VENEZUELA : la Démocratie des Égaux, par Jesse Chacon
lundi 13 juin 2011
En novembre 2010 déjà Latinobarómetro (ONG chilienne indépendante) montrait que le Vénézuéla est de toute la région le pays qui jouit du taux le plus élevé de confiance dans la démocratie (84%).
En mai 2011 le rapport de la Fondation pour l’Avancée de la Démocratie (FDA), institution canadienne qui ausculte les systèmes démocratiques, place le Système électoral du Venezuela à la première place de la liste mondiale pour le respect des normes en la matière.
Qualité Générale des Systèmes Electoraux :
1. Venezuela : 85% (A +)
2. Finlande : 40,75% (F)
3. Danemark : 35% (F)
4. Etats-Unis : 30% (F)
5. Canada : 25.75% (F)
6. Mexique : 22,5% (F)
7. Tunisie : (sous Ben Ali) 10% (F)
8. Cameroun : 2,5% (F)
9. Egypte : (sous Moubarak) 0% (F)
Si nous prenons en compte ce qui précède et qu’il nous intéresse de comprendre, au-delà des pratiques et des formes de procédure, la conception de la démocratie présente dans la culture politique vénézuélienne, le rapport de la FDA de mai 2011 nous explique que 62% des vénézuéliens considèrent que le bien-être économique et social est le plus important dans une démocratie, c’est-à-dire qu’ils font de l’égalité le critère fondamental pour évaluer une démocratie.
De la même manière une étude de l’entreprise privée Gallup du 19 avril 2011 sur le bien-être global, fait du Venezuela le premier pays de l’Amérique Latine et le quatrième dans le monde avec la plus grande prospérité (64%), il n’est dépassé que par le Danemark (72%), la Suède et le Canada (69%), et l’Australie (65%).
Cette conception de la démocratie repart de sa véritable essence. Historiquement la bourgeoisie a converti la démocratie en une enveloppe vide de contenu où les procédures pour élire et pour être élu, associées à la règle de la majorité et de la minorité, ont fini par tomber sous l’emprise des pouvoirs invisibles des grands groupes économiques et de technocraties qui condamnent le peuple au rôle d’accessoire dans la grande scénographie du social.
La classe bourgeoise a trahi le programme éclairé de Liberté, Égalité, Fraternité. Depuis la vague révolutionnaire qui a détruit le féodalisme et a donné naissance au capitalisme, la bourgeoisie a mis un accent particulier sur la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, et a souligné le droit à la liberté personnelle et à la propriété privée ; mais elle a plongé dans l’oubli les événements de 1793, lorsque la déclaration jacobine situa l’égalité à la première place dans l’énumération des droits naturels.
Elle a aussi effacé à dessein la mémoire de la lutte du mouvement des Égaux emmenés par François-Noël Babeuf, qui en 1796, se rebellent contre la trahison par la nouvelle élite des idéaux de la révolution française et postulent le manifeste des Egaux :
« L’Egalité ! premier vœu de la nature, premier besoin de l’homme, et principal nœud de toute association légitime ! (..)Toujours et partout, on berça les hommes de belles paroles : jamais et nulle part ils n’ont obtenu la chose avec le mot. De temps immémorial on nous répète avec hypocrisie, les hommes sont égaux, et de temps immémorial la plus avilissante comme la plus monstrueuse inégalité pèse insolemment sur le genre humain. (..) Eh bien ! nous prétendons désormais vivre et mourir égaux comme nous sommes nés ; nous voulons l’égalité réelle ou la mort ; voilà ce qu’il nous faut. (..) La révolution française n’est que l’avant-courrière d’une autre révolution bien plus grande, bien plus solennelle, et qui sera la dernière. Il nous faut non pas seulement cette égalité transcrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons ; (..) Nous tendons à quelque chose de plus sublime et de plus équitable, le bien commun ou la communauté des biens ! Plus de propriété individuelle des terres, la terre n’est à personne. Nous réclamons, nous voulons la jouissance communale des fruits de la terre : les fruits sont à tout le monde. Nous déclarons ne pouvoir souffrir davantage que la très grande majorité des hommes travaille et sue au service et pour le bon plaisir de l’extrême minorité. Qu’il ne soit plus d’autre différence parmi les hommes que celles de l’âge et du sexe. (..)
PEUPLE DE FRANCE ! Ouvre les yeux et le coeur à la plénitude de la félicité : reconnais et proclame avec nous le République des Egaux.”
Dans ce conflit historique la forme triomphante d’organiser la société et l’économie fut la logique du capital et l’individualisme ; cependant la logique sociale et l’égalitarisme sont restés en lutte ouverte et en résistance. Le mouvement ouvrier naissant fut le continuateur de cette tradition, et en a porté très haut l’expression dans la Commune de Paris, qui à partir de l’insurrection ouvrière a réussi à instaurer un bref gouvernement populaire du 18 mars au 28 mai 1871, laissant une riche expérience historique sur les formes de l’organisation communale, collective et égalitaire de la société.
Cent ans après la commune de Paris, par la voie de la participation et de l’inclusion socio-économique des secteurs les plus pauvres, le Venezuela récupère pour la démocratie son obligation de générer le bien-être.
Ainsi ce processus révolutionnaire refonde dans la culture politique et dans la gestion sociale la valeur d’égalité, et visibilise les rêves des exclus face à la trahison historique des puissants.
Aujourd’hui , Venezuela retrouve pour l’humanité la valeur de la démocratie des Egaux.
Jesse Chacón
Directeur de la Fondation GISXXI
Traduction (FR) : Thierry Deronne, pour www.larevolucionvive.org.ve
PDF du texte original : Venezuela : La Democracia de los Iguales