Au ministre de la coopération au développement

par Dr Her­man De Ley

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palin­fo @Copyright Le Centre Pales­ti­nien D’Information

La Bel­gique ne col­la­bo­re­rait plus avec le minis­tère pales­ti­nien de l’Enseignement, tant que les écoles pales­ti­niennes por­te­raient des noms de « ter­ro­ristes palestiniens ».

Her­man De Ley, pro­fes­seur émé­rite à l’Université de Gand au Vice-Pre­mier ministre, a déci­dé d’é­crire une lettre à Alexan­der De Croo qui a déci­dé de ne plus col­la­bo­rer avec le minis­tère pales­ti­nien de l’Enseignement, parce que des écoles pales­ti­niennes sont bap­ti­sées de noms de « ter­ro­ristes palestiniens ». 

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Mon­sieur Alexan­der De Croo

Vice-Pre­mier ministre et ministre de la Coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment, de l’Agenda numé­rique, des Télé­com et de la Poste, bou­le­vard du Jar­din Bota­nique, 50, boîte 61, 1000 Bruxelles.

Nevele, le 15 sep­tembre 2018

Mon­sieur le Vice-Pre­mier Ministre,

Dans le quo­ti­dien De Stan­daard des 15 et 16 sep­tembre, j’ai lu que vous aviez déci­dé que la Bel­gique ne col­la­bo­re­rait plus avec le minis­tère pales­ti­nien de l’Enseignement, « tant que les écoles pales­ti­niennes por­te­raient des noms de ter­ro­ristes pales­ti­niens ». Ce que vous visez ici en par­ti­cu­lier, ai-je com­pris, c’est le fait qu’une petite école bâtie l’an der­nier avec des fonds belges dans le vil­lage de Beit Awwa (près de Hébron) a été bap­ti­sée par les vil­la­geois du nom de Dalal Mugh­ra­bi et que, mal­gré de lourdes pres­sions (finan­cières), les vil­la­geois ont refu­sé – et refusent tou­jours – d’en modi­fier le nom. Après une sus­pen­sion, l’an der­nier déjà, vous avez désor­mais mis fin pour de bon à la col­la­bo­ra­tion avec le minis­tère même de l’Enseignement.[Selon une liste éta­blie par l’organisation pro-israé­lienne « [Pales­ti­nian Media Watch » et datée du 27 sep­tembre 2017, cela concerne 75 « écoles dépen­dant de l’Autorité pales­ti­nienne », dont cinq portent le nom de Dalal Mughrabi.]]

En tant que per­sonne se sen­tant concer­née depuis long­temps par le peuple pales­ti­nien qui souffre d’une occu­pa­tion mili­taire longue de plu­sieurs décen­nies, je ne puis que condam­ner votre annu­la­tion de tout sou­tien à l’enseignement pales­ti­nien déjà lour­de­ment tou­ché durant toutes ces années.

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Dalal Mugh­ra­bi, comme on le sait, était une com­bat­tante de la résis­tance de vingt ans ori­gi­naire du camp de réfu­giés de Sabra, à Bey­routh, et qui, le 11 mars 1978, avait diri­gé un détour­ne­ment de bus ; au cours d’un com­bat de plu­sieurs heures avec l’armée, aus­si bien les douze pirates que quelques dizaines de pas­sa­gers pris en otages avaient per­du la vie. Comme d’autres mili­tants (c’est le terme uti­li­sé dans De Stan­daard) tom­bés dans la résis­tance, Dalal Mugh­ra­bi est éga­le­ment saluée comme une héroïne par la popu­la­tion pales­ti­nienne des Ter­ri­toires occu­pés. Sans vou­loir ver­ser dans la pro­vo­ca­tion, j’utilise le terme de « com­bat­tante de la résis­tance », là où la presse et la lit­té­ra­ture pro-israé­liennes uti­lisent sys­té­ma­ti­que­ment le mot « ter­ro­riste » – de la même façon qu’aujourd’hui aus­si, toute expres­sion de la résis­tance ou pro­tes­ta­tion pales­ti­nienne est tou­jours condam­née et pour­sui­vie (ou trai­tée de façon plus sévère encore) en tant que « ter­ro­risme » ou, du moins, en tant qu’« inci­ta­tion au ter­ro­risme ».[[Voir par exemple la condam­na­tion récente à une peine de pri­son de la poé­tesse Dareen Datour, citoyenne israé­lienne, en rai­son de la publi­ca­tion dans les médias sociaux de son poème « Résiste, mon peuple, résiste-leur », et le livre de Tho­mas Suá­rez, « State of Ter­ror : How Ter­ro­rism Crea­ted Modern Israel » 2016, Skys­cra­per Publi­ca­tions.]] Cepen­dant, comme nous le savons tous, le « com­bat­tant de la résis­tance » de l’un est le « ter­ro­riste » de l’autre ; en fin de compte, c’est tou­jours le dis­cours du vain­queur qui prime, dans l’historiographie officielle.

Cela vaut très cer­tai­ne­ment pour la confron­ta­tion entre Pales­ti­niens et Israé­liens. Déjà, du point de vue de la popu­la­tion autoch­tone conquise, la créa­tion même de l’État d’Israël est « impu­table » pour une part impor­tante à des actes de ter­reur : de la part de la Haga­nah, l’armée pré-éta­tique de Ben-Gou­rion, et des milices sio­nistes par-des­sus tout : l’Irgoun Zvai Leou­mi (Orga­ni­sa­tion mili­taire natio­nale d’Eretz Israël) et le Lehi (Com­bat­tants pour la liber­té d’Israël – Lehi), appe­lé éga­le­ment « Gang – ou Groupe – Stern ». Ils étaient diri­gés res­pec­ti­ve­ment par Mena­hem Begin et Yitz­hak Sha­mir, tous deux futurs Pre­miers ministres de l’État d’Israël.[À pro­pos du rôle impor­tant du ter­ro­risme sio­niste, voir le livre de Tho­mas Suá­rez, « State of Ter­ror : How Ter­ro­rism Crea­ted Modern Israel » 2016, Skys­cra­per Publi­ca­tions.]] Les mili­tants de ces orga­ni­sa­tions clan­des­tines com­mirent d’innombrables atten­tats ter­ro­ristes : contre des auto­bus, mar­chés et cafés arabes, etc., avec chaque fois des dizaines de vic­times. Mais, actes répu­gnants par-des­sus tout, il y eut les dizaines de bains de sang qu’ils pro­vo­quèrent par­mi les vil­la­geois pales­ti­niens innocents.[[Pour une liste des mas­sacres com­mis et « bien connus », voir la Fact Sheet : « [Noto­rious mas­sacres of Pales­ti­nians bet­ween 1937 & 1948 » Medium, 15 mai 2013. Les plus tris­te­ment célèbres sont sans aucun doute celui du vil­lage de Deir Yas­sin (9/4/48) et le « mas­sacre d’al-Tantara » (22/5/48 : « Al-Tan­ta­ra n’avait pas enga­gé le com­bat avec la Haga­nah, mais avait refu­sé ses condi­tions ; sur ce, les assaillants avaient emme­né les vil­la­geois mâles vers le cime­tière du vil­lage, les avaient ali­gnés et en avaient tué entre 200 et 250. ») Une cita­tion extraite d’une cri­tique du livre de Suá­rez : « Ce nou­veau livre nous montre com­ment le recours à la ter­reur par les par­ti­sans de l’idée d’un État juif en Pales­tine était en fait sys­té­ma­tique et rou­ti­nier et était accep­té par les diri­geants juifs comme néces­saire pour atteindre leur but. Au point culmi­nant du man­dat bri­tan­nique en Pales­tine, des actes ter­ro­ristes étaient exé­cu­tés avec une fré­quence et une inten­si­té oubliées aujourd’hui, et com­pa­rables aux actes ter­ro­ristes les plus graves des Pales­ti­niens en Israël, ou de l’ISIS en Syrie et en Irak. »]] Et ce, dans l’intention de ter­ro­ri­ser la popu­la­tion pales­ti­nienne au point qu’elle aurait choi­si la fuite « de son propre chef ».

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Sur le plan des atten­tats poli­tiques de ces milices, il y eut par exemple l’assassinat en novembre 1944 de lord Moyne (« ministre d’État bri­tan­nique au Moyen-Orient, en poste au Caire »), un proche ami de Chur­chill.[Voir les aveux du diri­geants du Lehi : « [Yitz­hak Sha­mir : Why we killed Lord Moyne » The Times of Israel, 5 juillet 2012). Les deux agents furent condam­nés à mort en 1945 et pen­dus au Caire. Des années plus tard, via un échange de pri­son­niers, Sha­mir rame­na leurs dépouilles en Israël et ils furent enter­rés sur le mont Herzl, « avec tous les hon­neurs mili­taires ».]] Le plus reten­tis­sant « acte d’héroïsme », tou­te­fois – sur le plan de l’impact, l’historien israé­lien Tom Segev le com­pare à l’attentat contre les Tours jumelles[Cf Tom Segev, « Ano­ny­mous Sol­diers » by Bruce Hoff­man », [cri­tique de livre dans : The New York Times, 25 février 2015.]] – fut l’attentat à la bombe (orga­ni­sé par Mena­hem Begin) contre l’hôtel King David à Jéru­sa­lem, le 22 juin 1946. D’une vio­lence inouïe (une aile de l’hôtel de 6 étages s’effondra com­plè­te­ment), il tua 91 per­sonnes, dont 75 étaient des civils.[La plu­part des morts étaient des membres du gou­ver­ne­ment bri­tan­nique ou des employés de l’hôtel. Il y avait 41 Arabes, 28 citoyens bri­tan­niques, 17 Juifs, deux Armé­niens, un Russe, un Grec et un Égyp­tien, Brad­ley Burs­ton, dans son article publié par le jour­nal israé­lien Haa­retz : « [Zionism’s Ter­ro­rist Heri­tage » (26 juin 2018).]] L’exécutant de cette « Opé­ra­tion Malon­chik » était un jeune homme de vingt ans à peine…[Voir aus­si : Colin Shind­ler, « [The day that shook foun­da­tions of UK-Jewish ties », The Jewish Chro­nicle, 22 juillet 2016.]]

Cet atten­tat ter­ro­riste meur­trier et « dément » (le Pre­mier ministre bri­tan­nique de l’époque, Cle­ment Attlee, uti­li­sa le mot « insane ») – « l’attentat ter­ro­riste le plus meur­trier de l’histoire », selon Tom Segev – est tou­jours com­mé­mo­ré de nos jours en Israël. Ain­si, lors du jubi­lé de son 60e anni­ver­saire, en 2006, un évé­ne­ment de deux jours fut orga­ni­sé au Centre de l’héritage de Mena­hem Begin, à Jéru­sa­lem. Le point culmi­nant en fut l’inauguration par le Pre­mier ministre Neta­nya­hou d’une grande pla­quette. Dans son dis­cours, il dit entre autres : « Il est d’une très grande impor­tance de faire la dis­tinc­tion entre groupes ter­ro­ristes et com­bat­tants de la liber­té, et entre des actes de ter­reur et des actions mili­taires légi­times (…) »[George Gal­lo­way : « [Remem­ber the King David Hotel », The Guar­dian, 21 juillet 2006.]]

L’attentat contre l’hôtel King David fut loin de clô­tu­rer la vague des atten­tats poli­tiques. Le 17 sep­tembre 1948, par exemple, dans le cadre d’une cam­pagne de « ter­reur contre des per­sonnes », quatre agents du Lehi assas­si­nèrent le diplo­mate et média­teur sué­dois, le comte sué­dois Folke Ber­na­dotte (il tra­vaillait à une révi­sion de la Réso­lu­tion de par­ti­tion de l’ONU). L’assassinat fut approu­vé par Yitz­hak Sha­mir.[« [Modern His­to­ry of Israel : The Assas­si­na­tion of Count Ber­na­dotte », Sep­tem­ber 17, 1948, dans : Jewish Vir­tual Libra­ry.]] Quant à l’histoire plus contem­po­raine, il convient de ren­voyer au Mos­sad, les ser­vices secrets israé­liens à l’étranger, avec ses « assas­si­nats ciblés » ou « exé­cu­tions ».[Voir l’ouvrage récent de Ronen Berg­man, « Rise and Kill First : The Secret His­to­ry of Israel’s Tar­ge­ted Assas­si­na­tions » (2018). Voir le [com­men­taire sur le livre par Ian Black, dans The Guar­dian, 22 juillet. (La guerre de l’ombre : Israël et le pro­gramme secret des exé­cu­tions du Mos­sad) (Nieuw A’dam, 2018).]]

Reve­nons-en alors à la « glo­ri­fi­ca­tion » par les Pales­ti­niens de l’assassinat et du ter­ro­risme. Dans son récent mes­sage vidéo adres­sé à la jeu­nesse israé­lienne (juive) à l’occasion du début de la nou­velle année sco­laire, le Pre­mier ministre Neta­nya­hou disait : « Les enfants doivent apprendre l’amour et le res­pect, et non la haine et le meurtre. Il y a tant de pion­niers de la paix à qui dédier des sta­tues. Pour­quoi les Pales­ti­niens choi­sissent-ils sciem­ment d’honorer des auteurs de massacres ?

La cita­tion pro­vient de l’article déjà men­tion­né de Brad­ley Burs­ton, publié dans Haa­retz (« un jour­na­liste israé­lien né aux États-Unis » et, dans ce contexte, une source inat­ten­due).[« Inat­ten­due », du moins du point de vue « libé­ral » israé­lien. Dans l’introduction d’une de ses inter­views, il est écrit qu’il est « deve­nu l’une des voix les plus en vue du sio­nisme libé­ral », voir : Edo Kon­rad, « [For many young Ame­ri­can Jews, the Trump-Bibi axis is the ene­my », 2 juillet 2018.]] Pour une réac­tion à la ques­tion de Neta­nya­hou, je ne puis faire mieux que de don­ner la parole à Burs­ton même : Ce que Neta­nya­hou n’a pas dit, c’est que des voyages entiers rela­tifs au « droit de nais­sance »[[« Taglit-Bir­thright Israel » éga­le­ment connue comme « Bir­thright Israel » ou sim­ple­ment « Bir­thright », est une orga­ni­sa­tion édu­ca­tive non mar­chande qui sou­tient des voyages gra­tuits (heri­tage trips) de dix jours en Israël pour de jeunes adultes de l’héritage juif, de 18 à 32 ans. » Finan­cée par des mil­lion­naires amé­ri­cains, elle est par­ti­cu­liè­re­ment popu­laire par­mi les jeunes Juifs amé­ri­cains.]] ont pu être orga­ni­sés autour de pla­quettes d’honneur et de monu­ments inau­gu­rés ces der­nières années par Israël en l’honneur des bom­bar­de­ments et autres assas­si­nats ter­ro­ristes com­mis par les membres de l’Irgoun Zvai Leou­mi et des groupes pré-éta­tiques clan­des­tins du Lehi – sans par­ler des auto­routes, bou­le­vards, écoles et places publiques por­tant les noms des com­man­dants res­pec­tifs des bandes armées : les défunts Pre­miers ministres israé­liens Mena­hem Begin et Yitz­hak Sha­mir. Il y a éga­le­ment, dans la colo­nie de Kiryat Arba, en Cis­jor­da­nie, la tombe et le lieu de pèle­ri­nage en sou­ve­nir de Baruch Gold­stein qui, en 1994, peu après le fes­ti­val juif du Purim, a fau­ché 29 Pales­ti­niens en train de prier au Tom­beau des Patriarches, à Hébron. »

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L’an der­nier, le jour­na­liste bien connu Gideon Levy a admis qu’il habi­tait dans « un quar­tier de ter­ro­ristes »[Gideon Levy, « Je serais heu­reux de vivre dans une rue Yas­ser Ara­fat israé­lienne. Les héros de chaque nation sont souillés de sang. Cer­tains des héros dont des rues israé­liennes portent les noms ont bien plus de sang sur les mains que n’en avait Yas­ser Ara­fat. » [Haa­retz, 9 mars 2017.]] : « Presque toutes ses rues portent des noms de ter­ro­ristes juifs qui ont fait sau­ter des auto­bus, atta­qué des trains et assas­si­né des gens. Eliya­hu Hakim et Eliya­hu Beit Zuri, les assas­sins de lord Moyne ; Meir Fein­stein, qui a atta­qué une gare fer­ro­viaire ; Moshe Bara­za­ni, qui a dyna­mi­té un train à Mal­ha ; et Yehiel Dres­ner, qui a atta­qué un train à Lod. Le sang d’innocents colle à leurs mains. Il y a encore plus de sang sur les mains de Reha­vam Ze’evi, qui a lui aus­si une rue à son nom, non loin du port. »

Il avait fait cet aveu à l’occasion de ce qui était arri­vé aux auto­ri­tés de la ville arabe deJatt, en Israël, lorsqu’elles avaient vou­lu bap­ti­ser une rue du nom de Yas­ser Ara­fat : elles avaient été prises à par­tie par le gou­ver­ne­ment israé­lien parce qu’elles enten­daient com­mé­mo­rer un « enne­mi » notoire d‘Israël. Les auto­ri­tés muni­ci­pales avaient fini par céder sous les pres­sions politiques…

Mon­sieur le Vice-Pre­mier Ministre, il est exact que tous ces faits appar­tiennent au pas­sé, mais c’est éga­le­ment le cas de l’attentat contre le bus de 1978, diri­gé par Dalal Mugh­ra­bi, vingt ans, fille de réfu­giés pales­ti­niens au Liban. Quoi qu’il en soit, cette pos­sible objec­tion ne vaut pas pour les plus récents crimes de guerre com­mis par l’État israé­lien. C’est pour­quoi je par­le­rai briè­ve­ment des meurtres mas­sifs per­pé­trés depuis le 30 mars der­nier sur les par­ti­ci­pants sans armes aux « Marches du Retour », orga­ni­sées à proxi­mi­té des grilles de pri­son entou­rant la bande de Gaza.

Jusque ven­dre­di der­nier, le 14 sep­tembre, des sni­pers de l’armée y tiraient à balles réelles, une fois encore : sur des mani­fes­tants sans armes (ces der­niers temps, quelques cen­taines seule­ment), et sur les inci­ta­tions (ordres) du com­man­de­ment de l’armée israé­lienne et du ministre de la Défense, Avig­dor Lie­ber­man. Chaque ven­dre­di, les balles israé­liennes y laissent des morts et des bles­sés. Comme ven­dre­di der­nier, le 14 sep­tembre, une enfant de douze ans et deux jeunes adultes de vingt et un ont été tués (il y avait éga­le­ment des enfants par­mi les bles­sés). Depuis le début de la Grande Marche du Retour, le 30 mars 2018, la docu­men­ta­tion de l’organisation des droits de l’homme Al Mezan fait état de 183 Pales­ti­niens tués à Gaza, dont 133 pen­dant les mani­fes­ta­tions – par­mi ceux-ci, 25 enfants, une femme, deux jour­na­listes, trois para­mé­di­caux et trois per­sonnes han­di­ca­pées. Il y a éga­le­ment eu 9.371 bles­sés, dont 1.729 enfants, 410 femmes, 107 para­mé­di­caux et 86 jour­na­listes. Par­mi les bles­sés, 5.310 – dont 871 enfants et 112 femmes – ont été tou­chés par des balles réelles.[Repris du [com­mu­ni­qué de presse d’Al Mezan Cen­ter for Human Rights, du 9 septembre.]]

Les mani­fes­tants sans armes de Gaza sont reje­tés par Lie­ber­man comme « ter­ro­ristes » : « Il n’y a pas d’innocents, à Gaza. »[« Il faut bien com­prendre que la majo­ri­té des gens tués étaient des ter­ro­ristes que nous connais­sions bien, des agents du bras armé du Hamas, ain­si que du Dji­had isla­mique pales­ti­nien. Ce n’étaient pas des civils inno­cents venus comme fai­sant par­tie d’une mani­fes­ta­tion de civils », a décla­ré Lie­ber­man dans The Times of Israel : « [Liber­man says IDF will not change open-fire poli­cy on Gaza bor­der », 3 avril]] Les sol­dats, par contre, sont encen­sés : « Ils ont opé­ré excep­tion­nel­le­ment bien, comme il fal­lait s’y attendre. » Les appels pres­sants de la part de nom­breuses ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales (comme l’Assemblée géné­rale de l’ONU) et orga­ni­sa­tions des droits de l’homme, afin de faire ces­ser d’urgence les tirs à « balles réelles » contre les mani­fes­tants, res­tent des voix dans le désert. Le 24 mai, la Haute Cour israé­lienne de jus­tice a même reje­té une plainte éma­nant de six orga­ni­sa­tions pales­ti­niennes et israé­liennes des droits humains, récla­mant que soit mis un terme à cette poli­tique des FDI.[Voir Michael Schaef­fer Omer-Man, « [Israel’s High Court just made an ICC inves­ti­ga­tion more like­ly », 28 mai. Le mili­tant bien connu pour la paix Uri Avne­ry (décé­dé le 20 août der­nier), dans : « The Day of Shame » (19 mai) : « AINSI DONC, pour­quoi les sol­dats ont-ils reçu l’ordre de tuer ? C’est la même logique qui a ani­mé d’innombrables régimes d’occupation tout au long de l’histoire : Effrayez tel­le­ment les « autoch­tones » qu’ils fini­ront par céder. Hélas, les résul­tats ont presque tou­jours été à l’opposé : les oppri­més se sont endur­cis et sont deve­nus plus réso­lus. C’est ce qui se passe aujourd’hui »]]

Cher Mon­sieur De Croo, en tant que ministre à la Coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment, vous avez déci­dé « de ne plus col­la­bo­rer avec le minis­tère pales­ti­nien de l’Enseignement », parce que que « des écoles pales­ti­niennes sont bap­ti­sées de noms de ter­ro­ristes pales­ti­niens » (DS). En toute hon­nê­te­té et avec la meilleure volon­té du monde, je ne puis éprou­ver la moindre com­pré­hen­sion envers une poli­tique de ce genre. S’il suf­fit qu’un peuple autoch­tone pour­sui­vi depuis plus de 70 ans (et assailli constam­ment par l’occupant sur le plan mili­taire) donne à cer­taines de ses écoles[Un exemple très récent : le com­mu­ni­qué de presse d’Al Mezan : « [Al Mezan Condemns Israe­li Military’s Shel­ling of East Khan You­nis School » (16 sep­tembre), (met foto’s).]] le nom d’un héros ou d’une héroïne de la résis­tance, que doit-il alors se pas­ser après le bain de sang heb­do­ma­daire ver­sé dans la bande de Gaza pour que le gou­ver­ne­ment belge cesse éga­le­ment de col­la­bo­rer avec ce gou­ver­ne­ment israé­lien tant que celui-ci s’obstinera à vio­ler le droit inter­na­tio­nal et les droits fon­da­men­taux des Palestiniens ?

Avec mes salu­ta­tions respectueuses,

Dr Her­man De Ley,
pro­fes­seur émé­rite à l’Université de Gand

Source de l’ar­ticle : palin­fo @Copyright Le Centre Pales­ti­nien D’Information


Notes :