Depuis le dépôt par la CGSP-Cheminots et la CSC-Transcom d’un préavis de grève pour les 6 et 7 janvier, médias et politiciens n’ont pas manqué de critiquer l’action des travailleurs du rail. Les discours politiques et médiatiques mettent en avant les désagréments provoqués par la grève sans jamais parler des raisons qui poussent les cheminots à se lever contre le plan stratégique « Modernisation » de la Ministre Galant.
L’objectif de ce plan – présenté par la Ministre comme un plan de sauvetage – est en réalité le démantèlement programmé des chemins de fer. La Ministre veut en effet réduire de 20% (3 milliards d’€) le financement du rail belge d’ici 2019, ce qui ne fera qu’empirer la situation d’une société publique manquant déjà de moyens pour assurer correctement ses missions.
Cette réduction budgétaire sera accompagnée par toujours plus de pression sur les travailleurs pour augmenter la productivité (20% en 5 ans) alors que parallèlement 7000 départs à la retraite ne seront pas remplacés sur la même période (auxquels il faut d’ores et déjà rajouter les 7000 autres emplois de cheminots disparus ces 10 dernières années et d’autres suppressions de postes).
Plus de productivité, cela signifie également plus de « flexibilité » dans les conditions de travail (prestations de plus de 9h voire 12, révision des primes d’indemnités, allocations, etc.) et les rémunérations. Cette flexibilité passe par la disparition d’HR RAIL, filiale commune de la SNCB et d’INFRABEL, qui est l’employeur unique de tous les cheminots. Avec sa disparition annoncée à l’horizon 2019 – 21, c’est le statut unique des cheminots qui disparaitra. Ces derniers pourront alors être employés soit par la SNCB, soit par INFRABEL avec des différences en termes de conditions de travail, de traitement, etc.
Avec la diminution de la dotation accordée à la SNCB, celle-ci se verra dans l’obligation d’augmenter ses tarifs et de supprimer des lignes, et c’est l’ensemble des voyageurs (parmi lesquels de nombreux jeunes, étudiants et personnes précaires) qui vont alors payer la facture. La Ministre a déjà clairement communiqué des propositions dans ce sens en demandant des « tarifs réalistes » (tarif en fonction de l’heure du voyage, suppression de l’abonnement hebdomadaire depuis septembre, etc.).
Ce plan prévoit donc de faire plus avec moins de moyens alors qu’en 10 ans le nombre de voyageurs a quant à lui augmenté de 36%.
Privatisation du rail
La politique du gouvernement Michel vise à sous financer délibérément le rail afin de mieux justifier sa libéralisation et la privatisation du service public selon la logique néolibérale. Comme le rappelait Michel Abdissi, le président de la CGSP Cheminot et d’autres personnalités syndicales et associatives dans une carte blanche parue dans le journal « le Soir », « en rendant la situation intenable – investissements reportés, suppression de services, nombre et qualité de trains insuffisants par rapport à la demande – ces décisions vont encourager l’entrée du privé pour combler ce que ne financera plus le public, voire la privatisation au rabais de services publics devenus inefficaces »[1].
Pourtant, dans tous les pays où cette libéralisation a été appliquée, celle-ci s’est traduite par une baisse de qualité, d’efficacité et une augmentation des prix pour les usagers. A terme avec cette privatisation du rail, le risque est de voir des entreprises privées investir uniquement dans des services ou des lignes rentables tout en délaissant complètement celles jugées moins rentables au dépend de la mobilité des habitants des régions rurales et de la sécurité des usagers.
Affaiblir les organisations syndicales
Le gouvernement s’attaque non seulement aux services publics mais également au droit de grève. Ainsi, le gouvernement Michel veut imposer un service minimum aux cheminots. Outre la difficulté de l’appliquer dans la réalité, il s’agit avant tout d’une attaque contre le droit démocratique de faire grève qui se cache derrière cette mesure.
Si le gouvernement s’attaque aujourd’hui aux syndicats des cheminots, demain c’est l’ensemble des travailleurs qui seront visés. L’objectif est donc bien de bâillonner les syndicats et de rendre les travailleurs impuissants face au patronat à une époque où la précarisation des conditions de travail devient la norme.
Au Royaume Uni, depuis la période Thatcher, où la liberté d’action syndicale a été considérablement limitée et encadrée, les inégalités se sont creusées. Une fois les syndicats anéantis, les travailleurs individualisés se sont vus incapables de défendre collectivement leurs conditions de travail, leurs salaires et leurs droits collectifs.
Pour un service public
Aujourd’hui le gouvernement tente d’isoler les syndicats des cheminots, les décriant comme des privilégiés et des preneurs d’otage ne défendant que leur propres intérêts, alors qu’ils se battent pour l’intérêt de toutes et tous. Pour leurs conditions de travail certes, mais également pour un service public du rail plus accessible, plus fonctionnel et plus écologique.
source : jeunes FGTB
images : Collectif Krasnyi