23 personnalités belges se positionnent contre l’instrumentalisation raciste du combat féministe et répondent au secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Theo Francken (N‑VA).
Au lendemain des violences survenues à Cologne la nuit du Nouvel An, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Theo Francken (N‑VA) a proposé de mettre en place et de rendre obligatoire un cours de « respect de ’la’ femme » pour les migrants. Jan Jambon a renchéri en déclarant « L’égalité homme femme fait partie de nos valeurs fondamentales. Personne ne pourra la remettre en cause, ni ceux qui sont nés dans le pays, ni ceux venus y trouver refuge »[([1)]].
Nous n’avons jamais vu nos hommes politiques défendre avec une telle énergie le respect dû aux femmes, et encore moins une de « nos » valeurs fondamentales qui serait l’égalité hommes-femmes. Pourtant, les premiers à mettre à mal cette égalité sont notamment certains politiques eux-mêmes.
En tout cas, le respect de cette valeur fondamentale ne semblait pas les préoccuper en janvier 2015 lorsque ce gouvernement a décidé de prendre des mesures économiques dont l’impact est désastreux pour les femmes. En effet, l’effritement des droits sociaux pénalise plus fortement les femmes qui ont des emplois moins bien rémunérés que ceux des hommes ; les femmes ont souvent des jobs à temps partiels et subissent plus souvent des périodes de chômage et des interruptions de carrière. Le « gouvernement Michel » n’a absolument rien fait pour essayer d’atténuer l’effet de ces mesures qui accroît les inégalités bel et bien existantes en Belgique entre les hommes et les femmes.
Parce que et contrairement à ce que Monsieur Jambon et Francken aimeraient nous faire croire, l’égalité entre hommes et femmes est encore bien loin d’être une réalité en Belgique !
Dans le monde du travail [([2)]], nous, femmes, sommes 60% des diplômés universitaires mais ne sommes que 6% à occuper des postes de direction. Notre salaire est inférieur à celui des hommes de 10%. Ce pourcentage est de 42% pour celles qui travaillent sous le régime des indépendants [([3)]].
Ce sont essentiellement les femmes qui mettent entre parenthèses leur carrière professionnelle pour s’occuper des enfants. Économiquement les femmes sont précarisées par cela à tel point qu’au jour de la pension, elles touchent un tiers de moins que les hommes [([4)]].
Or, très peu de mesures positives sont prises par les gouvernements belges successifs. Au contraire : pas de congés de maternité hommes-femmes, peu de places supplémentaires et à prix raisonnable en crèche, pas d’aménagement du temps de travail des hommes afin qu’ils puissent aussi se consacrer à leur famille, pas de quota au niveau du nombre de femmes aux postes de manager, etc.
En termes de justice, nous sommes les grandes perdantes puisque trois quarts des procès pour viol sont sans suite. En France, le procès de Jacqueline Sauvage a montré combien la justice était envahie de stéréotypes et de méconnaissances concernant les violences faites aux femmes [([5)]] et rend, dès lors, des jugements iniques.
Alors, Monsieur Jambon ; est-ce bien cohérent de nous exhorter à dénoncer les agressions sexuelles dont nous serions victimes ? Sauf à imaginer que la nationalité de l’agresseur vous motive à prendre ce problème au sérieux [([6)]] ?
Pourtant en Belgique 36% des femmes sont victimes de violence. Ce phénomène n’est pas nouveau et bien antérieur à l’arrivée de réfugiés Syriens ! D’autant que ces violences se passent pour l’essentiel au sein des familles et , contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les « méchants étrangers » les principaux responsables [([7)]].
Si l’idée de cours de comportement à l’égard des femmes voit le jour, ces chiffres démontrent que c’est à l’ensemble de la population que ce cours devrait être donné, à commencer à nos hommes politiques !
Mais plus encore que des cours, ce sont des politiques sérieuses et efficaces en matière d’égalité hommes-femmes que nous demandons avec vigueur. Nous rappelons que la loi dite “gendermainstreaming”, adoptée en 2007, n’est toujours pas d’application au fédéral [([8)]].
Nous, femmes, nous opposons à l’instrumentalisation que vous, messieurs les politiques, faites de nos droits si mal défendus ni protégés jusqu’à présent, pour légitimer votre politique motivée par des enjeux électoraux.
Nous refusons que vous nous utilisiez pour cautionner une politique dangereuse et stigmatisante qui participe à la spirale de violence dans laquelle nous allons être entraînées et que nous refusons d’alimenter. D’autant qu’en définitive, nous en serons les premières victimes.
Texte rédigé par Sylvie Olivier, architecte féministe et Aurore Van Opstal, militante/réalisatrice féministe
Signé par :
Sfia Bouarfa, (PTB), Députée honoraire ancienne sénatrice
Sahra Datoussaid, Militante féministe
Céline Delforge, Députée bruxelloise, Ecolo
Eléonore Dock, jeune féministe
Eugenia Fano, Enseignante et présidente de l’asbl le cargox : plate-forme artistique de femmes
Pauline Fonsny, Artiste
Zoé Genot, Députée régionale ECOLO
Julie Jaroszewski, Artiste
Zoubida Jellab, Conseillère communale Ecolo
Irène Kaufer, Militante féministe
Zakia Khattabi, Coprésidente d’Ecolo
Deborah Kupperberg, attachée à l’égalité des chances (cfwb)
Valérie Lootvoet, directrice de l’Université des Femmes
Bérengère Marques Pereira, présidente de l’Université des Femmes
Marion Pillé, Artiste
Vanessa Matz, Députée fédérale cdH
Catherine Moureaux, Députée bruxelloise PS
Axelle Red, Artiste
Milady Renoir, artiste/autrice intervenant dans les écoles
Laurence Rosier, Professeure, Université Libre de Bruxelles
Simone Susskind, Députée PS au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale
Le Vlaams Belang affiche ouvertement son sexisme. Pour l’affiche de la campagne, c’est la fille de Dewinter, président du parti, qui s’affiche portant un « burkini » (sic), code-barrée d’un « liberté ou islam ? Osez choisir ».
Rappelons que le premier outil du patriarcat est l’objectivation sexuelle des femmes (http://antisexisme.net/2013/08/13/objectivation‑1 – 2/). En l’occurrence, cette affiche laisse entendre que la liberté des femmes serait de porter un bikini, de se montrer à moitié ou totalement nue. Or, il s’agit là à nouveau de réduire les femmes à leurs « atouts » sexuels. On s’en doutait mais ce n’est certainement pas avec l’extrême-droite flamande que le combat pour le droits des femmes portera ses fruits. (Aurore Van Opstal)