Discours historique de la présidente Dilma Roussef

Ce qui est en jeu dans cette pro­cé­dure de des­ti­tu­tion n’est pas seule­ment mon man­dat, ce qui est en jeu, c’est le res­pect des urnes, de la volon­té sou­ve­raine des Bré­si­liens et de leur Constitution.

Dis­cours his­to­rique de la pré­si­dente Dil­ma Rous­sef, le 14 mai 2016. 

Sous-titré en anglais et en alle­mand. Trans­crit en français

Bon­jour Mes­dames et Mes­sieurs les journalistes.

Bon­jour Mes­dames et Mes­sieurs les dépu­tés et ministres.

Bon­jour à tous.

Ceci est une décla­ra­tion à la presse, donc pas une inter­view : une déclaration.

Je vou­lais vous dire, et dire aus­si à tous les Bré­si­liens, que la pro­cé­dure de dépo­si­tion à mon encontre a été enta­mée par le Sénat et qu’elle a ordon­né ma sus­pen­sion pour une durée maxi­mum de 180 jours.

J’ai été élue à la pré­si­dence par 54 mil­lions de citoyens bré­si­liens, et c’est en cette qua­li­té, en qua­li­té de Pré­si­dente élue par 54 mil­lions de per­sonnes que je m’adresse à vous en ce moment déci­sif pour la démo­cra­tie bré­si­lienne et pour notre ave­nir en tant que nation.

Ce qui est en jeu dans cette pro­cé­dure de des­ti­tu­tion n’est pas seule­ment mon man­dat, ce qui est en jeu, c’est le res­pect des urnes, de la volon­té sou­ve­raine des Bré­si­liens et de leur Constitution.

Ce qui est en jeu, ce sont les réa­li­sa­tions de ces treize der­nières années, les gains qu’en ont reti­ré les plus pauvres, mais aus­si la classe moyenne. C’est la pro­tec­tion des enfants, l’accès des jeunes aux uni­ver­si­tés et aux écoles techniques.

C’est la valeur du salaire mini­mum, ce sont les méde­cins qui s’occupent de la popu­la­tion. C’est la réa­li­sa­tion du rêve de pos­sé­der sa mai­son avec « Min­ha Casa, Min­ha Vida ».

Ce qui est en jeu, c’est aus­si la grande décou­verte anté­sa­li­fère du Bré­sil [Gise­ment Libra,NdT].

Ce qui est en jeu, c’est l’avenir de notre pays, ses pos­si­bi­li­tés de pro­gres­ser tou­jours plus.

Devant la déci­sion du Sénat, je veux une fois encore cla­ri­fier les faits et rap­pe­ler les risques, pour le pays, d’une des­ti­tu­tion frau­du­leuse, d’un véri­table coup d’État.

Depuis le moment où j’ai été élue, l’opposition, mécon­tente, a récla­mé un recomp­tage des voix, a ten­té de faire décla­rer l’élection nulle et, n’y ayant pas réus­si, a conti­nué à conspi­rer ouver­te­ment pour obte­nir ma destitution.

Ces gens ont plon­gé le pays dans un état per­ma­nent d’instabilité poli­tique, ont tout fait pour empê­cher son redres­se­ment éco­no­mique, dans le seul but de s’emparer de force de ce qu’ils n’avaient pu obte­nir par les urnes.

Mon gou­ver­ne­ment a été la cible d’un sabo­tage intense et permanent.

L’objectif évident a été de m’empêcher à tout prix de gou­ver­ner et d’ainsi fabri­quer la mise en scène pro­pice à un coup d’État.

Quand un pré­sident élu est révo­qué sur l’imputation de crimes qu’il n’a pas com­mis, le nom que l’on donne à cela dans le monde démo­cra­tique n’est pas « des­ti­tu­tion » mais « coup d’État ».

Je n’ai pas com­mis le crime de res­pon­sa­bi­li­té, il n’y a aucune rai­son de pro­cé­der à une des­ti­tu­tion, je n’ai pas de comptes ban­caires à l’étranger, je n’ai jamais reçu de pots-de-vin, je n’ai jamais fer­mé les yeux sur des faits de corruption.

Cette pro­cé­dure est une pro­cé­dure caduque, léga­le­ment incon­sis­tante, une pro­cé­dure déloyale entre­prise contre une per­sonne hon­nête et innocente.

La plus grande bru­ta­li­té qui puisse être com­mise contre un être humain est de le punir pour un crime qu’il n’a pas commis.

Il n’y a pas de pire injus­tice que de punir un innocent.

L’injustice est un mal irréparable.

Cette farce légale à laquelle je suis confron­tée est la consé­quence du fait qu’en qua­li­té de pré­si­dente, je n’ai jamais cédé à aucune forme de chantage.

J’ai pu faire des erreurs mais je n’ai jamais com­mis de délit. Je suis jugée déloya­le­ment pour avoir fait tout ce que la loi m’autorisait à faire.

Mes actions ont été des actions légales, cor­rectes, des actions néces­saires, des actes de gouvernement.

Des actions sem­blables ont été exé­cu­tées avant moi par les autres pré­si­dents du Brésil.

Ce n’étaient pas des crimes en leur temps et ce ne sont pas des crimes à présent.

Ils m’accusent d’avoir publié six décrets sup­plé­men­taires, six décrets de cré­dit, et ce fai­sant d’avoir com­mis un crime contre la loi bud­gé­taire (LOA).

C’est faux, parce que ces décrets étaient auto­ri­sés par la loi.

Ils traitent de crime un acte de ges­tion quotidien.

Ils m’accusent de retar­der les paie­ments du « Pla­no Safra » [Emprunt pour le Plan Safra d’agriculture fami­liale. NdT], c’est faux.

Mes accu­sa­teurs ne peuvent même pas dire quel acte contraire aux lois j’ai commis.

Lequel ? Lequel ?

Non, il ne reste rien à payer, il ne reste aucune dette.

Jamais, dans une démo­cra­tie, il n’est per­mis de mettre fin au man­dat d’un pré­sident élu pour des actes légi­times de ges­tion d’un budget.

Le Bré­sil ne peut pas être le pre­mier pays à le faire.

Je vou­drais aus­si m’adresser à la popu­la­tion entière de mon pays pour lui dire que le coup d’État n’a pas seule­ment pour but de me révo­quer, de des­ti­tuer un pré­sident élu par le vote de 54 mil­lions de Bré­si­liens, un vote direct, dans une élec­tion non truquée.

En ren­ver­sant mon gou­ver­ne­ment, ce qu’ils veulent faire en réa­li­té, c’est empê­cher l’exécution du pro­gramme qu’ont choi­si, en votant majo­ri­tai­re­ment, ces 54 mil­lions de Brésiliens.

Le coup d’État menace de rava­ger non seule­ment la démo­cra­tie, mais aus­si tout ce qu’a accom­pli cette popu­la­tion au cours des récentes décennies.

Depuis mon acces­sion à la fonc­tion pré­si­den­tielle, j’ai été la garante zélée de l’État de Droit démocratique.

Mon gou­ver­ne­ment n’a pas com­mis d’actes de répres­sion contre des mou­ve­ments sociaux, contre des pro­tes­ta­tions col­lec­tives, contre les mani­fes­tants d’aucune appar­te­nance politique.

Le plus grand risque que coure ce pays aujourd’hui est d’être diri­gé par un gou­ver­ne­ment sans élections.

Un gou­ver­ne­ment qui n’aura pas été direc­te­ment élu par la popu­la­tion, qui n’aura pas la légi­ti­mi­té qu’il faut pour pro­po­ser et mettre en œuvre des solu­tions aux défis qui se posent au Brésil.

Un gou­ver­ne­ment sus­cep­tible de répri­mer vio­lem­ment les mani­fes­ta­tions à son encontre.

Un gou­ver­ne­ment né d’un coup d’État.

D’une des­ti­tu­tion frauduleuse.

Issue d’une sorte d’élection indirecte.

Un gou­ver­ne­ment qui sera, lui-même, gran­de­ment cause de la pour­suite de la crise dans notre pays.

C’est pour­quoi je vous dis, à vous tous, que je suis fière d’être la pre­mière femme élue à la pré­si­dence du Brésil.

Oui, je suis fière d’être la pre­mière femme élue à la pré­si­dence du Brésil.

Pen­dant ces années, j’ai exer­cé mon man­dat hon­nê­te­ment, avec digni­té, pour hono­rer les votes que j’ai reçus.

Au nom de ces votes et au nom de tous mes com­pa­triotes, je me bat­trai avec tous les ins­tru­ments légaux dont je dis­pose pour exer­cer mon man­dat jusqu’à son terme du 31 décembre 2018.

Le des­tin m’a tou­jours impo­sé des défis, beau­coup de grands défis, cer­tains m’ont sem­blé insur­mon­tables, mais j’ai réus­si à en venir à bout.

J’ai souf­fert la dou­leur indi­cible de la torture.

La dou­leur insou­te­nable de la maladie.

Et main­te­nant, je souffre à nou­veau, la dou­leur indi­cible de l’injustice.

Ce qui fait le plus mal en ce moment, c’est l’injustice.

Ce qui fait le plus mal, c’est de me rendre compte que je suis la vic­time d’une farce légale bas­se­ment politicienne.

Mais je ne perds pas cou­rage, je regarde der­rière moi et je vois tout ce que nous avons fait.

Je regarde devant moi et je vois tout ce qu’il nous faut encore et que nous pou­vons faire.

Le plus impor­tant de tout est que je peux me regar­der et voir le visage de quelqu’un qui, si le temps l’a mar­qué, a encore la force de défendre des idées et des droits.

Je me suis bat­tue toute ma vie pour la démocratie.

J’ai appris à faire confiance aux capa­ci­tés de com­ba­ti­vi­té de notre peuple. J’ai vécu beau­coup de défaites, et j’ai vécu de grandes victoires.

J’avoue que je n’ai jamais ima­gi­né qu’il me fau­drait faire face à un coup d’État dans mon pays.

Notre jeune démo­cra­tie, faite de luttes, faite de sacri­fices et même de morts ne mérite pas cela.

Ces der­niers mois, notre peuple est des­cen­du dans les rues. Il est des­cen­du dans les rues parce qu’il vou­lait davan­tage de droits, davan­tage de pro­grès. C’est pour­quoi je suis sûre qu’il sau­ra com­ment dire non au coup d’État.

Notre peuple est sage et pos­sède une expé­rience historique.

J’en appelle à tous les Bré­si­liens oppo­sés à ce coup de force, quelle que soit leur appar­te­nance poli­tique : res­tez mobi­li­sés, unis et en paix.

La lutte pour la démo­cra­tie n’est pas limi­tée dans le temps.

C’est une lutte sans fin, qui exige une abné­ga­tion constante.

La lutte pour la démo­cra­tie, je le répète, n’est pas limi­tée dans le temps.

La bataille contre le coup d’État sera longue, c’est une bataille que nous pou­vons et que nous allons gagner.

La vic­toire dépend de nous tous.

Mon­trons au monde qu’il y a des mil­lions de gens prêts à sou­te­nir la démo­cra­tie dans notre pays.

Je sais, et beau­coup des nôtres savent, notre peuple sait que l’histoire se fait par la lutte.

Et qu’il vaut tou­jours la peine de se battre pour la démocratie.

La démo­cra­tie est du bon côté de l’histoire.

Je n’abandonnerai jamais, je ne renon­ce­rai jamais à la lutte.

Mer­ci beau­coup à tous.

Publié par : the saker

Tra­duc­tion c.l. pour Les Grosses Orchades

Tra­duit du por­tu­gais vers l’italien par le Saker Italia

Dil­ma Rous­seff dénonce l’impeachment – avril 2016