Un roman noir au Sahara Occidental

Par Ursu­la A.

/

Bel­la­ciao

Ancienne colo­nie espa­gnole, le Saha­ra Occi­den­tal est depuis 1963 un ter­ri­toire « Non-Auto­nome » ins­crit sur la liste onu­sienne des ter­ri­toires à déco­lo­ni­ser. En 1975 alors que l’Espagne pré­pa­rait la déco­lo­ni­sa­tion, le Maroc et la Mau­ri­ta­nie reven­diquent le ter­ri­toire et l’envahissent mili­tai­re­ment. Le mou­ve­ment indé­pen­dan­tiste sah­raoui le Front Poli­sa­rio entre en guerre contre les deux nou­veaux colonisateurs.

Une grande par­tie de la popu­la­tion civile fuit et s’exile dans des cam­pe­ments de réfu­giés sur le ter­ri­toire algé­rien. La guerre contre la Mau­ri­ta­nie prend fin en 1979 par la recon­nais­sance mau­ri­ta­nienne de la Répu­blique Sah­raouie. La guerre contre le Maroc évo­lue en ces­sez le feu signé sous l’égide de l’ONU en 1991.

Entre 1982 et 1987 le Maroc construit un mur de sable dans le désert sah­raoui : 2700 Km de for­ti­fi­ca­tions mili­taires qui pro­tègent le Saha­ra Occi­den­tal « utile » (avec ses réserves de phos­phate et ses 1000 Km de côtes riches en pois­sons) des incur­sions des guer­riers du Polisario.

Depuis le ces­sez-le-feu de 1991, un sta­tu-quo s’éternise. Les pro­messes du réfé­ren­dum d’autodétermination faites devant les Nations Unies ne sont pas tenues. Le mur est tou­jours en place, sur­veillé par l’armée maro­caine et les vastes zones minées ne sont pas dépol­luées. Sou­te­nu par la France, le Maroc pour­suit son occu­pa­tion du ter­ri­toire, son exploi­ta­tion des res­sources natu­relles ain­si qu’une vio­lente répres­sion à l’égard des Sahraouis.

De l’autre côté du mur, 180.000 Sah­raouis vivent dans des camps de réfu­giés depuis 1975, au milieu du désert algé­rien, sous per­fu­sion d’aide inter­na­tio­nale, dans des condi­tions pour­tant invivables.

La résis­tance du peuple Sah­raoui est quo­ti­dienne, qu’il se trouve dans les cam­pe­ments de réfu­giés, en exil dans le monde, ou dans les ter­ri­toires occu­pés, pour sur­vivre ou défendre diplo­ma­ti­que­ment le ter­ri­toire et ain­si tenir la pro­messe de non vio­lence faite pour la recherche de la solu­tion au conflit.

EN LIEN :

Com­man­der le livre ICI

La der­nière poi­gnée de sable, le pre­mier polar d’actualité sur le Saha­ra Occi­den­tal. Une enquête sur la der­nière colo­nie d’A­frique. La pour­suite d’un crime aux nom­breux cou­pables. Un roman noir pour racon­ter le Saha­ra Occi­den­tal et la lutte des Sahraouis. 

Il y a vingt ans que j’ai tra­ver­sée pour la pre­mière fois le Saha­ra Occi­den­tal. Une route rec­ti­ligne qui sem­blait se conten­ter de sépa­rer l’Océan à l’Ouest du désert à l’Est. Quelques villes clair­se­mées, des habi­tants presque invi­sibles et par­tout : des mili­taires, des gen­darmes, des poli­ciers, en uni­formes comme en civils. Il a fal­lu que je m’égare dans les dunes pour que le hasard me pousse à entrer dans une tente, invi­tée à me repo­ser et à me rafraî­chir, et sur­tout à écou­ter l’histoire que tous les Sah­raouis que j’ai ren­con­trée depuis, s’efforcent avec pas­sion ou néces­si­té de raconter.

Le Saha­ra Occi­den­tal est encore aujourd’hui la der­nière colo­nie d’Afrique et les Sah­raouis, ses habi­tants, ont bien com­pris une chose, c’est qu’on leur a volé leur pays. Pour com­prendre, il faut remon­ter au temps des Indé­pen­dances, puis de l’invasion d’un nou­veau colon, le Maroc, dans les années soixante-dix, dans les années sombres de la guerre de 16 ans, pour finir dans les trente der­nières années de « ni-guerre, ni-paix » où les Sah­raouis vivent soit sous occu­pa­tion, soit dans les camps de réfugiés.

Pour com­prendre l’un des plus ancien conflit du monde, il faut mettre tout ceci en pers­pec­tive. Mais sur­tout trou­ver le moyen d’expliquer le Saha­ra Occi­den­tal, une guerre oubliée des médias et des poli­tiques, de rendre visible la face cachée du Maroc, grand ami de la France, de révé­ler un crime qui dure depuis cin­quante ans.

Crime. Le mot s’est impo­sé de lui même et a don­né le ton à mon tra­vail des der­nières années. J’enquêtais sur une crime et vou­lais le faire connaître au plus grand nombre. La forme est deve­nue une évi­dence. L’Histoire du Saha­ra Occi­den­tal est celle d’un roman noir. J’écrirai donc un polar.

Ursu­la A. La der­nière poi­gnée de sable 2020, 280 pages. 12 euros ISBN 978 – 2‑9552413 – 4‑9 Le roi Moham­med VI fouilla un jour la salle du tré­sor du Maroc et trou­va au milieu de toutes les richesses une petite lampe en or. Lorsqu’il l’effleura de sa main, un génie appa­rut et gron­da d’une voix pro­fonde : « Quel est ton vœu ? Dis-le moi et je l’exaucerai ! ». Le roi répon­dit sans réflé­chir un ins­tant, « génie, je vou­drais que tu ramènes mon père Has­san II à la vie pour que je puisse une der­nière fois le voir et lui deman­der conseil. » Le génie hocha len­te­ment la tête : « impos­sible de rame­ner quelqu’un du pays des morts, seul Allah peut faire cela ». « Alors dans ce cas, ce que je sou­haite le plus au monde est que le Saha­ra Occi­den­tal demeure éter­nel­le­ment maro­cain ! » Le génie le regar­da en sou­pi­rant. « Très bien, attends-moi ici, je vais cher­cher ton père ! » Au moment où Sam prend son poste d’ethnologue au sein de la Mis­sion des Nations Unies, le meurtre de son meilleur ami vient tout chan­ger. L’enquête anthro­po­lo­gique qu’il mène au Saha­ra Occi­den­tal est comme liée à ce crime. Une plon­gée dans la géo­po­li­tique, de Genève aux camps de réfu­giés sah­raouis en Algé­rie, jusque dans les éten­dues déser­tiques de la der­nière colo­nie d’Afrique. Deux crimes pour un roman noir.

« La der­nière poi­gnée de sable » s’est construit avec l’ambition d’informer et d’expliquer ce conflit à tra­vers le prisme du thril­ler, de réunir dans un roman des don­nées per­met­tant de com­prendre ses racines, ses enjeux et les pers­pec­tives sou­le­vées par les Sahraouis.

Une enquête qui s’est chaque jour encrée dans le pré­sent jusqu’aux der­niers ins­tants de son écri­ture. Comme un pied de nez à l’immobilisme des trente der­nières années, le 13 novembre 2020, alors que le livre allait par­tir chez l’imprimeur, le Saha­ra Occi­den­tal s’est à nou­veau sou­le­vé et le conflit éteins depuis le ces­sez-le-feu de 1991 s’est réveillé, les armées mobi­li­sées, ouvrant à une nou­velle phase. Les négo­cia­tions pro­mises ont échouées et le Front Poli­sa­rio qui défend les droits des Sah­raouis clame sa légi­ti­mi­té au retour aux armes.

Le Saha­ra Occi­den­tal, plus d’actualité que jamais. Comme pour en rajou­ter une der­nière couche, l’une des der­nières mesure du pré­sident Trump à quelques jours de son départ de la Mai­son Blanche fut jus­te­ment… la recon­nais­sance de la maro­ca­ni­té du Saha­ra Occi­den­tal et l’ouverture d’une ambas­sade sur ses terres. En échange ? Le Maroc recon­naît la sou­ve­rai­ne­té d’Israël et nor­ma­lise ses rela­tions avec l’État hébreu.

Une his­toire pas comme les autres. Un crime pas comme les autres. Pour faire com­prendre l’Histoire d’un peuple dont les luttes ont tra­ver­sées les der­nières décen­nies sans jamais bais­ser les bras. Les Sah­raouis ont été suf­fi­sam­ment patients. Il est plus que temps que l’on écoute leurs revendications.