Perquisitions chez des hébergeureuses

par Meh­di Kassou
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La Pla­te­forme Citoyenne de Sou­tien aux Réfugiés
Pho­to : Fré­dé­ric Moreau de Bellaing

Des ménages belges ont été ciblés comme s’ils étaient deve­nus les repaires de nar­co­tra­fi­quants. Portes et ser­rures for­cées, pla­quages au sol, man­dats d’amené, citoyens menottés.

Des familles (4) d’hébergeurs de migrants de la Pla­te­forme Citoyenne de Sou­tien aux Réfu­giés per­qui­si­tion­nés ce dimanche 7 ocrobre.

Faits : Quatre familles — membres de la pla­te­forme Citoyenne de Sou­tien aux Réfu­giés — qui hébergent des migrants ont été la cible de per­qui­si­tions de police ce dimanche 7 octobre entre 7h et 9h du matin.

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1) À Nan­drin en Pro­vince de Liege, le loge­ment fami­lial de F. 51 ans, mère de 2 enfants, a été per­qui­si­tion­né alors qu’elle se ren­dait sur son lieu de tra­vail accom­pa­gnée de sa fille. Ces der­nières qui avaient été rap­pe­lées à leur domi­cile par leur invi­té, alar­mé par les ten­ta­tives d’in­tru­sion de la police, ont été lais­sées libres alors que leur héber­gé était emme­né vers Bruxelles où il a été pri­vé de liberté.

2) A Saint-Gilles, l’hé­ber­geuse M. âgée de 46 ans, dont la porte a été fac­tu­rée, a été mal­me­née et pro­je­tée au sol lors de la per­qui­si­tion. Cho­quée et vic­time d’un malaise, elle a été emme­née à l’hô­pi­tal où elle a reçu une convo­ca­tion à se rendre à la police judi­ciaire fédé­rale dans les pro­chains jours. Ses 3 invi­tés ont été pri­vés de liber­té. Un des 3 héber­gés a été libé­ré dans la soi­rée de dimanche.

3) À Water­mael-Boits­fort, la per­qui­si­tion, très impres­sion­nante par sa vio­lence selon les pre­miers témoins, a conduit à la pri­va­tion de liber­té de l’hé­ber­geuse, D. 54 ans — mère de deux enfants — et de ses 7 invi­tés. L’un d’entre eux a fina­le­ment été remis en liber­té dans les heures qui ont sui­vi l’o­pé­ra­tion de police.

4) D. 45 ans, habi­tante de Saint-Gilles, a été emme­née vers les locaux de la police judi­ciaire où elle a été pri­vée de liber­té. Selon les infor­ma­tions en notre pos­ses­sion, elle n’hé­ber­geait per­sonne la nuit pré­cé­dant son interpellation.

Visites domi­ci­liaires déguisées ?

Sur les 4 opé­ra­tions menées, 2 ne sem­blaient viser que les héber­gés mais ont pour­tant été menées sous cou­vert de per­qui­si­tions adres­sées aux hébergeurs.
En effet, F. de Nan­drin et M. de Saint-Gilles n’ont pas été pri­vées de liber­té. Au-delà de ce que l’enquête révè­le­ra, il est impor­tant de noter que les man­dats de per­qui­si­tions ont été déli­vrés afin d’interpeller des per­sonnes en situa­tion irré­gu­lière chez des particuliers.

Per­qui­si­tions ron­de­ment menées puisque des portes et des ser­rures ont été for­cées dans le cadre de ces opé­ra­tions choc inter­ve­nues à l’aube, un dimanche matin. Nos pre­mières infor­ma­tions laissent pen­ser que les man­dats ont été obte­nus sur base de numé­ros de télé­phone qui auraient été don­nés par les héber­geuses à leurs hébergés.
Néan­moins, ces numé­ros de télé­phones appar­te­nant aux héber­geurs, il est curieux que ceux-ci n’aient, dans 2 cas sur 4, pas été inquié­tés et que seuls leurs héber­gés aient été pri­vés de liberté.

Il semble donc que le par­quet ait trou­vé une parade au pro­jet de loi dit des visites domi­ci­liaires et qu’aujourd’hui, toute famille belge qui aura four­ni à son invi­té une carte SIM afin qu’il puisse res­ter en contact avec son hôte ou sa famille et les contac­ter en cas de dan­ger puisse deve­nir la cible poten­tielle d’une opé­ra­tion de police traumatisante.

Deux héber­geuses ont été pri­vées de liber­té mais nous ne savons, pour l’heure, tou­jours pas ce qui leur est reproché.

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De la répres­sion et de la cri­mi­na­li­sa­tion de la solidarité ?

La vio­lence de ces opé­ra­tions de police inquiète la Pla­te­forme Citoyenne qui s’interroge sérieu­se­ment sur le bien-fon­dé de ces opé­ra­tions et sur la pro­por­tion­na­li­té des opé­ra­tions menées. Des ménages belges ont été ciblés comme s’ils étaient deve­nus les repaires de nar­co­tra­fi­quants. Portes et ser­rures for­cées, pla­quages au sol, man­dats d’amené, citoyens menottés.

Si la lutte contre le tra­fic d’êtres humains est indé­nia­ble­ment néces­saire, nous ne com­pre­nons pas que des héber­geurs puissent de la sorte être trai­tés comme des cri­mi­nels pour avoir été soli­daires envers un public plus sou­vent vic­time de traite d’êtres humains que cou­pable de tra­fic d’êtres humains.

Nous ne com­pre­nons pas non plus les prio­ri­tés de la Jus­tice belge. Pour quoi s’entêter à cri­mi­na­li­ser et pour­chas­ser les vic­times de tra­fic d’êtres humains lorsque nous sommes quo­ti­dien­ne­ment témoins d’agissements liés à la traite des êtres humains à Bruxelles (proxé­né­tisme, pédo­phi­lie, exploi­ta­tion ouvrière).
Suite et poursuites

Cho­qués par la vio­lence qu’a choi­si de légi­ti­mer le par­quet à l’encontre des héber­geurs et scan­da­li­sés par ce qui semble être une volon­té claire de cri­mi­na­li­ser la soli­da­ri­té, les membres de la pla­te­forme se sont réunis hier dans l’urgence.

Dans un pre­mier temps, ils ont fait le néces­saire afin que tant les héber­gés que les héber­geurs soient rapi­de­ment mis en contact avec un avocat.
Le cabi­net d’avocats Pro­gress Lawyers Net­work assu­re­ra la défense des héber­gés alors que le cabi­net du Quar­tier des liber­tés assu­re­ra celui des hébergeurs.

Il a été conve­nu que des actions soient rapi­de­ment menées afin de dénon­cer cette nou­velle ten­ta­tive de cri­mi­na­li­sa­tion de la solidarité.

Meh­di Kassou
La Pla­te­forme Citoyenne de Sou­tien aux Réfugiés
Pho­to : Fré­dé­ric Moreau de Bellaing