Dans un contexte européen où les offensives réactionnaires se multiplient, nous relayons dans nos colonnes un appel international signé par des personnalités de nombreuses sensibilités politiques de gauche. Il s’agit de saluer l’expérience “PODEMOS” en Espagne, les mobilisations qui l’ont rendue possible et les pratiques politiques qu’elle porte, avec un réel succès aux dernières élections européennes. C’est un plaidoyer pour une autre façon de faire de la politique en lien avec les mouvements sociaux, en cette période de crise de la politique « traditionnelle ».
Quelques jours après les élections européennes, nous voulons célébrer l’irruption de PODEMOS comme alternative politique en Espagne. En seulement 4 mois d’existence, PODEMOS a réussi à obtenir un soutien populaire considérable, remportant 8 % des voix et devenant la 3ème force politique dans 23 des 40 principales villes du pays.
Alors que les politiques d’austérité ont créé dans le Sud de l’Europe un paysage désolé, il est encourageant de voir qu’il y a de plus en plus de gens prêts à se lever et à se battre pour la défense de la démocratie, des droits sociaux et de la souveraineté du peuple. Plus encore, c’est une source d’inspiration de voir qu’ils contestent les mandats des élites financières et politiques par de moyens nouveaux et radicalement démocratiques.
PODEMOS est issu de la vague de soulèvements populaires qui, depuis 2011, se sont propagés à travers le monde en exigeant une démocratie digne de ce nom. Son fonctionnement favorise la participation politique du peuple, organisant des élections primaires ouvertes, l’élaboration d’un programme politique participatif, la constitution de plus de 400 cercles et assemblées populaires dans le monde entier. PODEMOS obtient ses ressources exclusivement de contributions populaires, refusant tout prêt bancaire, et toute sa comptabilité est publique et accessible en ligne (podemos.info). Tous ses représentants seront révocables, et soumis à la stricte limitation de leurs mandats, leurs privilèges et leurs salaires.
Le programme politique de PODEMOS reflète les contributions de plusieurs milliers de citoyens, et exprime un sens commun partagé par des millions de personnes autour du monde : il propose de rompre avec la logique néolibérale de l’austérité et la dictature de la dette ; une répartition équitable des richesses et du travail ; la démocratisation radicale de toutes les instances de la vie publique ; la défense des droits sociaux et des services publiques ; ainsi que la fin de l’impunité et de la corruption qui ont transformé le rêve européen de liberté, d’égalité et de fraternité en cauchemar d’une société injuste, cynique et oligarchique.
Cette élection nous a montré que la désaffection et le malaise créés par les politiques de la Troïka favorisent la montée de la xénophobie et du fascisme. Il est donc urgent que l’espoir exprimé par PODEMOS se diffuse dans l’ensemble de nos pays : c’est l’image d’un peuple qui refuse de se soumettre à la passivité et se propose de récupérer ce pouvoir qui lui est propre, la capacité démocratique de décider ce qui est commun, ce qui détermine la vie de tous.
Gilbert Achcar, Jorge Alemán, Cinzia Arruzza, Étienne Balibar, Brenna Bhandar, Wendy Brown, Hisham Bustani, Judith Butler, Fathi Chamkhi, Noam Chomsky, Mike Davis, Erri De Luca, Costas Douzinas, Eduardo Galeano, Michael Hardt, Srećko Horvat, Robert Hullot-Kentor, Sadri Khiari, Naomi Klein, Chantal Mouffe, Aristeidis Mpaltas, Yasser Munif, Antonio Negri, Jacques Rancière, Leticia Sabsay, Mixalis Spourdalakis, Nicos Theotocas, Alberto Toscano, Slavoj Žižek
Source de l’article :contretemps