Le 22 juin 2017, France 2 a diffusé l’émission « Le Maroc vu du ciel ». Ce documentaire, réalisé par le photographe Yann Arthus Bertrand avec le soutien de l’Office national du tourisme marocain est commenté par l’animateur franco-marocain de radio et télévision Ali Baddou. Un commentaire des plus contestables qui présente le Sahara occidental comme une province marocaine, en contradiction flagrante avec les résolutions des Nations unies.
A plusieurs reprises, le documentaire fait apparaître une carte du Maroc qui présente d’un seul tenant un territoire allant du nord du Maroc au sud du Sahara occidental relégué au rang de province du sud marocain. Cette perspective sur la géographie du territoire est loin d’être innocente. Elle traduit la volonté hégémonique du Maroc qui occupe illégalement le territoire en violation du droit international.
La Marche verte de 1975 qui marque pour les Sahraouis le début de la colonisation massive illégale de leur territoire est présentée comme « une grande marche pacifique (…) qui libéra ces territoires du sud de l’occupation espagnole ». Pas un mot sur la condamnation de la Marche par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Ali Baddou consent une seule vague allusion au fait que le Sahara occidental n’est peut-être pas si marocain que le présente volontiers le documentaire : « Le Maroc attend que sa souveraineté sur le Sahara soit entérinée par l’ONU ». Aucune mention du fait que selon l’ONU, le statut du territoire doit être déterminé par les Sahraouis eux-mêmes à travers un référendum auquel le Maroc s’oppose fermement depuis des décennies.
Les informations erronées et partiales divulguées par « Le Maroc vu du ciel » sont lourdes de conséquences. En gommant le Sahara occidental de la carte, le documentaire dénigre le peuple sahraoui qui lutte depuis plus de 40 ans pour son autodétermination. Il contribue aussi à la désinformation du public français en contradiction avec la vocation éducative du service public audiovisuel dont France 2 est un fer de lance.
Contexte
Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est considéré par les Nations unies comme un territoire non autonome en attente de son autodétermination. Il est occupé par le Royaume du Maroc depuis 1975. Une occupation illégale, le Maroc n’étant pas reconnu par les Nations unies comme la puissance administrante.
En 1991, après 15 ans de conflit armé ayant fait fuir la moitié des Sahraouis vers des camps de réfugiés en Algérie, l’ONU a créé la Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Elle a pour mandat de maintenir un cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario qui revendique l’indépendance du Sahara occidental et qui a créé en 1976 la République arabe sahraouie démocratique (RASD), actuellement souveraine sur seulement 20% du territoire revendiqué. L’autre mandat de la MINURSO est l’organisation d’un référendum d’autodétermination définitivement rejeté par le Maroc en 2003, après que la MINURSO eut refusé d’inscrire sur les listes électorales des dizaines de milliers de colons marocains susceptibles de faire basculer le scrutin.
Depuis le départ de l’Espagne, le Maroc n’a cessé de consolider son occupation du territoire. Sous la pression de la colonisation massive, trois-quarts de la population est d’origine marocaine et les autochtones sont aujourd’hui en minorité. Le Maroc exerce un contrôle administratif et sécuritaire total, notamment grâce à la construction d’un mur de sable achevé en 1987 qui scinde le territoire sahraoui laissant seulement 20% des terres revendiquées par les autochtones au Front Polisario. Ce mur de 2700 km, étrangement absent du documentaire de Yann Arthus Bertrand, est le plus long mais aussi le plus miné du monde.
Les personnes qui défendent l’auto-détermination du Sahara occidental sont fréquemment l’objet d’arrestations, de tortures et de mauvais traitements. Certaines ont été condamnées à de très lourdes peines sur la base d’aveux obtenus sous la torture. Ce fut le cas pour les 24 membres du groupe de Gdeim Izik qui sont actuellement rejugés par la cour d’appel de Rabat. L’ACAT vient de saisir plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies pour dénoncer les violations graves du droit à un procès équitable dont les 24 accusés sont victimes.
Source : ACAT
Lettre à France 2 et Yann Arthus Bertrand :
Monsieur Gora Patel
Médiateur des programmes
France télévision
7 esplanade Henri de France
75907 Paris cedex 15
Monsieur le Médiateur,
Sur la base d’informations communiquées par l’ACAT-France, je souhaiterais vous faire part de ma consternation à la suite de la diffusion du documentaire de Yann Arthus Bertrand « Le Maroc vu du ciel », commenté par Ali Baddou. Ce documentaire, aussi esthétique soit-il, contient des informations erronées et partiales sur le Sahara occidental. Il est présenté comme une partie du territoire marocain tant par le commentateur que par la carte présentée à plusieurs reprises et qui gomme la ligne de démarcation internationalement reconnue entre le Maroc et le territoire sahraoui.
La Marche verte de 1975 qui marque pour les Sahraouis le début de la colonisation massive illégale de leur territoire est présentée comme « une grande marche pacifique (…) qui libéra ces territoires du sud de l’occupation espagnole », sans mention de sa vive condamnation par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Seule une phrase allusive d’Ali Baddou laisse entendre implicitement que le Sahara occidental n’est pas officiellement un territoire marocain. Il n’est cependant fait aucune allusion au droit international et aux Nations unies qui considèrent que le territoire est occupé illégalement par le Maroc depuis 1975.
En gommant le Sahara occidental de la carte, le documentaire dénigre le peuple sahraoui qui lutte depuis plus de 40 ans pour son autodétermination. Il contribue aussi à la désinformation du public français sur ce sujet.
Dans ce contexte, je vous demande de bien vouloir publier un rectificatif sur le site de France 2 expliquant que contrairement à ce qui est affirmé dans le documentaire, le Sahara occidental n’est pas une province marocaine mais un territoire non autonome en attente de son autodétermination.
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Médiateur, l’expression de ma haute considération.
Copie à Yann Arthus Bertrand :
Hope production
@ Robin & Co
8 rue des Bâteliers- 92110 Clichy
► Pour en savoir plus sur le Sahara occidental
► Retrouvez notre infographie sur la colonisation au Sahara occidental