Brésil, Les mouvements sociaux victimes de l’espionnage des entreprises

Des organisations internationales de droits humains ont rendu publiques des preuves de l’espionnage mené par les entreprises Vale et Belo Monte.

DIAL se fait sou­vent l’écho des luttes menées par les popu­la­tions affec­tées contre dif­fé­rents types de pro­jets extrac­ti­vistes, grands bar­rages, pro­jets miniers ou d’extraction pétro­lière. Les deux pre­miers textes de ce numé­ro se font l’écho cette-fois-ci des stra­té­gies uti­li­sées par les grandes com­pa­gnies pour désa­mor­cer ou, à défaut, pour faire plier les mobi­li­sa­tions, sou­vent avec le sou­tien des ins­ti­tu­tions des États. Ce pre­mier texte, publié par Noti­cias Alia­das le 21 février 2014, pré­sente une des stra­té­gies adop­tées par les entre­prises bré­si­liennes Vale[our une autre stra­té­gie de lutte, par la mani­pu­la­tion de l’opinion publique, voir DIAL 3030 — « BRÉSIL — [Les mou­ve­ments sociaux dérangent l’entreprise VALE ».]] et Belo Monte : l’espionnage. Le second texte, publié de même par Noti­cias Alia­das (19 décembre 2013) pré­sente un second type de stra­té­gie, déjà évo­qué dans de pré­cé­dents numé­ros[Voir notam­ment DIAL 2898 — « [CHILI — La cri­mi­na­li­sa­tion de la demande ter­ri­to­riale mapuche », 2899 — « CHILI — « Je doute que le mou­ve­ment social mapuche cesse d’être cri­mi­na­li­sé », Entre­tien avec l’avocat Jaime Mada­ria­ga de la Bar­ra » et 3062 — « MEXIQUE — Radio­gra­phie de l’État de droit : défis et dan­gers de la réforme pénale ».]] : la cri­mi­na­li­sa­tion des mobi­li­sa­tions sociales.


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Des orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales de droits humains ont ren­du publiques des preuves de l’espionnage mené par les entre­prises Vale et Belo Monte.

Le 24 février 2013, des membres du mou­ve­ment Xingú Vivo Para Siempre [Xingú vivant pour tou­jours], dans l’État du Pará, au Nor­deste, décou­vrirent qu’un nou­vel adhé­rent connu sous le nom d’Antônio était en train d’enregistrer la réunion de pla­ni­fi­ca­tion à laquelle par­ti­ci­paient des orga­ni­sa­tions locales et inter­na­tio­nales. Par­mi ces orga­ni­sa­tions envi­ron­ne­men­tales et de droits humains se trou­vaient Ama­zon Watch, Jus­ti­cia Glo­bal et l’Ins­ti­tut socio-envi­ron­ne­men­tal, qui accom­pagnent le mou­ve­ment et les com­mu­nau­tés affec­tées par le bar­rage Belo Monte, en même temps qu’elles exigent que le Consor­tium pour la construc­tion de Belo Monte (CCBM) res­pecte les lois et les droits humains.

Antô­nio révé­la qu’il avait été embau­ché par le CCBM pour espion­ner le mou­ve­ment et qu’il avait envoyé à un fonc­tion­naire du consor­tium des pho­tos et des infor­ma­tions sur les par­ti­ci­pants et le conte­nu des réunions aux­quelles il avait assisté.

De la même façon, des membres de l’organisation Jus­ti­ça No Tril­hos, qui défend les com­mu­nau­tés affec­tées par les pro­jets miniers, ont été vic­times d’espionnage de la part de l’entreprise minière Vale depuis 2008. Un ex-direc­teur de la sécu­ri­té dans l’entreprise, connu sous le nom d’André Almei­da, enten­du lors d’une audience de la Com­mis­sion des droits humains du sénat en octobre 2013, a appor­té des infor­ma­tions sur les liens entre l’entreprise Vale et le gou­ver­ne­ment, avec notam­ment le sou­tien d’agents de l’Agence bré­si­lienne d’intelligence (ABIN).

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Mis­sion d’investigation

Ces deux cas ont fait l’objet d’une inves­ti­ga­tion mis­sion­née par la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des droits humains (FIDH) et l’Organisation mon­diale contre la tor­ture (OMCT), réa­li­sée entre le 9 et le 14 février. La conclu­sion a été que Vale et CCBM se sont ren­dus res­pon­sables de « délits de cor­rup­tion, accès à des infor­ma­tions confi­den­tielles, enre­gis­tre­ments clan­des­tins, usur­pa­tion d’identité, accès illi­cite à des bases de don­nées publiques et licen­cie­ment injus­ti­fié de travailleurs ».

« Ces délits auraient été com­mis avec la com­pli­ci­té d’agents de l’État » signale la FIDH dans un com­mu­ni­qué. « Cer­tains docu­ments prouvent l’existence pots-de-vin ver­sés à des agents de l’État, le pos­sible appui de l’ABIN dans le cas de Belo Monte et d’agents retrai­tés de l’ABIN dans le cas de Vale, tout cela étant diri­gé contre les acteurs et des ONG consi­dé­rées par ces entre­prises comme de pos­sibles obs­tacles à leurs activités ».

Lors des décla­ra­tions réa­li­sées à la fin de la mis­sion, l’avocat fran­çais Alexandre Faro a révé­lé que « Vale dépense de 200 000 à 500 000 réales [de 84 000 à 210 000 dol­lars] pour ses recherches sur les mou­ve­ments sociaux », ajou­tant que l’entreprise a eu accès à Info­seg, le réseau de don­nées per­son­nelles des orga­nismes gou­ver­ne­men­taux, « ce qui est abo­lu­ment illé­gal [et] montre que des fonc­tion­naires d’entreprises publiques sont pro­ba­ble­ment complices ».

Les par­ti­ci­pants de la mis­sion se sont réunis notam­ment avec des orga­ni­sa­tions sociales vic­times de l’espionnage, des repré­sen­tants du gou­ver­ne­ment et du pou­voir judiciaire.

Jime­na Reyes, res­pon­sable du Bureau des Amé­riques de la FIDH et res­pon­sable de l’Observatoire pour la pro­tec­tion des défen­seurs de droits humains a décla­ré que « la ques­tion de l’espionnage pra­ti­qué par les entre­prises mul­ti­na­tio­nales contre les mou­ve­ments sociaux au Bré­sil met en évi­dence le manque de res­pect de ces entre­prises pour les droits humains. Ces agis­se­ments ont pour effet de saper la liber­té d’expression et de désac­cord, pilier essen­tiel d’un État démocratique.

Source de l’ar­ticle : DIAL