Les forces de police ne sont pas au-dessus des lois

ZIN TV, Ligue des Droits Humains, Col­lec­tif Krasnyi

Com­mu­ni­qué de presse. Ce mar­di 5 mars, un pho­to­graphe, un col­lec­tif de pho­to­graphes, un média asso­cia­tif et une asso­cia­tion de défense des droits humains vont être attraits devant les tri­bu­naux par les ser­vices de police. Pour quelle rai­son ? Pour avoir orga­ni­sé une expo­si­tion pho­to­gra­phique visant à mettre en débat des ques­tions pré­gnantes sur des sujets d’intérêt public.

Com­mu­ni­qué de presse

Ce mar­di 5 mars, un pho­to­graphe, un col­lec­tif de pho­to­graphes, un média asso­cia­tif et une asso­cia­tion de défense des droits humains vont être attraits devant les tri­bu­naux par les ser­vices de police. Pour quelle rai­son ? Pour avoir orga­ni­sé une expo­si­tion pho­to­gra­phique visant à mettre en débat des ques­tions pré­gnantes sur des sujets d’intérêt public.

ugcm8neo.jpg

Pho­to­gra­phie de Fré­dé­ric Moreau de Bellaing

Au pro­gramme, une expo­si­tion col­lec­tive sur la répres­sion de la liber­té d’expression dans l’espace public, la cri­mi­na­li­sa­tion crois­sante des mou­ve­ments sociaux, des migrant·e·s, des citoyen·ne·s et des jour­na­listes, les vio­lences poli­cières, le droit de fil­mer la police, le recours aux armes à léta­li­té réduite pour gérer les mani­fes­ta­tions, etc. Des ques­tions qui demeurent très actuelles…

Parle-t-on ici de la Tur­quie ? De la Hon­grie ? De la Pologne ? Non, de la Bel­gique. En effet, les per­sonnes pour­sui­vies sont la Ligue des Droits Humains, ZIN TV, le Col­lec­tif Kras­nyi et un pho­to­graphe à titre indi­vi­duel. Par qui ? Par la zone de police Bruxelles-Ixelles et 3 de ses membres. Sur quelles bases ? Vio­la­tion de la vie pri­vée et atteinte à l’honneur et à la répu­ta­tion des poli­ciers concernés.

En novembre 2018, la LDH, ZIN TV et Kras­nyi orga­ni­saient une expo­si­tion col­lec­tive, à visée tant artis­tique qu’éducative, pour abor­der des thèmes aux­quels elles sont régu­liè­re­ment confron­tées. L’objectif affi­ché était autant d’informer le public que de débattre de ces thé­ma­tiques de socié­té. Bref, réa­li­ser leurs mis­sions res­pec­tives en fai­sant usage de l’un de leurs droits les plus fon­da­men­taux : la liber­té d’expression.

don-t-shoot-web-2-8fd4f.jpg

Affiche de l’ex­po­si­tion “Don’t Shoot”

Qu’en ont pen­sé la zone de police Bruxelles-Ixelles et cer­tains de ses membres ? Ils l’ont qua­li­fié d’atteinte à la vie pri­vée des membres des forces de l’ordre, pour­tant repré­sen­tés dans l’exercice de leurs fonctions.

Ils ont donc déci­dé d’assigner nos 3 asso­cia­tions et l’un des pho­to­graphes concer­nés, en deman­dant la modique somme de 2500 euros par poli­cier, cela en contra­dic­tion fla­grante tant avec la liber­té d’expression et le droit à l’information du public qu’avec la juris­pru­dence de la Cour euro­péenne des droits de l’homme et de la Cour de jus­tice de l’Union européenne.

Il convient en effet de rap­pe­ler à la police que tant les tri­bu­naux belges qu’européens ont affir­mé à de mul­tiples reprises le droit de fil­mer mais éga­le­ment de dif­fu­ser des images des forces de l’ordre. En effet, la Cour euro­péenne des droits de l’homme vient encore récem­ment de rap­pe­ler qu’ »: « Il n’y a pas de doute quant au fait que le com­por­te­ment des agents dans l’exercice de leur auto­ri­té publique et les pos­sibles consé­quences de ce com­por­te­ment sur [les indi­vi­dus] sont d’intérêt public » (CEDH, arrêt Toran­zo Gomez c. Espagne, 20 novembre 2018). Quant à la Cour de jus­tice de l’Union euro­péenne, elle vient de recon­naître qu’un·e citoyen·ne qui, pour cri­ti­quer son com­por­te­ment, filme la police en acti­vi­té et dif­fuse ensuite les images, peut se pré­va­loir de l’exception de jour­na­lisme si son seul but est la divul­ga­tion au public d’informations, d’opinions ou d’idées (CJUE, arrêt Bui­vids c. Let­to­nie, 14 février 2019).

À noter que les pho­tos montrent qu’aucun de ces poli­ciers ne por­tait une pla­quette nomi­na­tive ou un numé­ro d’intervention per­met­tant de l’identifier. Ce qui est, par ailleurs, contraire à la loi, qui impose que « Tout fonc­tion­naire de police et agent de police en ser­vice doit pou­voir être iden­ti­fié en toutes cir­cons­tances » (art. 41, § 1er, al. 1er de la loi sur la fonc­tion de police).

Alors que les faits se sont dérou­lés il y a plus de 3 mois, la cita­tion tombe à un moment où deux poli­ciers de la même zone sont ren­voyés en cor­rec­tion­nelle pour avoir por­té atteinte aux droits des jour­na­listes de… ZIN TV.

Pure coïn­ci­dence ? Quoi qu’il en soit, l’atteinte tant au métier de jour­na­liste qu’à celui de défen­seur des droits humains est patente. Les asso­cia­tions concer­nées sont déci­dées à défendre leurs droits fon­da­men­taux jusqu’au bout. Ren­dez-vous devant les tribunaux.

Le 28 février 2019,

ZIN TV
Ligue des Droits Humains
Col­lec­tif Krasnyi