Entretien_avec_Barbara_Kopple_Hart_Perry.pdfHarlan County, USA : Interview, réalisé par Alan Rosenthal (1977)
Tiré de “The documentary conscience” d’Alan ROSENTHAL University of California Press,1980
Barbara Kopple et Hart Perry
Harlan County a été réalisé entre 1972 et 1976 avec de l’argent provenant de fondations, de certains groupes religieux et de donateurs individuels. Ce fut le premier film majeur de Barbara Kopple en tant que réalisatrice, et il commença comme le filmage d’un combat contre la vieille garde (collaborationniste et corrompue) au sein des “United Mine Workers Union” (Le Syndicat des Mineurs Unifiés). Mais lorsque les mineurs de Brookside, Harlan County, se mirent en grève en juillet 1973 pour la reconnaissance et la reconquête du “United Mine Workers Union” comme leur véritable syndicat, le film commença à prendre une orientation différente. —C’est alors que Kopple s’installe à Brookside et habite avec les mineurs durant leurs 13 mois de grève.
Harlan County décrit l’histoire d’une communauté du Kentucky au passé légendaire de lutte et de guerre contre les patrons. Dans cette communauté, la question posée par la chanson:“De quel côté êtes vous, les gars ? » représente la question essentielle de la vie.
Le film célèbre l’action collective des mineurs, dont le point de vue est adopté par la caméra. Barbara Kopple n’a aucune prétention de neutralité. Les mineurs et leurs femmes sont les héros, tandis que les patrons et la société Duke Power sont les ennemis.
Les évènements sont magnifiquement photographiés par Hart Perry qui documente les instants silencieux et intimes de la communauté aussi bien que la violence et les conflits. La mise en scène est modeste et il est évident que Barbara Kopple est parvenue à établir un rapport profond avec les mineurs et leurs femmes.
Tandis que les événements politiques se déroulent, le spectateur est entraîné dans les demeures et à l’intérieur des vies des mineurs, au point de savoir ce que c’est que de manger, ressentir et souffrir avec eux.
Les dangers d’un tel film sont nombreux. Il est facile d’outrer les plans simples et esthétiques, de “sur-émotionaliser” des situations, et de créer des héros symboliques. Kopple et Perry évitent la plupart de ces pièges. Bien que le montage soit un peu embrouillé et que certains problèmes restent ambigus (“unclear”), l’impression d’ensemble n’en est pas affectée L’essentiel est que des personnes réelles nous soient présentées de façon franche et directe : du chef armé des briseurs de grève , au vieil homme mourant d’anthracose (“black lung disease”). Et, quand la femme d’un mineur dit, “Même s’ils me tirent dessus, ils ne pourront jamais tuer le syndicat en moi !”, elle incarne une partie entière de la vie américaine qui n’apparaît que rarement à l’écran.
Le film expose les problèmes principaux, mais donne aux spectateurs quelque chose de plus : un sentiment d’admiration pour les mineurs et pour une communauté dont les membres parviennent à vivre dans une grande dignité malgré de terribles souffrances.
Pour Barbara Kopple, à 33 ans, ce film représente quatre ans d’un incessant dévouement. Auparavant, elle avait travaillé sur d’autres films comme monteuse, productrice et technicienne du son. Elle avait été très engagée dans la réalisation de Hearts and Minds, Winter Soldier, et Richard the Third.
Le rencontre enregistrée ci-dessous eut lieu durant un bref répit entre ses voyages précipités à travers le pays et ses discours en faveur des mineurs et d’autres groupes. Quelque part dans l’avenir, disait-elle, il y avait l’espoir d’un film “dramatique” sur la lutte des ouvriers textiles du sud pour syndicaliser les manufactures de textiles de J.P. Stevens.
L’occasion de voir Barbara Kopple m’a aussi permis de discuter avec Hart Perry. Entre eux, il existe un rapport manifeste et une compréhension qui semble l’une des raisons de la qualité du film. L’expérience de Perry a consisté essentiellement dans des films pour la télévision. Il a été l’un des cameramen de Woodstock, caméraman de The 51st State, et de Carole King. Il a gagné cinq Emmies pour la photographie, dont un pour une partie de The Great American Dream Machine. Comme metteur en scène, il a réalisé entre autres, Veterans, Convention, et Stephen Sondheim.
Interview, par Alan Rosenthal (1977)
Ce chapitre a été enregistré lors d’une discussion ouverte sur le film au Flaherty International Film Seminar, Août, 1977. Quelques questions sont les miennes, mais certaines ont été posées par d’autres personnes malheureusement, non identifiables.
Q : Vous avez passé quelques années engagée dans un film qui n’a cessé tout ce temps de croitre et de se ramifier. Comment avez vous abordé vous le sujet au départ ? Je présume que le film a dû commencer comme un projet plus court, plus spécifique.
K : L’idée d’origine consistait à filmer le mouvement“Miners for Democracy”. Après le meurtre de Yablonski, un siège s’est développé à l’intérieur du mouvement des mineurs. Ils en avaient assez de la dictature et voulaient un changement de direction. Des dirigeants qui, disaient-ils, les représenteraient vraiment. Ils voulaient ‑entre autres revendications- obtenir le droit de ratifier leurs propres contrats. Le film a commencé comme ça. Nous avons voulu enregistrer ce moment, cette agitation. J’ai pensé que ce serait incroyable d’entendre trois hommes, dont l’un avait travaillé 26 ans dans les mines et qui était paralysé par l’anthracose (“black lung”), se présentant contre Tony Boyle (le syndicaliste “bidon”). En plus, il n’y avait jamais eu de vraie élection dans le “United Mine Workers Union”.
Q : Où avez-vous trouvé de l’argent pour le film ?
K : Réunir les fonds fut très difficile. On nous a accordé un prêt de $9,000 au début avec la promesse que cette personne fournirait l’argent pour le film entier. Lorsque je suis revenue après le premier tournage j’ai fait l’erreur de montrer des rushes. Et puis cet homme charmant a décidé qu’une femme de 26 ans ne pourrait jamais réaliser un film politique majeur et a choisi de ne pas le financer. Voilà où j’en étais, après avoir voyagé pendant un an dans les bassins houillers, après avoir rencontré des gens mourant de “black lung” et vivant sous oxygène ; après avoir connu des veuves de mineurs tués dans les mines ; après avoir écouté des vieux parler des années 30 et s’exprimer en chansons originales… j’ai simplement voulu continuer. J’avais vraiment des sentiments forts à propos de ce que j’avais vu et ressenti.
A ce moment là, j’ai commencé à me renseigner sur les fondations. J’ai appris qu’il fallait être (une association) à but non lucratif et exempt d’impôts. Il fallait rendre des dossiers incroyables qui répondent à tout : d’où vous vouliez le distribuer à exactement ce que vous tourneriez. Ils avaient des conseils d’administration avec les esprits les plus incroyables que l’on pourrait espérer rencontrer. Historiens de travail, économistes, et autres. Et je me suis dit, “Si c’est ça qu’ils veulent, mieux vaut essayer de le faire.” Donc, je l’ai fait. J’ai dû postuler à des centaines de fondations.J’ai été refusée par un grand nombre d’entre elles, mais j’ai fait toutes sortes de choses pour continuer à avancer.
Par exemple, j’entrais dans des banques et je disais, “Hé, vous voulez investir dans un film sur le charbonnage?” Ils pensaient que j’étais folle. Ensuite je disais, “O.K. Alors, est-ce que je peux utiliser votre photocopieuse ? Et votre machine à timbrer ?” Je restais là, je photocopiais 117 propositions, et puis je les timbrais toutes. Je faisais mes collages à même le sol. Ca a continué pendant les quatre années de la réalisation du film. A la fin du film, j’avais accumulé une dette de $60,000.
P : Barbara a mis au point une technique que j’ai empruntée et trouvée très utile. Elle recevait un tas de lettres de refus qui s’amoncelaient, mais elle rappelait pour demander pourquoi elle avait été refusée. Ensuite elle trouvait d’autres fondations auxquelles postuler mais pas avant d’avoir rapproché et mis à profit le contenu de ces refus.
K : Je postulais aussi année après année à la même fondation. Certaines d’entre-elles, après trois ans, me donnaient enfin une bourse. Pour celles qui continuaient à refuser je téléphonais, et demandais pourquoi. Puis je les invitais à venir voir le métrage et je leur demandais une liste d’autres gens susceptibles de m’aider. En fait j’ai commencé devenir une sorte d’experte sur les fondations.
Q : Quelles étaient certaines des raisons de refus ?
K : J’ai reçu une lettre expliquant qu’ils ne sponsorisaient que les oiseaux et les arbres parce qu’ils ne répondent pas… La plupart disaient, “Vous ne cadrez pas avec nos principes. Nous n’aidons que le contrôle des armes,” etc. Les lettres sont formidables. Je peux en rire maintenant, mais à l’époque je m’énervais beaucoup.
Q : Quelles étaient vos impressions et quelles étaient les réactions des mineurs à votre égard lors de votre arrivée à Harlan County ?
K : Lorsque je suis arrivée à Harlan County j’ai eu de la chance, parce que plusieurs des organisateurs avaient combattu pour le “Miners for Democracy Movement” (le mouvement des Mineurs pour la Démocratie). C’était ce que j’avais fait pendant un an, alors je connaissais des gens. Je me souviens du premier matin de mon arrivée à Harlan County. On avait quitté le Tennessee très tôt et étions arrivés à Harlan vers 4h30 ; je suis allée voir un des organisateurs et j’ai demandé “Que s’est-il passé?” Il a dit : “descends la route. Traverse le pont et tu verras la grève. Les forces de l’ordre (“state troopers”) y sont aussi.” Alors on y est allé.
On a traversé le pont et vu les femmes avec des badines et les forces de l’ordre avec des matraques. Et je me voyais mal sortir de la voiture et dire, “Salut, je suis une réalisatrice de New York. Je suis venue filmer votre histoire.” Et pendant que je réfléchissais, les autres dans la voiture disaient, “Pourquoi est-ce tu ne te reprends pas?” (“Why don’t you get it together?”) et d’autres choses du genre. Puis j’ai re-traversé le pont et j’ai dit à un des organisateurs, “Présente nous”. Alors, il nous a présentés, mais au début les femmes ne nous ont pas fait confiance. Elles nous donnaient des noms ridicules — elles disaient qu’elles étaient Martha Washington et Florence Nightingale. On a mis une semaine de participation continuelle au piquet de grève pour obtenir une certaine acceptation.
Vers le troisième jour, on a eu un gros accident de voiture. La voiture était cabossée et notre matériel cassé, mais nous sommes venus à la grève quand même. Et elles nous ont pris pour des fous, puis elles se sont vraiment ouvertes. Nous avons habité avec les mineurs, dans leurs maisons. Ils nous ont nourris. Je leur ai souvent apporté des films comme Salt of the Earth et The Inheritance. On a tout fait avec eux, du dépeçage des porcs à la création d’un journal, The Harlan Labor News. Il s’agissait d’un véritable engagement dans cette vie.
J’ai habité là 13 mois et après quelques temps les gens ne nous reconnaissaient plus sans notre matériel. Je me souviens de Loïs, la femme forte qui tire le revolver de sa robe dans le film, me disant, “D’accord Barbara, tu peux venir sur le piquet de grève.” Et je disais, “Chut ! On te filme. Tu ne doit pas dire ça” Et elle disait, “Je sais. Mais je dois te mettre sur la liste. Tu dois absolument y être.” Elles oubliaient, tout simplement. Je me souviens du matin où elle a dit ça parce que c’était vraiment effrayant. Tous les mineurs avaient des revolvers. On savait qu’il y aurait beaucoup de problèmes et on avait été mitraillé le jour précédent. Donc, tout le monde était très nerveux, moi compris.
Q : N’avez-vous jamais réellement craint pour vos vies ?
K : Oui. Les briseurs de grève (“scabs”) et leurs hommes de main nous ont dit que s’ils nous voyaient seuls, ils nous tueraient et pendant les dernières semaines de grève la violence s’est intensifiée et nous portions des armes. Mais seulement la nuit parce que nous ne voulions pas être attrapés armés pendant la journée, ça aurait été une excuse pour nous tuer. C’était facile à imaginer. “Equipe de film de New York trouvée morte. La femme portait un pistolet 45”. Quelque chose de ce genre. Une nuit, ils tiraient sur les maisons des mineurs en contre bas. J’étais dans la maison et je devais aller aux toilettes, mais comme ils n’avaient pas de plomberie à l’intérieur, nous allions toujours dehors avec “un ange gardien”. Hart a eu la gentillesse de m’accompagner. Hart portait un M‑l. J’avait un 357 Magnum. Tout ça juste pour aller aux toilettes.
P : Ils étaient en train de tirer sur la maison du bas.
K : Alors, je restais là à écouter les coups de feu et on était dans un endroit qui avait l’air assez sûr. Puis on a entendu un bruissement dans les buissons, on a dégainé nos armes et un chien est apparu. C’est dire combien on avait peur. Il était environ 4 à 5h du matin et il y avait essentiellement des femmes et l’équipe du film sur le piquet de grève. Des coups de feu et des balles traçantes sont sortis de nulle part. On ne savait pas d’où ils venaient. Si le but était de nous tuer. S’ils visaient à mi-corps ou au-dessus de nos têtes. On ne comprenait pas ce qui se passait.
Ensuite les briseurs de grève sont arrivés et leur chef nous a mis en joue. Il n’avait qu’à bouger le doigt, et l’un d’entre nous disparaissait. C’est nous qu’il visait, plus particulièrement Hart. Ils ont traversé le pont et sont revenus. Je les ai sentis revenir et je savais que l’équipe du film serait leur première cible. Hart était devant et la personne qui s’occupait de la lumière un peu plus loin. Je m’occupais du son et j’ai bêtement pensé, “Bon, ils hésiteront plus à blesser une femme qu’un homme.” Ils ont marché sur Hart, et ils m’ont prise, ont pris Hart, ont pris Ann. Nous ont pris chacun individuellement et nous ont battus. J’ai eu de la chance parce que j’étais en partie protégée par le magnétophone ; j’avais une longue perche d’aluminium avec un micro au bout et j’ai commencé à les frapper en retour…
P : Dans un journal de John Birch un des hommes armés a décrit l’incident. Il a dit avoir été frappé par une technicienne du son qui était mieux armée que lui. C’était une scène très confuse. Certainement étrange et terrifiante. On n’est pas mitraillé tous les jours. Mais on continuait à filmer. La caméra était cabossée mais elle marchait quand même. C’est probablement une des scènes les plus dramatiques du film mais elle est sous exposée puisque l’incident a eu lieu à 4h30 du matin.
Le chef des mercenaires a enfoncé son arme dans le ventre d’un mineur. J’ai entendu un pistolet tomber. Le mineur avait des pistolets dans sa poche arrière. Un était tombé mais il a appuyé l’autre sur le ventre du sbire. Ensuite un autre briseur de grève s’est approché et a visé la tête du mineur. J’étais à trois mètres de la scène et je l’ai filmé Je suppose que c’est simplement une des réalités de la réalisation de documentaires. C’était une situation étrange. En la filmant, j’hésitais entre utiliser la caméra pour briser la tête du mec ou pour enregistrer. C’était une expérience très troublante.
Q : Dans le film vous dites à un des briseurs de grève que vous avez une carte de presse. En aviez-vous ? C’était évidemment pour le faire reculer.
K : Oui. On en avait plusieurs. Mais on a fait ça en se disant que ça les dissuaderait peut-être de nous tuer, s’ils pensaient que leur image en souffrirait. En fait, on était trois personnes sans le sou et sans aucun soutien, alors on a essayé quelque chose qui pourrait nous rendre un peu plus crédibles.
Q : La police vous a‑t-elle posé des problèmes ?
K : Non. Le jour de mon arrivée à Harlan County j’ai été présentée au chef de la police locale et on a eu des entretiens plutôt intéressants. Il pensait qu’à Harlan County le meurtre n’était pas un crime. C’était un crime passionnel Les vrais criminels étaient les cambrioleurs et les voleurs.
Q : En quoi le temps passé sur ce film a‑t-il influencé la qualité de ce que vous avez tourné ? Une durée aussi longue a dû être à la fois utile et frustrante?.
P : La durée du tournage s’est avérée très importante. On a pu tourner des prises de vues particulières. On a vu les événements se dérouler en temps réel. Ca nous a permis de développer un éclairage particulier. De découvrir ce qu’on était en train de faire. D’établir des relations véritables avec les gens. Le temps n’a jamais représenté une prime. Il n’y avait ni producteur, ni budget. Et cela engendre une certaine liberté.
Q : Vous avez dû aborder la situation avec des préjugés humains sur la façon dont les mineurs vivent, travaillent, agissent et pensent. Des a priori issus des médias et de votre éducation — comment marchent les syndicats, les gérances. Lesquels de ces préjugés ont du être rectifiés ?
K : En me promenant dans les bassins houillers, j’ai commencé à apprendre les choses avec un point de vue très différent. Dans une situation sur laquelle je sais peu, j’ai tendance à me laisser aller à ce qui se passe, à n’être choquée par rien et juste continuer. Je prends tout ce qu’on veut me donner comme expérience, bon ou pas, simplement pour comprendre. On a fait des choses assez folles pendant notre séjour et je crois que tout ce que j’abordais de façon académique sur les syndicats n’avait rien à voir avec ce que j’ai vu et ressenti. Je suis devenue beaucoup plus politique. J’ai commencé à apprendre qui était l’ennemi. Comment le combattre. J’ai appris beaucoup de choses dont je n’avais aucune idée avant.
Q : L’équipe apparaît dans le film, pose des questions et on sent qu’elle est très concernée. Avez-vous hésité à les impliquer ?
K : J’ai tenté d’extraire du film les sentiments de l’équipe, parce que quelques fois les spectateurs ont tendance à s’identifier aux personnes qui ont fait le film plutôt que de faire face aux problèmes de fond. Et j’ai vraiment voulu minimiser autant que possible la présence de l’équipe.
P : On a essayé de laisser les gens se déployer comme des personnages. Ce n’était pas le genre de documentaire où il y a un entretien formel. Nous avons observé des comportements, des nuances de comportement, et nous avons essayé d’être conscients des scènes pendant qu’elles se développaient.
Q : D’où venaient les mercenaires et les briseurs de grève ?
K : Quelques-uns venaient de la population locale. D’autres étaient importés de la prison locale. L’entreprise les en a fait sortir en disant qu’ils seraient réhabilités. Parmi eux, certains avaient été jugés pour assassinat. Quelques-uns des briseurs de grève habitaient la porte à côté de celle des mineurs et je me demandais toujours comment c’était possible. Puis un mineur m’a raconté que dans les années trente quand il y avait toutes ces luttes, si votre grand-père était un homme de syndicat, toute la famille était syndiquée. Si votre grand-père était un “scab” (briseur de grève), toute la famille était “scab”.
Q : Comment avez-vous obtenu l’autorisation de filmer la prison, l’assemblée des actionnaires et la salle d’audience du tribunal ?
K : Dans la salle d’audience ? Eh bien, j’avais l’habitude d’utiliser un micro H.F. quand je ne pouvais accéder là où je voulais enregistrer et savoir ce qui se passait. Alors j’ai posé un micro sans fil sur un accusé dans la salle d’audience. Il y avait une agitation et une confusion terribles dans la salle. Tout le monde se levait et donnait des versions différentes au juge. Hart a vu tout ce désordre, a ouvert la porte du fond de la salle d’audience (n’étant pas à l’intérieur), et a filmé. Autrement dit, il a filmé de l’extérieur.
Pour la prison, on est simplement entrés. On a suivi les condamnés en souriant aimablement au gardien, on a avancé et on a filmé. A l’assemblée des actionnaires ils ne laissaient entrer qu’un d’entre nous. Comme je me doutais qu’ils ne laisseraient entrer ni Hart, ni moi, j’avait déjà placé un micro sur un mineur. Alors nous avons pris un air désolé et dit, “Bon, d’accord, on fera entrer seulement la caméra.” Je suis restée dehors, Hart est entré, et c’est grâce au mineur qu’on a eu le son.
P : Nous étions inquiets pendant le tournage au tribunal parce que le micro était sur un des accusés et on avait peur, s’il était condamné, de ne plus pouvoir récupérer le micro.
Q : Pouvez-vous nous parler un peu du montage ?
K : L’étape du montage a été l’un des moments les plus solidaires du film. Cinq ou six personnes ont collaboré au montage. Nancy Baker était la monteuse chef ; elle travaillait avec une grande rigueur et était vraiment dévouée au projet.
On visionnait environ dix heures et demi de rushes (“rough-cut material”) et puis on s’asseyait autour d’une table pour en discuter. Et on ne pouvait pas dire, “O.K, ça ne marche pas parce que c’est ennuyeux,” ou “Ca ne coule pas, ça n’a pas de rythme…” On ne pouvait pas dire ça. En fait les gens devaient vraiment comprendre et réfléchir politiquement sur ce qui était présenté. Quand ils avaient des critiques, ils le disaient. Ils ont essayé de faire des rapprochements et aussi d’offrir des alternatives de montage. Certains n’avaient jamais travaillé sur un film et voulaient apprendre et étaient très impliqués politiquement.
Au montage, le film était vraiment monstrueux à construire puisqu’il fallait y intégrer toutes sortes d’éléments. Il y avait le métrage concernant les réserves, le métrage sur l’anthracose (“black lung”), ceux sur la sécurité des mines, le travail dans les mines, la sécurité nationale, le contrat national de charbonnage, celui sur la production du charbon. Plus l’histoire entière de Harlan. Plus la musique. Mettre tous ces ingrédients ensemble pour obtenir quelque chose de cohérent, avec une forme claire, c’était un boulot monstrueux. On a réussi à intégrer presque tout ce qui avait été tourné, sauf l’exploitation minière à ciel ouvert. Ça, c’était un tout autre problème et il ne restait plus de place pour l’inclure.
P : Pendant qu’on tournait le film on gardait à l’esprit une structure générale. On était en train de raconter l’histoire de Harlan et de développer des personnages. Puis on a traité les autres problèmes comme des actions parallèles.
K : Dit comme ça, ça semble trop facile. On avait une ébauche d’idée mais sans savoir si l’histoire générale précéderait l’histoire de Harlan ou l’inverse. Tout cela s’est mis en place au montage. Et, bien sur, certaines choses qu’on avait tournées en pensant que ça marcherait très bien ne s’intégraient pas du tout au montage.
Q : Vous avez discuté de la coopération au montage. Et pour la réalisation, quel était le degré de coopération ?
K : J’ai commencé le film en 1972 et d’un bout à l’autre du projet beaucoup de personnes y ont contribué parce qu’il est difficile de demander à un même groupe de gens de s’absenter pour une longue durée. Mon rôle consistait à trouver les fonds, décider qui filmer et à quel endroit, comment filmer tout en suivant la situation. Je suis allée à la direction pour comprendre ce qui arrivait aux organisateurs. Nombre de gens ont participé, mais je suis la seule à être restée du premier jour au dernier. D’autres gens sont venus aider, ont apporté une énergie et un soutien énormes et ont travaillé dur pour faire du film ce qu’il est aujourd’hui.
P : Barbara avait la vision du projet dans son ensemble, ce qui était essentiel à tous ceux qui ont travaillé sur le film.
Q : Et vous avez réussi à transmettre cette vision à toutes les différentes personnes avec lesquelles vous avez travaillé ?
K : Ce n’était pas vraiment nécessaire. Les personnes qui m’entouraient étaient des gens que je connaissais depuis des années et avec lesquels j’avais déjà travaillé. Hart et moi avions collaboré à plusieurs projets, et ceci s’applique à toute l’équipe. Chaque personne devait être très sincère pour accepter de venir et travailler dans une telle situation. Il était aussi très important que les gens qui participaient au film soient engagés politiquement et sachent réagir face au danger. Sur place il n’y avait que des gens que je connaissais et avec lesquels j’avais longtemps travaillé
Q Donc la réalisation a été un travail d’équipe plutôt qu’une oeuvre individuelle.
P : Il me semble, oui.
Q : Vous avez dit que lorsque vous êtes arrivés, la grève était commencée et les forces de l’ordre étaient présentes. Or, vous ouvrez le film sur ces plans gracieux, ces plans incroyables des mineurs sautant sur la bande transporteuse, filant le long de la colline et s’engouffrant dans les mines. Suivent des prises de vue à l’intérieur des mines. Quand les avez-vous tournées ? Et comment avez-vous obtenu l’autorisation de l’entreprise alors que vous aviez été sur le piquet de grève ?
K : Cette scène a été tournée dans une autre mine de Harlan County. Ce n’était pas la “Eastover Mining Co.” On essaye d’y montrer l’extraction de houille basse. Pour cette mine là, Hart a rencontré le contremaître dans un magasin et a engagé la conversation. Nous lui avons dit que nous voulions filmer et avons pu rencontrer le propriétaire de la mine qui était plutôt jeune et suffisant. On l’a persuadé de nous laisser tourner dans cette mine afin qu’il puisse montrer à ses petits enfants combien les mineurs étaient heureux, comme les conditions de travail étaient bonnes et ce qu’il faisait, etc.
La dernière mine qu’on voit dans le film est “Consolidated Coal”. J’ai écrit une lettre type demandant une autorisation et, bien entendu, ils ont refusé. A cette époque, le contrat national de houille allait commencer et j’avais de très bons amis au syndicat local. Je les connaissais depuis 1972 et ils m’ont soutenue. Ils ont dit, vous savez, la période de grève sera beaucoup plus facile si vous laissez entrer ces étudiants dans la mine, ils veulent filmer un peu. Ils viennent de New York, et il n’y a pas de grande industrie à New York. Des choses du genre. On a donc pu descendre et filmer.
Or j’avais parlé avec un type au téléphone et ma voix doit être très reconnaissable parce que Phil a fait cette partie du film, et il a laissé échapper mon prénom plusieurs fois, alors qu’on avait divers pseudonymes. Tandis qu’il parlait avec un fonctionnaire des mines, il a oublié de m’appeler Suzy, et m’a appelée Barbara. A la fin de la journée ce type a dit, “Vous n’êtes tout de même pas la Barbara Kopple qui fait un film sur les mineurs?” Puis il a commencé à s’agiter et ses sbires ont essayé de nous reprendre le film. Alors, je leur ai donné environ dix pellicules de film non exposé et on a fichu le camp.
Q : Qu’ont obtenu les mineurs dans ce contrat ? Après une grève de trente mois, qu’ont-ils acquis ?
K : Les salaires ont été portés à $57 par jour. Les vacances sont passées de cinq à dix jours. Les pensions sont passées de $150 à $250 par mois. Ils ont perdu le droit de faire la grève, mais probablement ils étaient engagés dans un processus de doléances.
Q : Avez-vous songé à inclure cette information dans le film ?
K : Eh bien, je pensais que les mineurs de la grève en avaient un peu parlé. Ils se demandaient si dix jours seraient suffisants pour vider leurs poumons de la poussière de charbon. Et ils comparaient leur traitement à celui des ouvriers des aciéries, qui ont 13 semaines. Alors, j’ai pensé que les gens saisiraient les grandes lignes du contrat.
Q : Lorsque vous avez fait ce film avez-vous pris en compte le fait que beaucoup de spectateurs n’auraient ni la connaissance, ni l’expérience, ni le sens de l’histoire de tous ces incidents et ces motifs. Que pour beaucoup d’entre eux Harlan County et les problèmes des mineurs venaient d’une autre planète ? Avez-vous pensé au public en faisant le film, et cela a‑t-il influencé votre approche ?
K : Cela va avoir l’air terrible, mais je n’y avais jamais vraiment pensé. Pendant que je filmais à Harlan ça m’était égal que le film aboutisse. Je crois que j’étais plus engagée dans le conflit et que j’ai utilisé le film comme un moyen pour m’en sortir. C’était juste quelque chose que je faisais. Je travaillais et je n’ai pas eu peur quand les évènements ont commencé à affluer parce que parfois on est derrière une caméra ou un magnétophone comme un animal stupide. On est là mais sans être totalement engagé, et on est occupé par le travail.
En ce qui me concerne, je crois que la lutte consistait à aller de l’avant jour après jour, à rester en vie, à trouver de l’argent — et c’est tout. Je ne pensais simplement pas que le film serait un jour projeté quelque part. Je ne pensais pas à grande échelle. Je me suis dit, “D’accord. Peut-être que mes amis le verront. Peut-être que le Musée Whitney le montrera. Peut-être que les syndicalistes et les gens de Harlan le verront.” Je ne soupçonnais jamais qu’il irait beaucoup plus loin et je suis encore stupéfaite de l’accueil qu’il reçoit…
Q : Vous avez enregistré de nombreux rushes ?
K : On a tourné 50 heures de film sur une période de trois ans. On en a sans doute trop fait. On pourrait faire des film entiers sur l’anthracose (“black lung”), la sécurité dans les mines, etc. Mais en fin de compte, ça n’est pas mal.
Q : Êtes-vous satisfaite de votre film parallèle, qui concerne plutôt la situation politique des mineurs ? Certains disent qu’il est difficile d’en suivre les méandres sans connaître la politique des mines.
K : Non, je pense que ce n’est pas vrai. Je crois que la politique des mines est bien couverte et expliquée dans le film. Pourtant, la conclusion du film signifie que l’on ne peut pas faire confiance à la direction, quelle qu’elle soit. On ne peut pas faire confiance au gouvernement. On ne peut pas faire confiance aux exploitants des mines. Il faut continuer à lutter et avoir des bases vraiment stables sur lesquelles s’appuyer pour avancer. Avoir remporté un conflit ne veut pas dire qu’on peut se laisser aller. On doit continuer jusqu’à la lutte suivante. Le film essayait de montrer le point de vue d’en bas. Il s’agissait du gros des troupes plutôt que de la direction.
Q : Les syndicats vous distribuent-ils ?
K : De nombreux syndicats utilisent le film lors de fêtes de charité. Et il est projeté aux conventions. Il est montré aux syndicats locaux pour collecter des fonds. Il est très employé dans les régions minières. Les mineurs ont leurs propres exemplaires.
Q : Comment le film a‑t-il été reçu par la direction des syndicats ?
K : Les bureaucrates syndicaux ne l’apprécient pas parce qu’il n’est pas très favorable aux dirigeants. Donc, ils ne le projettent pas. Leurs employés sont ceux qui le demandent et l’utilisent.
Q : Je crois que vous avez enfin un distributeur commercial. Quelle est la base de votre accord avec lui ? N’y a‑t-il pas un conflit entre les objectifs sociaux et politiques du film, et les visées hautement commerciales du distributeur ?
K : J’ai eu du mal à décider si je devais le distribuer moi-même ou le confier à quelqu’un d’autre. Grâce à l’aide de beaucoup d’amis, nous avons réuni environs $170,000 pour le distribuer nous-mêmes. Cependant, après avoir lutté dans cette direction, nous avons changé d’avis, car il ne se passait plus rien. J’avais très peur de devoir rendre l’argent avec un intérêt de 5,5%, et si après un an ou deux le film ne marchait pas, je pouvais être débitrice de 200.000 $. De plus, ça ferait de moi une femme d’affaires, ce pourquoi je ne suis pas très douée et ce que je ne souhaite pas devenir.
Les cinémas ont tendance à arnaquer les indépendants parce qu’ils n’ont pas d’autre produit à venir, et lorsqu’on veut toucher notre argent ils disent simplement, “Faites nous un procès!” Pour de multiples raisons j’ai donc opté contre l’auto-distribution du film. Pourtant, au lieu de passer un contrat financier avec le distributeur j’ai passé un contrat politique avec lui. Ceci me permet de choisir dix présentations politiques par an à ses frais. Des groupes en Appalachie obtiennent le film gratuitement et des foyers socioculturels (hors du circuit cinématographique) l’obtiennent à 50% s’ils ne peuvent pas payer la location. Les gens qui possèdent une carte de syndicat bénéficient d’une réduction de $1.00 ou $1.50 sur le prix du billet. J’ai réussi à négocier tous ces avantages.
Q : Qu’entendez-vous par “contrat politique”? Qu’est-ce ça veut dire financièrement ?
K : Ca veut dire que je ne me suis pas battue avec le distributeur sur la somme d’argent à investir dans la distribution, les lieux de projection, etc. J’ai pensé qu’en bon capitaliste il ferait tout le possible pour rentabiliser le film. Alors, au lieu d’ergoter, j’ai dit, “Faites ce que vous voulez. Que vous investissiez $20,000 ou $200,000 dans le film m’est égal. Je ne me sens pas concernée. Voici ce que je veux.” Puis j’ai décrit les fêtes de charité et ce dont je viens de vous parler.
En ce qui concerne l’argent : il touche 70% de tous les profits du film sur les écrans de cinéma et ailleurs pendant 15 ans. Il se rattrape aussi sur la publicité, les copies, et les milliers des frais qu’on invente. Puis, Cabin Creek Center (la production) obtient 30% dont nous n’avons toujours pas vu d’ailleurs un centime.
Q : Que savez-vous de la situation, des bons et mauvais moments depuis que vous avez terminé le film ?
K : Eh bien, le Klu Klux Klan est arrivé à Harlan County après la fin de grève et les anciens briseurs de grève sont devenus des membres du Klan. Les exploitants des mines sont devenus membres du Klan. Les forces de l’ordre aussi. Alors, le combat a toujours lieu. Je pourrais vous raconter beaucoup d’histoires sur les gens du film qui sont devenus des vrais chefs et sur ce que le Klan a essayé de leur faire.
La femme qui a dit dans la salle d’audience “les lois ne sont pas faites pour les ouvriers dans ce pays” est devenue une vrai dirigeante et travaille avec une des communautés de Harlan expulsées de leurs maisons. Elle a été mise en prison pour avoir soi-disant kidnappé la femme d’un membre du Klan. Pendant son emprisonnement, le Klan tenait des réunions paramilitaires et le directeur du lycée local faisait fabriquer les robes et les cagoules du Klan par les filles du cours d’économie domestique.
Les histoires ne s’arrêtent pas là. Une semaine après avoir terminé le film, je l’ai apporté à Harlan County pour le montrer aux habitants et le Klan a pendu un chèvre avec les initiales KKK sur le ventre à l’endroit où j’allais le montrer. La projection a donc dû être protégée par les armes. Des mineurs montaient la garde avec des fusils pour être surs que rien n’arriverait.
Avant cela ils m’avaient téléphoné pour me raconter ce qui se passait, alors j’ai apporté un film dénommé “The Klu Klux Klan : The Invisible Empire” réalisé en 1965. J’ai aussi apporté “Native Land” de Leo Hurwitz, et nous avons projeté ces films de maison en maison dans tout Harlan County. Pendant qu’on les montrait à Georgetown, deux soldats d’état se sont approchés et ont demandé, “Qu’est ce que c’est que ces films?” et j’ai répondu, “Educatifs, monsieur.” Et ils ont déclaré qu’ils les voulaient, sur le champ.
A ce moment là, la communauté noire nous a encerclés et nous a emmenés à l’intérieur avec les films. Nous allions organiser une réunion de motivation (“revival meeting”) pour le lendemain quand le Klan a dit au responsable du centre que si la réunion avait lieu, le bâtiment serait bombardé de grenades incendiaires et réduit en cendres. On a prévenu tout le monde de ne pas venir. Et quelques Cadillac noires sont arrivées avec des fusils automatiques et sont restées garés à l’extérieur du centre tout le temps. Vous voyez, la bataille continue.
Q : Quels étaient vos sentiments personnels, en étant parmi les mineurs ?
K : Pour moi, comme sans doute pour tous ceux qui ont travaillé sur le film, c’était un honneur d’être là. Ces gens nous ont laissés partager leur lutte et cette expérience m’a tant apporté. J’ai appris que la réalisation d’un film n’est jamais une activité individuelle. Il faut beaucoup de personnes engagées qui donnent en permanence leur temps, leur énergie et leur soutien. Pendant la grève, tous ces gens sont venus sur le piquet de grève chaque jour même quand leur vie était menacée. Ces gens ne sont pas les victimes. Ce sont des personnes courageuses qui n’hésitent pas à se battre à un moment où, dans ce pays, certains ont peur de le faire.
Quand j’ai voyagé à travers les Etats-Unis avec le film, j’ai constaté que le public s’ouvrait vraiment après l’avoir vu. Ils commencent à faire face à leurs propres problèmes. Par exemple, une femme à Dallas (Texas) s’est levée et a dit “J’ai été une républicaine toute ma vie. Je détestais les syndicats, mais après avoir vu ceci je dois réviser ma position.” Une autre femme à San Francisco s’est levée et a raconté comment elle s’était opposée au Parti Nazi Américain. Le film encourage les gens à vraiment ressentir et regarder les choses en face.
Q : Le film a‑t-il été très demandé après avoir été récompensé à Hollywood ?
K : Non. C’est plutôt le Festival du Film de New York qui a révélé au public l’existence du film. Les trois jours du Festival ont été les trois plus beaux jours de ma vie. Enfin… Travailler quatre ans, et être acceptée au festival. Et je pensais, bon, il y aura une audience de 1100 personnes. Plus les mineurs et aussi leurs femmes. Mais j’avais vraiment très peur. Je me souviens d’être allée chercher le film et d’avoir pensé que j’avais passé quatre années de ma vie dessus. Je me rappelle l’avoir apporté au Centre Lincoln, terrifiée. Et si les mineurs pensaient que je les avais exploités ? Ou que ceci ou cela n’était pas vrai ? Ils allaient faire partie du débat. Ou que faire si tout le monde détestait le film ? Je ressassais tout cela, mais les gens ont vraiment dit de bonnes choses et ont réagi très chaleureusement.
Q : Trouvez-vous toujours dangereux de voyager dans Harlan County ?
K : Oui. Parce que le Klan est dans Harlan County. Cependant je pense que l’un des résultats du film est qu’il a apporté bizarrement une certaine protection aux gens de Harlan County. Maintenant, quand des événements s’y produiront, ce sera bien plus facile d’avoir une grande compagne de presse qui fera beaucoup de bruit… On a réuni beaucoup d’argent lors de la grande inondation. On a beaucoup fait pour Bessie Lou quand elle a été jetée en prison. Des télégrammes sont arrivés de partout. Le garde de la prison n’avait jamais vu ça. Je crois que le film a peut-être servi à faciliter la vie de beaucoup de ces gens.