Depuis janvier 2011, Thiat, Fou Malade, Fadel Barro, et leurs soutiens de tous bords, réfléchissent, militent, agissent dans l’espoir de sortir le pays du marasme dans lequel il sombre.
Le 26 février 2012 se tiendront les élections présidentielles du Sénégal. Gouverné depuis 2000 par Wade, le peuple sénégalais n’a pas trouvé en celui qui se proclamait alors candidat de l’alternance les ressources attendues.
Ce que réclament les “yen-a-marristes” c’est ce que réclame tout un peuple : de l’électricité, de l’eau courante et potable, du travail, à manger dans les assiettes et des études pour la jeunesse.
Lorsqu’il se crée, en janvier 2011, le collectif commence par peindre celui par qui le changement arrivera : le Nouveau Type de Sénégalais, autrement dit un citoyen modèle qui, s’il était imité par tous les autres, pourrait améliorer le sort d’une société léthargique et corrompue. Le NTS est un homme qui vote, n’urine pas dans la rue, et ne baisse pas les yeux quand il voit le conducteur du taxi sept places se faire extorquer de l’argent par le policier au coin de la route. Respect et vigilance sont deux de ses principes.
Mais si Y’en a marre se distingue d’un groupement politique lambda c’est justement parce qu’il se réclame apolitique. Antiwadiste convaincu, le collectif se place du côté de l’opposition, fait partie du M23[[Le M23 est une coalition formée par les différents partis d’opposition à la suite des mouvements du 23 juin. Ce jour-là avait eu lieu dans tout le pays, et particulièrement à Dakar, des émeutes en réaction à la volonté de Wade de modifier la constitution. IL avait à l’époque reculé devant la colère du peuple.]] mais n’appellera pas à voter pour un candidat précis. Ce qui compte avant tout c’est la prise de conscience politique du peuple sénégalais.
Voilà pourquoi l’action principale du collectif s’est tout d’abord concentrée dans l’opération Daas fanaanal : Ma carte, mon Arme.
“Daas fanaanal” est une expression qui, en wolof populaire, signifie “se prémunir”.
Son but est simple : que la population sénégalaise se sente concernée par la vie politique de son pays, qu’elle s’y implique, et surtout qu’elle vote. Le collectif, qui a essaimé sur tout le territoire sénégalais sous la forme de petites délégations appelées “les esprits”, insiste sur l’importance de posséder une carte électorale et d’être capable de s’en servir.
Engagés sans être encartés, ces militants n’oublient pas de servir et de se servir des codes de leur milieu : le hip hop. C’est ainsi qu’on peut lire, dans les objectifs généraux de Daas fanaanal : “former une conscience citoyenne dans les milieux du Hip Hop”.
Ce qui pourrait paraître déplacé dans un programme militant ne l’est finalement pas. Y’en a marre est une assemblée de rappeurs, et en manipule les moyens. Single, clip, émissions TV produites par TFM [[Télévision Futur Média, groupe média de Youssou N’dour]], réseaux sociaux et sites internet, aucun outil médiatique n’est oublié. Et c’est peut-être cette étiquette musicale et culturelle qui explique la portée du message du collectif. Suivis par un grand nombre de Sénégalais (on ne compte plus les groupes facebook reprenant leurs messages et des manifestations ont lieu dans toutes les grandes villes du pays), ces figures de l’éveil d’une conscience collective sont en marge des discours politiques traditionnels. Ils usent de leur popularité et de l’idée de résistance associée au rap pour sensibiliser jeunes et moins jeunes.
Il y a, bien sûr, des voix qui s’élèvent contre, qui reprochent au mouvement hip hop de n’être pas si loin de ce qu’il dénonce. Les rappeurs se sont déjà accrochés entre eux, comme il y a quelques jours lorsqu’on a découvert que Fou Malade avait agressé le rappeur Gaston à cause d’une insulte mal digérée.
Mais ce rappeur a été écarté du collectif le temps du procès, et, durant les manifestations du 11 et 12 février organisées par Y’en a marre, on a pu entendre des discours appelant le peuple à se forger sa propre opinion. Le collectif manifeste donc une volonté de se détacher des groupes politiques et de se placer en médiateurs de la démocratie : révéler les consciences citoyennes qui sommeillent au sein du peuple sénégalais.
Et cela suffit apparemment à inquiéter le pouvoir en place, qui a déjà fait arrêter pendant 48 heures Thiat et Fou Malade. Comme si le simple fait d’offrir à la population un espace de réflexion était une menace à la réélection de Wade.
Le 13 février, sur l’impulsion du collectif, a débuté une occupation de la place de l’Obélisque à Dakar appelant le retrait de la candidature de Wade. On ne sait comment débouchera cette action mais elle renforce un peu plus la force et surtout la visibilité du mouvement.
Parce qu’il appelle à la non-violence et à la vigilance, en français comme en wolof, Y’en a marre occupe aujourd’hui au Sénégal un rôle qu’il revendique par ailleurs : celui de sentinelle de la démocratie.
Alice Lefilleul (Africultures)
Aller plus loin :
http://carrapide.com/v1/
http://www.seneweb.com/
projet voies d’Afrique : [www.facebook.com/pages/Voies-dAfrique/269882929747567]
Trois leaders du collectif sénégalais de jeunes “Y’en a marre” ont été arrêtés jeudi 16 février à Dakar alors qu’ils tentaient de participer à un rassemblement interdit par le gouvernement. Déclarations du ministre sénégalais de l’Intérieur.
Didier Awadi vient de sortir un nouveau Single dont le titre est « Mame Boye ». Un tube au vidéo clip révélateur dans lequel il s’en prend au Président Abdoulaye Wade à qui il demande d’« aller se reposer, il n’est pas question d’un troisième mandat ». Parce que quelqu’un « qui a dépassé 80 ans doit se reposer ».
Le rappeur affirme que « ce qui se passe au Sénégal est plus qu’ignoble, les criminels déambulent à l’air libre, tôt ou tard ils vont le payer ». Ainsi, après « Faux pas forcer » de « Y’en a marre », voici que « Mame Boye » enfonce Wade à qui Didier Awadi, comme bon nombre de Sénégalais, dénie le droit de se présenter à un troisième mandat. Dans la vidéo de ce titre, Awadi met en scène un vieux, avec des jeunes, dont un de teint très clair présenté sous les traits de Karim, tous autour d’un thé. Après le « lëwël » que le vieux apprécie, il réclame un deuxième deux fois, alors qu’il l’a déjà bu. Les jeunes lui reprochent alors d’être sénile. Car il demande qu’on lui serve le troisième, alors qu’il avait mis dans la Constitution que le thé s’arrêtera au deuxième.Et quand les jeunes le lui rappellent, il prend la Constitution qu’il piétine avant de leur dire : « Ma Waxoon, Waxeet ». Les paroles sont aussi claires. « Mame Boye va te reposer, il n’est pas question d’un troisième mandat », dit le rappeur dans le refrain avant d’enchaîner : « On est ni au Togo, ni au Gabon ici. Ça suffit, les petits toubabs ‘duñu dox sunu mind’. Le Sénégal est un pays de ‘nandité’. Si tu veux, tu peux faire du ‘Wax waxeet’, mais on n’est pas obligé de l’accepter ». Il poursuit en se focalisant sur l’âge actuel du président qu’il juge avancé pour se présenter à des élections présidentielles. « Quelqu’un qui a dépassé 80 ans doit se reposer. Un maçon se repose, un soldat se repose, même Mandela s’est reposé avant cet âge », martèle Awadi. Toujours très dur, il ajoute : « Choisis qui tu veux, sauf ton fils. ‘Taanal kula nex kudul sa doom après ‘nga ngemb ko, c’est le peuple qui choisit. ‘Yala mayel wul dafa abale’, une personne qui a deux mandats ‘ dafay abale’ ». L’auteur de « Présidents d’Afrique » fait un clin d’œil à Malick Noël Seck, emprisonné pour avoir réclamé le respect de la Constitution. « On nous blesse, on ne nous élimine pas. On nous bat, on ne nous décourage pas. Et même à Tamba, Malick, on ne t’oublie pas. On nous tue c’est vrai, on ne nous déshonore pas. La lutte est juste en vérité, la cause est noble ». Didier Awadi enfonce le clou : « Ce qui se passe au Sénégal est plus qu’ignoble. Les criminels déambulent à l’air libre, quant à l’être innocent en vérité, on te livre ». Le patron de studio « Sankara » donne l’exemple de la révolution arabe en Afrique du Nord, il y a quelques mois. « T’inquiètes ‘doomu ndey’, tôt ou tard, ils vont le payer. Le peuple n’est pas aveugle. Et puis Dieu ne dort pas. La lutte continue, car l’histoire ne ment pas. L’histoire a dit Ben Ali vas y dégage. L’histoire a dit à Moubarak vas y dégage. L’Afrique a dit deux mandats, jamais trois, les menaces, on n’en a pas peur, on le dit car on y croit », assène Awadi dans la chanson.
Oumou Sidya DRAME