Israël et les « grands médias »

L’Association France-Palestine solidarité dénonce dans une lettre ouverte le traitement des événements en Palestine et en Israël par la plupart des « grands médias ».

L’Association France-Pales­tine soli­da­ri­té dénonce dans une lettre ouverte le trai­te­ment des évé­ne­ments en Pales­tine et en Israël par la plu­part des « grands médias ».

Madame, Mon­sieur,

L’actualité de cette région vous a ame­nés à don­ner une bonne place à celle-ci dans vos dif­fé­rents jour­naux ou émis­sions. Cela est essen­tiel mais n’a de sens que si votre cou­ver­ture offre des expli­ca­tions et ana­lyses com­plètes. Ce qui est loin d’être le cas.

À vous écouter/lire, c’est comme si les vio­lences avaient com­men­cé avec l’assassinat des deux colons près de Ramal­lah le 1er octobre. Ce trai­te­ment omet ce qui a pro­vo­qué un élec­tro­choc en Pales­tine, le cas du bébé Dawab­sha et de ses parents brû­lés pen­dant leur som­meil par des colons, iden­ti­fiés mais qui n’ont jamais été arrê­tés. Il omet aus­si les assas­si­nats de Pales­ti­niens qui se suc­cèdent au fil des mois dans une totale impu­ni­té et une qua­si-igno­rance médiatique.

Il est impor­tant de rele­ver le dés­équi­libre du nombre des vic­times (7 morts israé­liens, 45 morts pales­ti­niens au matin du 19 octobre). De s’interroger aus­si sur ce que signi­fie le nombre de jeunes Pales­ti­niens tués alors qu’ils mani­festent sans arme, comme ces 7 jeunes de Gaza qui lan­çaient des pierres contre la fron­tière ou ce jeune de 13 ans, Abd al-Raham, du camp d’Aïda, tué au retour de l’école devant le bureau de l’UNWRA, par des sni­pers israé­liens pos­tés à 100 mètres de distance.

Il est essen­tiel aus­si de mon­trer la vio­lence quo­ti­dienne que subissent les Pales­ti­niens et d’écouter le cri de la jour­na­liste israé­lienne Ami­ra Hass, du quo­ti­dien Haaretz :

« Les Pales­ti­niens se battent pour leur vie, dans le plein sens du terme. Nous, juifs israé­liens, nous bat­tons pour notre pri­vi­lège en tant que nation de maîtres, dans la pleine lai­deur du terme. »

Ou lorsqu’elle ajoute :

« Les jeunes Pales­ti­niens ne vont pas se mettre à assas­si­ner des juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occu­pants, leurs tor­tion­naires, leurs geô­liers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démo­lis­seurs de leurs mai­sons, ceux qui les ont exi­lés, qui leur bloquent leur hori­zon. Les jeunes Pales­ti­niens, ven­geurs et déses­pé­rés, sont prêts à don­ner leur vie et à cau­ser à leur famille une énorme dou­leur, parce que l’ennemi auquel ils font face leur prouve chaque jour que sa méchan­ce­té n’a pas de limites. »

Don­nez-lui la parole, elle connaît les deux socié­tés israé­lienne et pales­ti­nienne, et parle vrai.

Alors que les attaques au cou­teau sont mon­tées en épingle, le fait poli­tique majeur qui deman­de­rait à être mon­tré et ana­ly­sé, c’est l’engagement mas­sif de la jeu­nesse pales­ti­nienne dans une nou­velle révolte contre l’occupation. Laquelle, comme celle des années 1980, est répri­mée de façon san­glante par un État qui refuse de s’interroger sur les causes de la révolte. Tout sim­ple­ment parce qu’elles sont trop évi­dentes et qu’il en est direc­te­ment res­pon­sable : refus de toute solu­tion poli­tique, blo­cus inhu­main de Gaza, colo­ni­sa­tion et acca­pa­re­ment des terres pales­ti­niennes, des­truc­tions de mai­sons et « judaï­sa­tion » de Jéru­sa­lem, pro­vo­ca­tions sur l’esplanade des Mos­quées pour ame­ner le conflit sur le ter­rain reli­gieux, pour le rendre insoluble.

Mais vous oubliez encore une fois l’essentiel : les mesures prises par le gou­ver­ne­ment Neta­nya­hou (tir à balles réelles sur les jeunes qui jettent les pierres – per­mis offi­ciel de tuer –, démo­li­tions des mai­sons de ceux qui sont impli­qués dans des attaques au cou­teau, fer­me­ture des quar­tiers pales­ti­niens de Jéru­sa­lem) méritent au mini­mum un constat. Il s’agit de puni­tions col­lec­tives et d’un recul de l’État de droit, au pro­fit d’une jus­tice expé­di­tive qui fait fi des enquêtes et des procès.

Comme le disait le jour­na­liste israé­lien Gideon Lévy, « tous ceux qui se sont ima­gi­nés qu’Israël pour­rait éter­nel­le­ment conti­nuer sur sa lan­cée et que les Pales­ti­niens conti­nue­raient à bais­ser la tête, à se sou­mettre indé­fec­ti­ble­ment, tous ceux-là n’ont jamais ouvert un livre d’histoire ».

Je vous invite, Madame, Mon­sieur à ne pas tenir pour éta­blies les infor­ma­tions four­nies par le maire de Jéru­sa­lem, qui invite les juifs israé­liens à s’armer, pas plus que celles des com­mu­ni­cants de l’armée israé­lienne qui n’ont qu’un seul objec­tif, déshu­ma­ni­ser leurs vic­times. D’autres sources d’information (dont le jour­nal israé­lien Haa­retz, des asso­cia­tions israé­liennes et pales­ti­niennes, les asso­cia­tions fran­çaises qui connaissent le ter­rain depuis des années) s’offrent à vous ; ne leur fer­mez pas la porte au nez. Il en va de votre crédibilité. »

Source de l’ar­ticle : poli­tis