L’absurde et cruelle décision de la juge Lenard contre René Gonzalez

Quel intérêt peut bien avoir le gouvernement étasunien pour continuer à sanctionner une personne dont le seul délit est d’avoir lutté contre le terrorisme ?

par José Per­tier­ra, avo­cat à Washing­ton D.C. Il repré­sente le gou­ver­ne­ment du Vene­zue­la dans l’affaire de l’extradition de Luis Posa­da Carriles.

Image_4-57.png Une juge fédé­rale de Mia­mi a pris une déci­sion absurde et cruelle contre un des cinq Cubains, dont la peine d’emprisonnement s’achève le 7 octobre pro­chain : La juge Joan Lenard a décla­ré que René Gon­za­lez, qui a pur­gé 13 ans de pri­son pour ne pas s’être ins­crit comme agent du gou­ver­ne­ment cubain, sera obli­gé de vivre les trois pro­chaines années à Mia­mi, en « liber­té surveillée ».

M. Gon­za­lez avait deman­dé l’autorisation de reve­nir à Cuba pour retrou­ver sa femme Olga et ses filles Ivette et Irma. Il y a plu­sieurs années, le Dépar­te­ment d’État avait déci­dé de ne jamais don­ner de visa à Olga afin qu’elle puisse rendre visite à son époux.

Même s’il est citoyen éta­su­nien de par sa nais­sance, René Gon­za­lez a été éle­vé à Cuba et il a la double natio­na­li­té. À la demande du gou­ver­ne­ment cubain, il est retour­né aux États-Unis afin de sur­veiller les groupes ter­ro­ristes de Mia­mi, qui depuis leurs bases dans le Sud de la Flo­ride mènent des actions ter­ro­ristes contre la popu­la­tion cubaine. Cepen­dant, en s’abstenant d’informer le Dépar­te­ment de la Jus­tice de ses acti­vi­tés aux États-Unis, René Gon­za­lez a vio­lé la loi. Par contre, le FBI n’a jamais arrê­té les ter­ro­ristes que René sur­veillait : ils sont tou­jours libres, pro­té­gés, et passent des beaux jours à Miami.

Quel inté­rêt peut bien avoir le gou­ver­ne­ment éta­su­nien pour conti­nuer à sanc­tion­ner une per­sonne dont le seul délit est d’avoir lut­té contre le ter­ro­risme ? Pour­quoi l’obliger à res­ter à Mia­mi – un foyer de ter­ro­risme anti-cubain – pen­dant les trois pro­chaines années ? Qu’importe si les ter­ro­ristes – depuis leurs bases aux États-Unis – ont assas­si­né 3 478 Cubains et lais­sé han­di­ca­pés 2 099 autres, au cours des 50 der­nières années ? De plus, com­ment la juge veut-elle que M. Gon­za­lez applique les condi­tions de sa « liber­té sur­veillée » à Miami ?

Par­mi les condi­tions impo­sées par la Cour à René Gon­za­lez figure l’interdiction de « s’associer avec des indi­vi­dus ou des groupes ter­ro­ristes, ou avec des membres d’organisations qui prônent la vio­lence ». Elle lui inter­dit éga­le­ment de « s’approcher ou de se rendre dans des endroits spé­ci­fiques où qui pour­raient être fré­quen­tés par des indi­vi­dus ou des groupes ter­ro­ristes ». Cela ne veut-il pas dire que pour accom­plir la sen­tence, Mia­mi est pré­ci­sé­ment le lieu où il ne devrait pas vivre, cette ville étant le sanc­tuaire des ter­ro­ristes aux États-Unis.

Les ter­ro­ristes que René était char­gé de sur­veiller vivent tou­jours à Mia­mi. Ils sou­tiennent ouver­te­ment le recours à la vio­lence contre Cuba. En avril der­nier, Luis Posa­da Car­riles, le com­man­di­taire du sabo­tage d’un avion civil cubain dans lequel sont morts 73 per­sonnes, et d’une cam­pagne de ter­reur contre La Havane, qui com­pre­nait la pose de bombes dans les plus grands hôtels et res­tau­rants cubains, a réaf­fir­mé son enga­ge­ment dans la lutte armée contre le gou­ver­ne­ment cubain. Or Posa­da Car­riles et ses aco­lytes vivent à Miami.

Pour­quoi mettre en dan­ger la vie de René et l’obliger à vivre les trois pro­chaines années côte à côte avec les mêmes ter­ro­ristes qu’il sur­veillait à Mia­mi lorsqu’il était agent du gou­ver­ne­ment cubain ?

Ce sont des ter­ro­ristes cuba­no-amé­ri­cains qui ont assas­si­né Orlan­do Lete­lier (l’ancien ministre chi­lien des Affaires étran­gères) aux États-Unis, Ron­ni Kar­pen Mof­fitt (une citoyenne nord-amé­ri­caine), Eula­lio Negrin et Car­los Muniz Vare­la (un Cuba­no-amé­ri­cain favo­rable au dia­logue paci­fique avec le gou­ver­ne­ment cubain), et aus­si Felix Gar­cia Rodri­guez (un diplo­mate cubain à l’ONU).

Dans une enquête réa­li­sée la veille du pro­cès contre les cinq Cubains, la psy­cho­logue Ken­dra Bren­nan a conclu que les Cuba­no-amé­ri­cains de Mia­mi main­tiennent « une atti­tude guer­rière contre Cuba ». En outre, une étude sur la com­mu­nau­té cuba­no-amé­ri­caine de Mia­mi, publiée par Ame­ri­cas Watch, a révé­lé que « les forces domi­nantes et intran­si­geantes de la com­mu­nau­té des exi­lés cubains à Mia­mi », tentent de faire taire par la vio­lence les opi­nions diver­gentes sur Cuba.

Par exemple, des bombes ont été posées dans des sta­tions de radios et dans les bureaux de revues de Mia­mi. Les per­sonnes qui plaident pour des chan­ge­ments dans la poli­tique à l’égard de Cuba ont été mena­cées de mort. « Plus d’une dizaine de bombes ont été posées, diri­gées contre ceux qui défendent l’idée d’une ouver­ture plus modé­rée envers le gou­ver­ne­ment de Fidel Cas­tro », conclut le rapport.

Il est donc irres­pon­sable et dan­ge­reux d’obliger René Gon­za­lez à res­ter dans cette atmo­sphère de vio­lence et de ter­ro­risme pen­dant les trois pro­chaines années. Sa vie est en danger.

La juge Lenard a expli­qué qu’elle ne peut éva­luer exac­te­ment les cir­cons­tances du délit, ou l’histoire et les carac­té­ris­tiques du condamné ».

Sérieu­se­ment, Mme la juge ? Mais si les « cir­cons­tances du délit » sont que René Gon­za­lez n’est pas venu aux États-Unis pour com­mettre des actes d’espionnage contre le gou­ver­ne­ment ou pour com­mettre des crimes. Sa seule mis­sion consis­tait à sur­veiller les ter­ro­ristes qui agissent en toute impu­ni­té aux Etats-Unis, et dont les cibles sont des civils inno­cents à Cuba. Son seul objec­tif était de ras­sem­bler des preuves que Cuba a ensuite remises aux FBI pour que Washing­ton agisse contre ces gens.

Ain­si, les ter­ro­ristes cuba­no-amé­ri­cains ont pré­pa­ré une série d’attentats à la bombe dans les hôtels et les res­tau­rants les plus célèbres de La Havane, y com­pris le pres­ti­gieux Hôtel Natio­nal et le légen­daire res­tau­rant La Bode­gui­ta del Medio. La cam­pagne ter­ro­riste avait pour objec­tif de détruire l’industrie tou­ris­tique à Cuba, et ain­si por­ter un coup à l’économie du pays qui était déjà affai­blie après la chute du bloc socia­liste de l’URSS et de l’Europe de l’Est.

Après les atten­tats du 11 sep­tembre, les États-Unis ont affir­mé avoir comme prio­ri­té de punir les ter­ro­ristes et de récom­pen­ser ceux qui com­battent le ter­ro­risme. S’il en est ain­si, ils devraient alors per­mettre à René Gon­za­lez de retrou­ver sa famille à Cuba, au lieu de l’obliger à res­ter à Mia­mi entou­ré de ter­ro­ristes qui veulent lui régler son compte.

La juge Lenard allègue dans sa déci­sion que, si elle per­met à René de reve­nir à Cuba le 7 octobre, elle ne pour­ra pas « éva­luer si le peuple éta­su­nien est pro­té­gé des futurs crimes que le condam­né pour­rait com­mettre ». Mais le seul crime com­mis par René a été de ne pas s’inscrire comme agent étran­ger ? Com­ment pour­rait-il repré­sen­ter un dan­ger pour le peuple éta­su­nien s’il retourne dans son pays ? De com­bien de temps la juge Lenard a‑t-elle besoin pour éva­luer exac­te­ment quelque chose d’aussi clair que l’eau de roche ?

La juge a éga­le­ment argué qu’elle a besoin de plus de temps pour que les États-Unis puissent don­ner à René « une pré­pa­ra­tion, une édu­ca­tion et des ser­vices médi­caux de la façon la plus effi­cace ». Par­don ? René a déjà décla­ré qu’il n’a aucune inten­tion de res­ter vivre aux États-Unis.

Son avo­cat a expri­mé clai­re­ment que René a pro­po­sé de renon­cer à sa citoyen­ne­té éta­su­nienne pour­vu qu’il puisse ren­trer chez lui à Cuba. Il n’a besoin ni de l’éducation, ni de la pré­pa­ra­tion des États-Unis pour l’aider à se réin­sé­rer dans la socié­té éta­su­nienne. Il sou­haite tout sim­ple­ment reve­nir à Cuba auprès de sa famille, et ne pas rece­voir d’instructions sur la manière de vivre dans ce pays, et pas­ser trois ans de plus sépa­ré de son foyer. Somme toute, à Cuba, il aura à sa dis­po­si­tion les meilleurs soins médi­caux, sans aucun frais ni pour les États-Unis ni pour lui-même.

Sans aucune sur­prise, la pro­cu­reure de l’affaire, Caro­line Heck-Mil­ler, a reje­té la requête de René sol­li­ci­tant son retour à Cuba au terme de sa peine d’emprisonnement. C’est cette même juge qui a déci­dé de ne pas incul­per Posa­da Car­riles pour ter­ro­risme, bien que l’avocate du Dépar­te­ment de Sécu­ri­té le lui ait demandé.

La seule issue de l’inexplicable et étrange déci­sion de la juge Lenard est qu’elle laisse la porte ouverte à René pour une nou­velle demande de retour à Cuba, « si les cir­cons­tances jus­ti­fient une modi­fi­ca­tion de sa sentence. »
Quelles cir­cons­tances la juge Lenard attend-elle ? Qu’un ter­ro­riste quel­conque à Mia­mi tire sur René ? •

Source : Granma

trad. Gran­ma international.