel Guide des objets sonores, Paris, Buchet/Chastel-lNA, 1983, réédition 1995
CHION Michel Un art sonore, le cinéma. Cahiers du Cinéma, Paris 2003
CHION Michel- La Musique au cinéma, Ed Fayard 1995
FANO Michel-Le son et le sens in Cinémas de la Modernité, Klincksieck, Paris 1981
FISCHETTI Antonio- Initiation à l’acoustique Ed Belin, Paris 2001
FORSYTH Michael, Architecture et Musique, Bruxelles, Mardaga, 1987
FORTIER Denis, ERNOULD Franck, Initiation au son, cinéma et audiovisuel, Paris, Femis, 1996
FORTIER Denis Mini-studios, Paris, Éditions Eyrolles, 1994
HUGONNET Christian, WALDER Pierre, Théorie et pratique de la prise de son stéréophonique, Paris, Editions Eyrolles, 1995
JULLIER Laurent Les sons au cinéma et à la télévision, Paris, Armand Collin, 1996
LEROUGE Claude- Sur 100 années, le cinéma sonore Dujarric, 1996
LEIPP Émile, Acoustique et Musique, Paris, Masson, 1989
LIÉNARD Pierre, FRANÇOIS Paul, Acoustique industrielle et environnement, Paris,
Éditions Eyrolles, Paris, 1983
Mc ADAMS S, DELIEGE I.-La musique et les sciences cognitives. Mardaga, Bruxelles 1989
Mc ADAMS S, BIGAND Emmanuel- Penser les sons ; Psychologie cognitive de l’audition-PUF Paris 1994
MALLET Thierry- Acoustique des salles Publications Geaorges Ventillard, Paris 2001
MATRAS Jean Jacques, Le Son, Paris, PUF, 1990
MERCIER Denis et al., Le Livre des techniques du son, Paris, Éditions Fréquences, 1993
NOUGARET Claudine, CHIABOT Sophie, Le son direct au cinéma , Paris, Ed Femis, 1997.
PIERCE John, Le Son musical, Paris, Belin, 1987
ROSSI Mario, Électroacoustique, Paris, Éditions Dunod, 1 986
ROUCHOUSE Jean, Son analogique et numérique, Paris, Éditions Dujarric, 1992
RUMSEY Francis, Mc CORMICK Tim, Son et enregistrement, Paris, Editions Eyrolles, 1994
SCHAEFFER Pierre, La musique concrète, Paris, PUF, 1969
SCHAFER MURRAYR., Le Paysage sonore, Paris, Jean-Claude Lattès, 1979 (réédition)
SIRON Jacques- La partition intérieure : Jazz ; improvisation - Ed Outre Mesure, Paris 1992
WINCKEL F.-Vues nouvelles sur le monde des sons, Dunod, Paris, 1960.
ZENATTI Arlette & alii- Psychologie de la musique Paris PUF 1994
— — — –etc — -