L’« Horreur chaviste »

On apprend que la pauvreté au Venezuela a chuté de 49,4% de la population en 1998 à 27,8% aujourd’hui.

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Par Jean Ortiz

Uni­ver­si­taire. Pré­sident du Fes­ti­val Cultu­rA­mé­ri­ca. Res­pon­sable de la edi­ción de Rouges. Maquis de France et d’Espagne. Les gué­rille­ros, Atlan­ti­ca, Biar­ritz, 2006.

Alors qu’en France Total a réa­li­sé 12 mil­liards d’euros de pro­fits en 2011 pour engrais­ser action­naires, spé­cu­la­teurs et nan­tis, le “dic­ta­teur” véné­zué­lien Hugo Cha­vez uti­lise la rente pétro­lière au ser­vice du pro­grès social, de l’inclusion sociale et d’une redis­tri­bu­tion plus équi­table des richesses [Lire « [Au Vene­zue­la, Hugo Cha­vez mul­ti­plie les pro­grammes sociaux pour les pauvres », Le Monde, 14 février 2012.]].

Je me sou­viens de ces ban­de­roles, dans les quar­tiers pauvres de Cara­cas (les bar­rios), qui pro­cla­maient : “Main­te­nant le pétrole arrive dans les écoles, les dis­pen­saires, les centres sociaux…”. Quelle hor­reur : sor­tir les gueux de leur condi­tion de parias ! Cha­cun à sa place Comandante !

Pour contour­ner un État encore “bour­geois” et cor­rom­pu, et qui résiste aux chan­ge­ments, le “dic­ta­teur popu­liste” a mis en place des “mis­sions sociales” d’urgence afin de com­battre la pau­vre­té ; assu­rer un sta­tut aux mil­liers de petits ven­deurs ambu­lants et leur per­mettre l’accès à la Sécu­ri­té sociale ; aider les jeunes mères céli­ba­taires ; garan­tir un mini­mum vieillesse aux dam­nés de la terre. Éga­le­ment pro­mou­voir la méde­cine gra­tuite, des pro­grammes édu­ca­tifs en direc­tion de toutes les couches de la popu­la­tion, aider les enfants des rues et les han­di­ca­pés, ouvrir des super­mar­chés popu­laires à prix cas­sés. Sans par­ler de la mise en place de conseils com­mu­naux élus (struc­tures d’autogestion) qui font régner la ter­reur du “pou­voir popu­laire” et de la “démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive” dans les quar­tiers, les villages…

De source ONU (CEPAL), on apprend que la pau­vre­té au Vene­zue­la a chu­té de 49,4% de la popu­la­tion en 1998 à 27,8% aujourd’hui. Le pays est deve­nu le moins inéga­li­taire d’Amérique latine. Pure pro­pa­gande tota­li­taire ! Cha­vez arrose les pauvres à des fins élec­to­rales et les rend “visibles” pour les tou­ristes. Quel gas­pillage d’argent public ! Rien pour les riches, non de Dieu, qui sont pour­tant des citoyens à part entière et de “civi­li­sa­tion supé­rieure” ! Que cha­cun reste à sa place et la rente pétro­lière sera bien gar­dée. Pour­quoi la dilapider ?

Les pri­sons sont pleines d’opposants et d’amis de BHL ; le sang coule dans les rues de Cara­cas. Les petits mar­chands en font du bou­din cara­queño qu’ils vendent dix boli­vars. La droite fran­çaise et ses scri­bouillards paillettes-ser­viles s’insurgent. La gauche hol­lan­daise et nombre d’intellos ont peur de la conta­gion “popu­liste” ; il veillent sur le res­pect des liber­tés et des droits de l’homme à Caracas.

La gauche-gauche, elle, est par­ta­gée. Une par­tie s’engage (nous en sommes) ; l’autre hésite. Et si c’était une resu­cée de sovié­tisme ? Elle observe cet objet poli­tique non iden­ti­fié, non bre­ve­té “Made in Occi­dent”, ce putain de “socia­lisme du 21ème siècle”, ce curieux mélange… Atten­tion aux mots ! Ne le nom­mons pas encore. Il ne cor­res­pond pas à nos grilles de lec­ture, à nos sché­mas. Ce n’est pas “la révo­lu­tion” ajoutent les puristes. Et puis Cha­vez est impul­sif, mili­taire, zam­bo (métis). Il se trompe par­fois en matière de poli­tique inter­na­tio­nale, j’en conviens.

Obser­vons l’élection pré­si­den­tielle d’octobre 2012 pour voir s’il la gagne démo­cra­ti­que­ment. Et puis nous avi­se­rons. L’internationalisme de jadis, la soli­da­ri­té — sans aveu­gle­ment ni incon­di­tion­na­li­té — atten­dront jusqu’en novembre. Une fois de plus, mal­heu­reu­se­ment, notre euro-cen­trisme, notre fri­lo­si­té, peuvent nous conduire à regar­der les trains pas­ser. NON, NON et NON !

Les bar­ri­cades, comme disait Elsa Trio­let, n’ont que deux côtés. Washing­ton a déjà choi­si le sien, et il arrose, il arrose… les siens, les siens de garde du néo­li­bé­ra­lisme en péril.

Source de l’ar­ticle : mede­lu