Il s’agit de résistance. Une résistance contre une société qui accepte de laisser des gens perdre un emploi sans avoir le droit de lever le petit doigt pour contester.
Ce mardi 12 janvier, 8 syndicalistes de Goodyear ont été condamnés à 2 ans de prison, dont 9 mois ferme. Ces anciens salariés de cette usine du Nord de la France sont accusés de « séquestration » et pour certains d’entre eux même de « violence en réunion ».
Début 2014, les salariés s’étaient en effet mobilisés contre la suppression des 1143 emplois de leur entreprise. Une entreprise en bénéfice, et qui de ce fait ne pouvait justifier sa fermeture que par une avidité encore plus grande pour l’argent. Une avidité qui, même si elle empli un peu plus encore les coupes de champagne de ses PDG, entraine mécaniquement un accroissement de la pauvreté et des inégalités dans le pays.
Après des dizaines d’actions d’occupation, de manifestations et de grèves, face au refus absolu de la direction de dialoguer, huit syndicalistes ont retenu pendant un peu plus d’une journée deux Directeurs des Ressources Humaines dans leur bureau, en exigeant un dialogue.
On s’émeut du sort horrible de ces deux DRH, condamnés à rester quelques heures dans un bureau. Comme on s’émouvait il y a quelques mois d’une chemise déchirée. Mais combien de journalistes et de bien-pensant se révoltaient contre la violence de l’entreprise ? Combien se sont levés pour dire que non, les profits de quelques actionnaires ne peuvent pas justifier de jeter des centaines de famille dans la misère ? Pour le patronat il ne s’agit que de chiffres dans des colonnes de comptes, pour les politiciens il s’agit de voix à récupérer par la suite ou de courbe statistiques.
Mais pour ces syndicalistes, eux qu’on accuse de violence, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de résistance. Une résistance contre une société qui accepte de laisser des gens perdre un emploi sans avoir le droit de lever le petit doigt pour contester. Il s’agit de milliers d’enfants, d’hommes et de femmes qui risquent de tomber à la rue, de ne plus pouvoir se payer de soins médicaux, qui en un mot comme en cent sont condamnés à la pauvreté sur l’autel du profit.
Il y a quelques semaines on entendait la chorale de journalistes et de politiciens se lamenter des succès du FN, particulièrement dans le Nord. Le Nord touché de plein fouet par la désindustrialisation. Mais lorsque des gens se battent pour inverser la tendance, éditorialistes et « socialistes » en costard, depuis leur tour d’ivoire, bien au chaud, jugent la situation « complexe » et les actions menées « excessives » voire « intolérables ».
Remarquons que quand il s’agit d’évadés fiscaux, ou de politiciens corrompus, les sentences ne sont jamais d’un tel ordre, et qu’aucun des dizaines de politiciens condamnés ces dernières années pour fraudes, usage de faux ou corruption, sont libres d’aller et venir comme bon leur semble.
Le 24 novembre, l’entreprise a retiré sa plainte. Mais le soulagement ne fut que d’un temps, puisque c’est le ministère public (!) et donc, le gouvernement « socialiste », qui réclame une condamnation. Sans le moindre doute sous pression du MEDEF (organisation du patronat en France), le gouvernement fait donc condamner à la prison ferme des ouvriers français, coupables de se battre pour leur emploi.
Ce n’est pas la première fois que la répression syndicale s’abat sur ceux qui ne courbent pas l’échine, comme cela arrive également chez nous en Belgique. Mais c’est le jugement le plus dur depuis des décennies, et ce n’est pas une coïncidence. Avec l’intensification des luttes sociales s’intensifie la répression : par des amendes (comme les sanctions administratives communales en Belgique), des menaces physiques (comme lors de nombreuses grèves de l’hiver dernier) et aujourd’hui même par de la prison ferme.
Toute notre solidarité doit être mobilisée pour montrer que certaines lignes ne peuvent être franchies, et que résister n’est ni un crime ni un délit, mais une fierté, et aujourd’hui, une nécessité.
Signez et partagez la pétition
Cette situation ne rend que plus d’actualité encore ces paroles de Jean Jaurès :
« Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. […] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »
Nicolas Pierre
étudiant en médecine à l’UCL
Sources :
Politis, archive, humanité, blognouvelobs, Libé, LeMonde, Huma