Une dizaine de coursiers Deliveroo ont voulu rendre visite à leurs employeurs. Ils se sont rendus à la permanence du vendredi dans les locaux de la plateforme de livraison à domicile.
Les coursiers Deliveroo font face quotidiennement à des conditions de travail extrêmement pénibles pour des salaires de plus en plus précaires. “Flexibilité”, voilà le mot magique invoqué par ceux qui défendent cette forme d’exploitation moderne. Payés à la course, une course contre la montre s’engage pour s’assurer un minimum de livraisons par heure et donc de revenus. Mais les coursiers sont de plus en plus nombreux et les shifts difficiles à obtenir ou à organiser. Par ailleurs, les livreurs sont confrontés à des temps d’attente de plus en plus longs au restaurant. Et c’est eux qui payent le prix de ce temps suspendu. Les distances sont de plus en plus longues et prennent plus de temps pour une rémunération quasi inchangée à la course, ce qui favorise largement les livreurs en scooter. Les assurances ne couvrent pas suffisamment les risques d’accidents graves, sans parler de ces trop nombreux coursiers qui finissent par y laisser leur vie.
Il y a un an, un collectif de coursiers s’était formé pour défendre leurs droits. Ils étaient soumis à un ultimatum de la direction qui abolissait la possibilité de souscrire à un contrat via smartbe et imposait à tous les livreurs de passer à un statut d’indépendant à partir du 1er février 2018. Un statut d’indépendant, ça veut dire tenir une comptabilité, être soumis à une couverture sociale précaire, des assurances encore moins fiables… Les coursiers ont tout tenté pour contester cette décision de Deliveroo. . Malgré l’occupation des locaux de la multinationale, malgré des rassemblements, malgré le soutien de syndicalistes, de rencontres avec les ministres de l’emploi Chris Peeters au fédéral et Didier Gosoinà la région de Bruxelles-capitale, rien n’y a fait et ils ont perdu ce combat. Entretemps, les comptes de tous ces coursiers ont été déconnectés et ils ne peuvent plus travailler pour Deliveroo.
Pour clarifier les choses, il existe dans les faits trois statuts pour pouvoir travailler comme coursier pour Deliveroo :
1. Le premier est celui d’étudiants-entrepreneurs. Très peu sollicité, seuls 5% des 2600 livreurs Deliveroo en Belgique l’utilisent.
2. Le deuxième statut est celui d’indépendant. Le livreur est enregistré à la TVA. La gestion de tous les aspects financiers et administratifs est de sa seule responsabilité. Il s’assure lui-même, par exemple, du paiement de ses contributions sociales. Ce statut représente environ 10% de l’ensemble des livreurs Deliveroo en Belgique.
3. Enfin, le dernier statut : celui de coursiers P2P (peer to peer). Ce statut est relatif à une loi de 2018 (loi De Croo) sur l’économie collaborative.
==> Que permet cette loi ? Elle offre un cadre fiscal aux personnes qui souhaitent fournir un service à une autre personne en toute légalité sur une plateforme agréée de l’économie collaborative, telle que Deliveroo, mais aussi Airbnb, Menu Next Door, etc. “De plus en plus de particuliers sont actifs dans le domaine de l’économie collaborative. (…) Cet agrément donne la possibilité aux particuliers, qui offrent leurs services dans le cadre de l’économie collaborative via une plateforme agréée, de bénéficier d’un régime fiscal favorable”, explique le SPF Economie.
==> Quel est ce régime fiscal favorable ? Une personne qui travaille sous le statut “P2P” — soit comme 85% des livreurs Deliveroo — peut gagner 6.130€ par an net d’impôt. Attention, de ne pas dépasser ce montant au risque de connaitre des conséquences sur le plan fiscal.
Mais un nouvel épisode dans la saga Deliveroo a été révélé fin mai par le journal Le Soir : le fisc belge estime que l’entreprise ne répond plus au critère de la « loi de Croo » et doit être taxé dès le premier euro gagné par le livreur. Or, malgré les avertissements, des lettres adressée à l’entreprise en juin 2018, Deliveroo organise toujours le travail de ses coursiers sous ce statut fiscalement intéressant.
Depuis, l’entreprise continue à s’enfermer, refusant toute communication et a construit un mur entre elle et ses travailleurs (délocalisation du support à Madagascar, signature des contrats en ligne, aucune communication quant à l’emplacement des bureaux, impossibilité de contact direct en cas de problème, etc.)