Le 4 mai 2019, une marche trans défilait dans les rues de Bruxelles pour célébrer la diversité de la communauté LGBTQI+.
Cinquante ans après les émeutes de Stonewall, des Prides sont célébrées partout dans le monde. Ces dernières années, ces évènements se sont progressivement transformés en fêtes où les partis politiques et les entreprises ont leur part. Quand célébrer devient la priorité, l’inclusivité et la justice en pâtissent, et les minorités au sein du mouvement LGBTQI+ n’ont alors que peu de place. La Pride ne doit pas devenir une fête pour la majorité, mais rester un combat pour les minorités. Trop souvent encore, les personnes trans, non-binaires, de genre non-conformes ou intersexes, sont mal représenté.e.s, ou à partir d’un point de vue cisgenre, réduit.e.s à des clichés ou vu.e.s comme des minorités qui n’ont pas à être prises en compte. En réaction à cela, le thème de la marche trans à Bruxelles était : Rien pour nous sans nous.
Discours de Transemble pour la première marche trans de Belgique
(Les mots ou phrases en gras sont expliquées ci-dessous).
Bienvenue à tout le monde, et merci d’être là pour la première marche trans de Belgique. Nous voulons également dédier un petit message à toutes les personnes qui n’ont pas pu venir parce que ce n’est pas faisable ou sécurisant pour elles de nous rejoindre, et peu importe la raison.
Nous sommes ici aujourd’hui pour réclamer justice et le respect envers toutes les personnes trans et intersexes. Toutes les personnes trans et inter — pas seulement celles qui cadrent avec les normes de la société. Si vous ne soutenez que celleux d’entre nous qui sont minces, blanc.he.s, valides, séronégatives, riches, etc, vous ne nous soutenez pas vraiment.
L’acceptation superficielle ou la tokenisation ne nous intéressent pas, parce que ces modes de soutien ne font que renforcer la marge et marginalisent davantage les plus marginalisé.e.s d’entre nous. Nous ne voulons pas que les personnes trans soient accepté.e.s aux dépens des autres.
Nos communautés ont grandement besoin d’être reconnues pour leur complexité et leur diversité — nous avons des histoires différentes qui ne peuvent être réduites à un seul récit. Nous opposons notre résistance à cette appropriation de nos vies et nous refusons d’être assimilé.e.s. Voilà pourquoi, le slogan de cette année est : Rien sur nous sans nous !
Nous aspirons à une communauté, où tous les corps seront accueillis. Personne ne peut parler en notre nom, ou décider à notre place de ce que devrait ou ne devrait pas être un corps trans ou inter. Tous les corps sont bons ; et cela inclut les corps qui ne se conforment pas à la norme.
Nous aspirons à une communauté, où toute personne trans est légitime. Le seul critère valable pour être trans est de s’identifier en tant que trans ; les autres standards ne font que reproduire encore et toujours des formes déjà existantes d’oppression. Il n’existe pas une mode trans et vous êtes déjà “suffisamment” trans, peu importe les étapes médicales que vous voulez franchir ou non. Et cette considération inclut les personnes non-binaires. Nous existons, nous sommes réel.le.s, et nous refusons toute négociation de nos existences.
Nous voulons des professionnel.le.s de la santé qui nous comprennent et qui n’entretiennent pas les standards excluant ; des médecins qui veulent nous écouter et déconstruire leur propre vision cis-normative. Les soins de santé doivent être accessibles à toutes les personnes trans. Nous réclamons la suppression des listes d’attente et demandons un système de santé basé sur l’auto-détermination et le consentement informé.
Nous voulons d’une communautés qui pratique la responsabilité communautaire et qui se montre critique envers la façon dont la violence est gérée au sein de notre société — une communauté qui se centre sur le soin et qui s’engage au quotidien dans des processus d’apprentissage. La police et autres interventions de l’État perpétuent souvent des structures oppressives. Nous ne voulons pas être lié.e.s à ces institutions. Nous préférons créer des espaces inclusifs au sein de nos communautés, qui peuvent induire du changement en-dehors de nos communautés.
Nous voulons d’une communauté où il y a la place pour prendre soin de soi. Cela signifie être patient.e et compréhensive.f face aux limites de nos ami.e.s trans et intersexes. Cela signifie prendre conscience du fait que tout le monde porte un poids différent, et cela implique que vous preniez soin de vous à votre manière, tout comme vous respectez la façon dont d’autres ont besoin de prendre soin de soi.
Nous voulons que les personnes non-binaires, intersexes et aux genres fluides soient légalement reconnues et protégées. Cela inclut l’option du troisième genre “x”, mais également la suppression sur nos cartes d’identité de tout marqueur de genre. La manière dont notre sexe est enregistré n’a rien à voir avec notre identification. C’est une donnée privée que nous ne devrions pas partager de force avec des inconnu.e.s.
Nous réclamons le droit à l’auto-détermination pour les personnes intersexes. Votre corps vous appartient à vous seul.e. La protection légale des personnes intersexes et de leurs corps se fait déjà beaucoup trop attendre et depuis trop longtemps. Les personnes intersexes ne doivent pas subir la pression de se conformer à une vision binaire des corps ou des genres si elles ne le souhaitent pas.
Nous voulons une société féministe qui ne discrimine pas sur la base de l’identité ou de l’expression de genre. Les personnes trans et intersexes ont droit à un logement abordable et sûr/safe. Les personnes trans et intersexes ont le droit d’accéder au travail, et le droit de travailler dans un environnement bienveillant et inclusif. Le travail du sexe, c’est également du travail, et les travailleur.euse.s du sexes doivent être protégé.e.s légalement, de la même manière que n’importe quel.le.s autre travailleur.euse.
À cet instant précis, pas si loin d’ici, des activistes organisent le festival “Steenrock”, au pied du mur du centre de détention Steenokkerzeel. Iels sont là-bas pour exprimer leur soutien et leur solidarité aux détenu.e.s via une résistance pacifique. Malheureusement, nos activités ont été programmées le même jour, mais nous voulons manifester notre soutien aux personnes emprisonnées dans ces centres de détention et les activistes qui luttent pour leur liberté. Nous voulons une société féministe, ouverte, non-violente, sans frontières, où nous sommes libres de nos mouvement entre les espaces et les genres. C’est en cela que la lutte pour libérer le genre rencontre la lutte pour la liberté de migrer. Nous voulons d’une société qui prend ses responsabilité face aux dommages infligés à notre planète, ces dommages qui forcent des personnes à laisser leurs vies derrière elles en fuyant la violence, le changement climatique et l’exploitation économique.
Nous réclamons une communauté et une société où tout cela va de soi. Parce qu’aussi longtemps que ces automatismes de discrimination resteront bien à leur place, nous ne pourrons pas prendre part à cette société. À moins que notre société ne devienne moins cis-normative, l’expression “acceptation trans” restera une coquille vide.
Aujourd’hui, nous franchissons une étape de plus vers une communauté et une société plus inclusives pour les personnes trans et inter. Il est important de réaliser que beaucoup d’autres pas ont été franchis avant nous, et que notre marche continuera par la suite. D’autres obstacles se dresseront, et nous espérons qu’aujourd’hui nous pouvons offrir un espace pour que les gens se rencontrent, se connectent, se rechargent sur les mêmes longueurs d’ondes, et trouvent la force, l’énergie pour continuer ensemble, dans toutes nos identités diverses et superposées.
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Glossaire :
*appropriation : quand une personne issue d’un groupe dominant tire de son contexte un élément de la culture d’un groupe opprimé, sans égard ni connaissance de la signification de cet élément au sein de la culture de ce groupe opprimé.
*assimilation : quand un groupe opprimé accepte les valeurs et les normes d’un groupe dominant, souvent pour des raisons de survie.
*cis-normatif.ve : quand le fait d’être cisgenre est considéré comme la norme et que tout le reste est considéré comme anormal.
*responsabilité communautaire : une stratégie collective pour adresser la violence (violence physique, harcèlement, autres formes d’abus,…) à partir de la compréhension que la violence ne se produit pas dans l’isolation. Les buts sont : créer des valeurs communautaires, développer des techniques de conversation et communication, une conscience collective des systèmes d’oppression, transformer ensemble, …
*consentement informé : être en mesure et avoir la permission de prendre une décision basée sur une connaissance complète de toutes les conséquences, risques et avantages possibles.
*auto-détermination : être en charge de sa propre vie, dans tous ses aspects.
*soin de soi : prendre soi-même soin de sa santé mentale, émotionnelle et physique
*tokenisation : la représentation symbolique d’un.e membre d’un groupe opprimé pour apparaître inclusif.ve sans faire le réel travail d’inclusivité. Transemble s’oppose à la tokenisation.
*mode trans : la croyance qu’être trans*genre est devenu une mode et n’est pas une identité valide. Transemble ne croit pas en une quelconque mode trans.