Le droit à un procès public

Les 2 poli­ciers conduc­teurs de la voi­ture qui pour­sui­vait la moto de Ouas­sim et Sabri­na et le poli­cier de la voi­ture qui leur a blo­qué la route à la sor­tie du tun­nel ont dû s’ex­pli­quer devant la Chambre des mises en accu­sa­tion. Chaque étape est un com­bat et la pro­cé­dure est épui­sante. Cette der­nière audience était déter­mi­nante car la Chambre va main­te­nant déci­der s’il y a suf­fi­sam­ment d’éléments pour ren­voyer les trois poli­ciers devant un Tri­bu­nal pénal. Le ver­dict est atten­du le 12 octobre 2022

» Pour aller plus loin, nous vous relayons un com­mu­ni­qué de presse de la Ligue des Droits Humains, publié le 20 Sep­tembre 2022.

La question des Courses-poursuites par les forces de police : un débat sur leur légitimité s’impose :

Bruxelles, le 20 sep­tembre 2022

Sabri­na El Bak­ka­li et Ouas­sim Tou­mi en 2017, Maw­da Sha­wry en 2018, Meh­di Bou­da en 2019 et Adil Char­rot en 2020. Quatre décès en quatre ans. L’un des points com­muns entre toutes ces per­sonnes, outre le fait qu’elles ont des ori­gines étran­gères, est qu’elles ont per­du la vie lors de courses-pour­suites avec les forces de police. Selon la Ligue des droits humains, la mul­ti­pli­ca­tion de ce type de faits doit pous­ser la police à la réflexion. Quand il n’existe pas de dan­ger pour autrui, ces courses-pour­suites doivent être inter­dites ou au mini­mum mieux encadrées.

Sabri­na et Ouassim

Ce mer­cre­di, la chambre des mises en accu­sa­tion de la Cour d’appel de Bruxelles doit sta­tuer sur les suites à don­ner à la plainte des familles de Sabri­na et Ouas­sim. Le 9 mai 2017, les deux jeunes Bruxel­lois per­daient la vie à la suite d’une course-pour­suite avec la police. Ils cir­cu­laient en moto, la police les pour­sui­vait parce qu’ils n’auraient pas res­pec­té les limi­ta­tions de vitesse. Une voi­ture de police leur fera bar­rage à la sor­tie du tun­nel Bailli. En février 2022, trois poli­ciers ont été inculpés.

“Le recours à la force doit être abso­lu­ment nécessaire”

Selon la Ligue des droits humains, la mul­ti­pli­ca­tion de ces courses-pour­suites élude plu­sieurs prin­cipes fon­da­men­taux : d’une part, la Conven­tion euro­péenne des droits de l’homme pro­tège le droit à la vie et d’autre part, l’article 37 de la loi sur la fonc­tion de police pré­voit que tout recours à la force doit être “rai­son­nable et pro­por­tion­né à l’objectif poursuivi”.

Ces deux dis­po­si­tions sou­lignent que les ser­vices de police, lorsqu’ils décident de pro­cé­der à une inter­pel­la­tion, doivent res­pec­ter un prin­cipe de pro­por­tion­na­li­té : le recours à la force doit être abso­lu­ment néces­saire. Cela signi­fie que, s’il existe un risque de por­ter atteinte à la vie de la per­sonne pour­sui­vie, la police doit effec­tuer une balance d’intérêt et se poser notam­ment la ques­tion sui­vante : la mise en dan­ger de la vie de l’individu est-elle jus­ti­fiée pour pro­cé­der à l’intervention ? Autre­ment dit : est-ce que lan­cer une course-pour­suite à vive allure dans les rues de la ville ou pour pro­cé­der à l’arrestation de per­sonnes non-armées et soup­çon­nées d’infractions rela­ti­ve­ment mineures est nécessaire ?

La Cour euro­péenne des droits de l’homme a déjà répon­du à cette ques­tion : un équi­libre doit exis­ter entre le but et les moyens employés dans la pour­suite de celui-ci. La Cour consi­dère que le but légi­time d’effectuer une arres­ta­tion régu­lière ne peut jus­ti­fier de mettre en dan­ger des vies humaines qu’en cas de néces­si­té abso­lue. Donc, en prin­cipe, il ne peut y avoir pareille néces­si­té lorsque l’on sait que la per­sonne qui doit être arrê­tée ne repré­sente aucune menace pour la vie ou l’intégrité phy­sique de qui­conque et n’est pas soup­çon­née d’avoir com­mis une infrac­tion à carac­tère violent, même s’il peut en résul­ter une impos­si­bi­li­té d’arrêter le fugitif.

Cri­tères clairs et for­ma­tion adéquate

La Cour a éga­le­ment ajou­té d’autres élé­ments qui pour­raient ins­pi­rer les auto­ri­tés belges. Ain­si, dans un arrêt de 2004 contre la Grèce qui concer­nait une pour­suite de police lors de laquelle le requé­rant, qui avait brû­lé un feu rouge, avait été gra­ve­ment bles­sé par un tir, la Cour a jugé que le droit grec n’avait pas offert aux poli­ciers des cri­tères clairs sur le recours à la force dans ce cas de figure. Elle a ajou­té que, inévi­ta­ble­ment, les poli­ciers qui avaient pour­sui­vi et arrê­té le requé­rant avaient pu agir avec une grande auto­no­mie et prendre des ini­tia­tives incon­si­dé­rées, ce qui n’eût pro­ba­ble­ment pas été le cas s’ils avaient béné­fi­cié d’une for­ma­tion et d’instructions adéquates.

Force est de consta­ter qu’en Bel­gique, les ser­vices de police dis­posent de lignes de conduite dans le cadre de la pour­suite et de l’interception de véhi­cules mais comme le sou­ligne le Comi­té P, il existe encore une série de recom­man­da­tions qui ne sont pas mises en œuvre.

Obli­ga­tion d’enquête

Par ailleurs, en cas d’intervention contro­ver­sée de la police, la Cour impose aux auto­ri­tés d’établir les cir­cons­tances dans les­quelles s’est dérou­lée l’intervention au regard du volet pro­cé­du­ral des articles 2 et 3 de la Conven­tion. Cette obli­ga­tion d’enquête dili­gente doit mettre en lumière les cir­cons­tances de l’intervention, déter­mi­ner si l’usage de la vio­lence était jus­ti­fié et ser­vir de base pour des sanc­tions éven­tuelles contre les policiers.

En outre, lorsque le litige prend place dans un contexte glo­bal carac­té­ri­sé par des faits de vio­lence et d’intolérance à l’égard d’une mino­ri­té, la Cour attend des auto­ri­tés une réponse avec un degré davan­tage éle­vé, lorsque celles-ci exé­cutent leur obli­ga­tion de moyen d’enquête.

Courses-pour­suites à mieux enca­drer voire à interdire

Quoi qu’il en soit, la Ligue des droits humains estime que lorsqu’il n’y a pas de dan­ger direct pour autrui, et a for­tio­ri lorsque le véhi­cule est iden­ti­fié ou iden­ti­fiable, les courses-pour­suites devraient être stric­te­ment enca­drées, voire inter­dites. Le fait de fuir la police ne peut en effet pas être une rai­son suf­fi­sante pour prendre le risque de por­ter atteinte au droit à la vie des individus.

https://www.liguedh.be/courses-poursuites-par-les-forces-de-police-un-debat-sur-leur-legitimite-simpose/

Pour sou­te­nir les familles de Ouas­sim et Sabrina :

https://www.facebook.com/V%C3%A9rit%C3%A9-Et-Justice-Pour-Sabrina-Et-Wassim-1659276081047947

https://www.instagram.com/justice_sabrina_ouasim/?hl=fr

 

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