Un chômeur sur deux ne cherche pas activement un emploi : Faux et archi-faux.

C’est l’emploi qui est indisponible et pas les demandeurs d’emploi.La création d’emplois n’a jamais été aussi faible depuis 10 ans. Nous subissons une perte nette de 50.000 emplois entre 2011 et 2013.

On peut se poser sin­cè­re­ment la ques­tion de savoir si la fron­tière du popu­lisme n’est pas fran­chie en lisant le titre de la 1ère page de La Libre Bel­gique de ce jeu­di 13 mars.

Par Pedro Rodriguez

CSC

u99prd@acv-csc.be

llb_20140313_nam_libre_001-pdf-M.jpg Nous pour­rions attendre un rôle plus démo­cra­ti­sant de la part des médias. Remettre une ana­lyse dans son contexte socio-éco­no­mique et pro­mou­voir des pro­pos nuan­cés. Don­ner la parole aux pre­miers concer­nés et aux acteurs de ter­rain et du quotidien,…

Nous sui­vons les Tra­vailleurs Sans Emploi au quo­ti­dien dans les pro­ces­sus d’accompagnement et de contrôle. Nous pou­vons affir­mer avec force qu’il est tota­le­ment faux de pré­tendre que le Tra­vailleur Sans Emploi qui a un entre­tien d’évaluation Onem insa­tis­fai­sant ne cherche pas acti­ve­ment un emploi. C’est mal­hon­nête intel­lec­tuel­le­ment et insul­tant par rap­port aux dif­fi­cul­tés réelles de cher­cher un emploi et de se jus­ti­fier avec des preuves écrites (la parole des Tra­vailleurs Sans Emploi ne compte pour ain­si dire pas dans cette pro­cé­dure de contrôle). Si nous avions été contac­tés par l’auteur de cet article nous aurions pu lui faire part des réa­li­tés vécues au-delà des chiffres et évi­ter de publier de grosses bêtises.

Nous lui aurions expli­qué qu’il se trom­pait en illus­trant notre pro­pos par cette situa­tion vécue :

- Un deman­deur d’emploi fait un gros tra­vail de recherche d’employeurs dans son domaine de com­pé­tence. Suite à cette recherche, s’il fait un envoi grou­pé de can­di­da­tures spon­ta­nées et de réponses à des offres d’emploi, il s’expose for­te­ment à une éva­lua­tion néga­tive. S’il répar­tit ses can­di­da­tures en envoyant 2 recherches d’emploi par semaine, il aura (plus que pro­ba­ble­ment) une éva­lua­tion posi­tive. Il aura fait autant de démarches de recherches actives d’emploi, mais dans un cas il aura une éva­lua­tion posi­tive et dans l’autre cas il sera sanc­tion­né et pri­vé pen­dant 6 mois de ses allo­ca­tions d’insertion. Il sera pri­vé du béné­fice des plans d’aide à l’emploi pour pour­suivre ses recherches d’emploi. C’est pour­tant ce qu’on lui demande dans les annonces et les entre­tiens d’embauche. En tant qu’isolé, il devra se mobi­li­ser pour conti­nuer à payer son loyer, man­ger, s’habiller et payer ses fac­tures. Il ira frap­per aux portes du CPAS ou retour­ne­ra chez ses parents.

- Nous lui aurions expli­qué que les cri­tères d’évaluation de l’Onem sont bureau­cra­tiques et kaf­kaïens. Une recherche d’emploi qui sort en par­tie de son pro­fil est encou­ra­gée par le Forem. Si vous vous pré­sen­tez avec de telles offres d’emploi à l’entretien d’évaluation vous ris­quez de voir ces recherches inva­li­dées et vous retrou­vez sanc­tion­né parce qu’il vous manque quelques recherches par rap­port au quo­ta exi­gé par l’Onem.

- Nous n’allons pas faire un annuaire de situa­tions vécues qui démontrent que le sys­tème de contrôle dys­fonc­tionne, qu’il crée des effets contre-pro­duc­tifs et des situa­tions arbi­traires. Nous met­tons notre recueil de témoi­gnages sor­ti en 2013 à dis­po­si­tion pour que l’on puisse s’imprégner du vécu, de la galère et de la souf­france vécue par les deman­deurs d’emploi.

Si on pré­fère les chiffres à la réa­li­té vécue, nous signa­lons qu’une étude Euro­stat a dési­gné le Tra­vailleurs Sans Emploi Belge comme cham­pion de L’UE des 27 dans la recherche active d’emploi. Ce sont en quelque sorte nos diables rouges du ter­rain de la recherche d’emploi que cer­tains vou­draient voir vivre « l’enfer » de l’exclusion et de la précarité.

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Faut-il par ailleurs se rap­pe­ler que :

- dans un contexte où l’emploi se raré­fie et le chô­mage a aug­men­té de 3,6% en un an, les contrôles se dur­cissent et cela est un fac­teur d’explication de l’augmentation des sanc­tions. La pro­cé­dure de contrôle qui s’applique aux Tra­vailleurs Sans Emploi en allo­ca­tion d’insertion pré­voit en effet une sus­pen­sion des allo­ca­tions d’insertion pour au moins 6 mois dès la pre­mière phase d’entretien contrai­re­ment à la pro­cé­dure clas­sique. La CSC dénonce l’erreur que consti­tue ce dur­cis­se­ment et l’effet contre-pro­duc­tif de ces sanc­tions dans un contexte où le taux d’emploi des jeunes des 21 – 29 ans a chu­té de 8% depuis 2010 (Rap­port de la banque nationale).

- c’est l’emploi qui est indis­po­nible et pas les deman­deurs d’emploi. Il y a en moyenne une offre d’emploi d’Actiris pour 57 deman­deurs d’emploi et une offre d’emploi du Forem pour 23 deman­deurs d’emploi. La créa­tion d’emplois n’a jamais été aus­si faible depuis 10 ans. Nous subis­sons une perte nette de 50.000 emplois entre 2011 et 2013 (Etude Dynam-KUL-ONSS).

- Mon­sieur VANDENBROUCKE, papa du sys­tème, tire lui-même la son­nette d’alarme en nous infor­mant qu’un jeune wal­lon sur quatre vit déjà dans la pau­vre­té aujourd’hui. La Bel­gique prend au niveau euro­péen, des posi­tions schi­zo­phré­niques entre des objec­tifs d’inclusion sociale ambi­tieux, un taux d’emploi de 74% et des pra­tiques à court terme qui vont ren­voyer une part non négli­geable de ses jeunes et moins jeunes deman­deurs d’emploi vers les CPAS ou la forêt de Sher­wood. Le sys­tème de contrôle contri­bue à la sher­woo­di­sa­tion de la société.

- Au-delà de la détresse maté­rielle, il est impor­tant de sou­li­gner que le chô­mage est une souf­france psy­cho­lo­gique. Cette souf­france est accen­tuée par ce genre d’articles et de pre­mière page qui trône d’une manière raco­leuse sur les comp­toirs des librai­ries. Un chô­meur sur 5 souffre de dépres­sion sévère (Enquête Soli­da­ris décembre 2012) et la stig­ma­ti­sa­tion accrue ne va rien arranger.

En conclu­sion, nous affir­mons en tant que CSC, qu’un chan­ge­ment de cap et de méthode s’impose après 10 ans d’état social actif qui a mon­tré les limites et les impasses du sys­tème. Il est temps d’admettre que les deman­deurs d’emploi font leur part du che­min et que c’est l’emploi qui fait défaut. Les études de l’ONem confirment bien que c’est le contexte éco­no­mique d’une région qui est le fac­teur déter­mi­nant dans la sor­tie du chô­mage vers l’emploi.

Il est donc temps de sor­tir des ana­lyses popu­listes et des pré­ju­gés en fai­sant un audit du sys­tème de contrôle et un mora­toire sur les mesures de dégres­si­vi­té accrue et de limi­ta­tion des allo­ca­tions d’insertion dans le temps. Il est temps de le faire en consi­dé­rant les Tra­vailleurs Sans Emploi comme des acteurs et nos comme des sus­pects. C’est en don­nant cette place d’acteur aux deman­deurs d’emploi dans l’évaluation et l’accompagnement des poli­tiques d’emploi que nous évi­te­rons d’une part, le risque de popu­lisme et d’arbitraire et que, d’autre part, nous enri­chi­rons les poli­tiques d’emplois avec l’expertise des pre­miers concer­nés par le chô­mage. Nous avons vou­lu don­ner un exemple pré­cur­seur en tant que CSC en orga­ni­sant une grande enquête « un che­min vers l’emploi » qui a don­né la parole à 2000 deman­deurs d’emploi.

Il faut en résu­mé pour la CSC, dire « Non à l’emploi… des pré­ju­gés » et se mobi­li­ser sur le défi N°1 : lut­ter contre le chô­mage par l’activation d’un emploi de qua­li­té pour tous. Nous avons des pro­po­si­tions construites avec les Tra­vailleurs avec et sans emploi eux-mêmes pour reven­di­quer ce chan­ge­ment de cap et de méthode.

Source de l’ar­ticle : Éco­no­sphères

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