RAPPELONS-NOUS
Il y a un peu plus de deux ans, Dexia était sauvé une deuxième fois par l’État. Après avoir sorti 4 milliards d’euros pour prendre le contrôle de la branche belge, le gouvernement de l’époque, en affaires courantes, prenait le 18 octobre 2011 un arrêté royal qui engage la Belgique à garantir conjointement avec la France et le Luxembourg les emprunts du groupe Dexia pour les vingt prochaines années. Le montant garanti par l’État belge aux termes de cet arrêté royal s’élève à 54,46 milliards d’euros, soit l’équivalent de 15% de son produit intérieur brut !
Concrètement, si Dexia ne parvient pas à rembourser ses dettes, alors les pouvoirs publics devront casquer immédiatement. En effet, l’arrêté de 2011 précise que ces garanties sont payables à première demande. Autrement dit, l’État n’a aucun moyen de se défendre même si Dexia poursuit ses placements aventureux ; ceux-là même qui ont entraîné sa débâcle et ses deux sauvetages grâce à l’argent public.
LES RECOURS
Une nouvelle socialisation des dettes privées constitue un véritable risque pour l’ensemble de la population. C’est pourquoi trois associations belges (CADTM, ATTAC Liège et ATTAC Bruxelles 2) ont introduit le 23 décembre 2011 devant le Conseil d’État un premier recours afin d’annuler l’arrêté royal du 18 octobre 2011. Ces associations introduiront un second recours en février 2013 en vue d’obtenir l’annulation du deuxième arrêté royal du 19 décembre 2012. Elles seront rejointes à cette occasion par les députées écologistes Zoe Genot et Meryem Almaci. Ils ont demandé ensemble l’annulation de ces arrêtés car en plus d’être dangereux économiquement et socialement, ils sont illégaux. Ils sont entachés de plusieurs vices de forme et ils violent plusieurs dispositions fondamentales du droit belge dont la Constitution. En effet, ces arrêtés royaux émanent d’un gouvernement en affaires courantes sans que ce dernier n’ait pris la peine de consulter le Parlement fédéral. Or les matières budgétaires relèvent de la compétence du pouvoir législatif. Autrement dit, le Parlement, qui en vertu de la Constitution est compétent pour intervenir dans les matières budgétaires, n’a ni délibéré ni légiféré sur l’octroi de ces garanties de 54,46 milliards. De plus, la section législative du Conseil d’État n’a pas non plus été consultée alors que c’est une condition indispensable sous peine de nullité de l’acte.
LES CONSÉQUENCES
Les conséquences de l’activation de ces garanties sont catastrophiques pour le budget de l’État. L’augmentation vertigineuse de la dette publique qui en résulterait serait encore utilisée comme arme de chantage pour justifier une dose supplémentaire d’austérité contre la population. De plus, nos élus sont tenus à l’écart jusqu’en 2031 par l’arrêté qui habilite le seul Ministre des finances à conclure des conventions de garantie avec les créanciers de Dexia.
Tout cela pour quoi ? Pour sauver une banque vouée à disparaître. Rappelons que Dexia est une banque en voie d’extinction qui a déjà été sauvée trois fois grâce à l’argent public, et ne fait qu’enregistrer que des pertes.
Depuis son premier sauvetage en 2008, le chantage est de mise. Pour la direction de Dexia et le gouvernement, la recapitalisation de la banque par l’État n’est pas un choix mais une obligation. Il n’y aurait donc pas d’alternative : la population belge est condamnée à remplir le tonneau percé de Dexia autant de fois que cela sera nécessaire. L’État belge sera appelé à renflouer régulièrement Dexia jusqu’à ce qu’elle fasse des bénéfices. Nous voilà prévenus ! La facture des trois sauvetages de Dexia par les contribuables belges s’élevait déjà à 9 milliards d’euros en mai 2013 et la saignée n’est pas prête de s’arrêter. Combien de milliards d’euros ces sauvetages à répétition coûteront-ils encore aux contribuables ? On ne le sait pas encore. Ce qui est certain, en revanche, c’est que pour financer le sauvetage de Dexia, l’État belge devra emprunter. La dette publique augmentera encore et le gouvernement imposera à la population de nouvelles mesures d’austérité afin de la rembourser.
Au-delà des conséquences dramatiques sur le plan social et économique, ces arrêtés royaux entraînent une violation manifeste des règles élémentaires d’un État démocratique. C’est dans un climat d’urgence, sans conditions imposées aux créanciers et sans qu’un réel débat parlementaire puisse avoir lieu, que ces garanties ont été octroyées. Elles sont donc dangereuses pour la population et pour la démocratie mais s’avèrent en plus incapables de régler le « problème Dexia ». Au contraire, on se rend compte aujourd’hui qu’elles l’aggravent.
QU’EN EST-IL AUJOURD’HUI ?
L’illégalité des arrêtés royaux développée dans les requêtes en annulation a bien été démontrée et de ce fait les deux recours avaient toute leur chance d’obtenir gain de cause. Mais ne nous y trompons pas : le respect des règles élémentaires d’un État de droit comme le principe de la séparation des pouvoirs est le dernier souci du gouvernement, dont l’objectif principal est de protéger les créanciers. L’illégalité était tellement flagrante que le gouvernement a tout mis en œuvre pour faire ratifier de façon expresse par le Parlement fédéral ces deux arrêtés royaux pris en 2011 et 2012. Le 16 mai dernier la balle était donc dans le camp de nos parlementaires qui auraient pu remettre en cause et annuler ces garanties en refusant de ratifier les deux arrêtés royaux et tourner définitivement la page Dexia en organisant une faillite ordonnée de la banque.
Il en fut bien évidemment tout autrement. En ratifiant les arrêtés royaux pris illégalement par le gouvernement, le parlement à coupé court à toutes actions juridiques. Le Conseil d’État a tranché, les recours sont maintenant jugés irrecevables.
QU’A CELA NE TIENNE, LE COMBAT CONTINUE !
Dexia est bien notre problème à tous. Mettons la pression sur les dirigeants politiques pour qu’ils ne soient plus complices de cette spoliation de la population. La dette contractée par l’État pour sauver les banques est illégitime !
Il faut sortir du cercle vicieux du sauvetage des banques entraînant une augmentation de la dette publique. La crise montre clairement que des changements structurels sont absolument indispensables pour sortir d’une situation dans laquelle les responsables du désastre restent impunis, la recherche du profit privé maximum prime, les droits économiques et sociaux de la majorité de la population sont systématiquement écornés et la démocratie bafouée.
Même si l’action judiciaire n’a pas pu aboutir, nous pensons qu’une action médiatique est tout à fait adéquate. D’où l’idée d’un documentaire. Si les politiques ont tout fait pour éviter le débat parlementaire, nous imposeront le débat public et démocratique à travers ce travail en image qui relatera la fabuleuse débâcle de Dexia, et qui sera aussi l’occasion de nous informer, de discuter et d’avancer de véritables alternatives. Au delà de l’affaire Dexia, ce documentaire mettra en évidence le fonctionnement antidémocratique de nos gouvernements, le pouvoir et l’influence du système financier.
Mais pour cela nous avons besoin de vous !
L’équipe de ZINTV