« L’art [le cinéma] c’est la force de faire dire à la réalité ce qu’elle n’aurait pu dire par ses propres moyens, en tout cas, ce qu’elle risquait de passer volontairement sous silence ». Avertissement, Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez, Sony Labou tansi
D’abord, quelques constats : nous sommes abreuvé·e·s de scénarios dystopiques qui, le plus souvent, nous maintiennent — il faudrait ici définir ce “nous” — en position de défaite. Combien de films récents sur une possible fin du monde, une guerre « civilisationnelle » présentée comme inéluctable ? Nos imaginaires du futur semblent verrouillés par l’avalanche de nouvelles dystopiques. Ces récits — qui engendrent de la sidération, de l’anxiété, voire poussent à la résignation (désamorçant tout désir commun qui contesterait l’ordre en place) — terrifient autant qu’ils individualisent : les dominant·e·s nous veulent tristes, résigné·e·s, seul·e·s… Aussi, l’angoisse suscitée, le désespoir occasionné sont un terreau fertile pour les récits d’extrême droite aux réponses simplistes, monolithiques, binaires (quand ces mêmes récits ne se basent pas sur une négation pure et simple du réel, par l’invention de faits — les « faits alternatifs » et/ou par un appel à la « nature » : le « There is no alternative » de Margaret Thatcher dans les années 80 ou de l’Afd en Allemagne aujourd’hui).
Dès lors, que faire contre les discours aquoibonistes, les imaginaires survivalistes ou de loi du plus fort, le nihilisme ? Comment dépasser la sidération, le sentiment d’impuissance ? Comment prendre le contre-pied ? Comment construire des histoires dissidentes, « empuissansantes » ? Comment raviver nos joies, nos rages, nos désirs ? Autrement dit, comment envisager « le verre à moitié plein » ? Si — semble-t-il — opposer des faits ne suffit plus aujourd’hui, alors peut-être faut-il imaginer autre chose, afin de réparer et d’« organiser le pessimisme » (comme le souhaitait Walter Benjamin). Dans un monde qui va mal, s’efforcer à aller bien est une forme de résistance…
Construire des histoires « désirables » nécessiterait alors de dépasser les recettes toutes faites (les récits formatés des films hollywoodiens), de sortir de l’imaginaire du chaos politique, de la pénurie et de la guerre, etc., de dépasser l’idée d’une « victoire pour après-demain », qu’on ne verra pas de notre vivant… Et surtout, penser le monde, le réel dans sa complexité, dans ses contradictions : parce qu’une utopie hors-sol, sans problème, lisse, sans grincement ni désaccord, serait probablement autoritaire… Autrement dit, du « désirable » doit inclure la possibilité d’une cohabitation, d’un voisinage avec des personnes dont les choix nous hérissent (voire nos opposant·e·s politiques). Pour qu’un « monde désirable » advienne et dure dans le temps, il nous faut donc penser des formes de négociation, d’ajustement, voire d’alliances par proximité… Enfin, penser des histoires « désirables » invite à s’envisager en « historien·ne·s du futur », à être prospectif.ve. En somme, c’est penser une « utopie bourrée d’ambiguïtés » (Ursula Le Guin), soit une « utopie merdique » (Ateliers de l’Antémonde).
Objectif de l’atelier : construire des court-métrages, sans moyen ou presque, à partir d’images imprimées et d’une voix-off écrite collectivement, qui imaginent un futur proche inspirant. Ce serait quoi un monde désirable ?
Point de départ des petits films imaginés : la journée du 15 mars 2025, journée contre les violences policières et de soutien aux familles des victimes. La situation initiale et la première image des films sont imposées : “À la fin de manif contre les violences policières du 15 mars 2025, 1 000 manifestant·e·s entrent dans un lieu de pouvoir et l’occupent…”. Le reste est imaginé collectivement.
Durée : 4h
Nbr de personnes : 10 – 15 participant·e·s
Prochaines dates d’atelier : à venir