Les jeunes que nous pensions endormis par une société de consommation, soucieuse de les occuper avec les nouvelles technologies de divertissement et de communication, viennent de sonner le réveil. Au Chili comme au Québec, les étudiants ont pris la rue pour interpeller les gouvernants, poser des questions sur la gestion de leur système éducatif et réclamer que l’éducation soit reconnue comme un droit fondamental, universel et gratuit.
Au Chili, la grève étudiante a débuté en mai 2011. En août 2011, une grève générale de deux jours de toutes les forces vives de la société a regroupé plus de 600 000 personnes à travers tout le pays. En mars 2012, à la reprise des classes, d’autres manifestations ont repris. Tout récemment, ils ont apporté leur appui aux étudiants du Québec, en grève depuis trois mois. Il ressort clairement de cela que la politique éducative, promue par le gouvernement néolibéral de droite, va dans le sens de la privatisation de l’éducation et de l’application de frais pour y accéder.
Lors de son compte rendu annuel, le 21 mai 2012, le président Sébastian Piñera a annoncé, dans le but de permettre l’accès à une éducation de qualité, la création d’un système de crédit pour tous les étudiants, au taux annuel de 2 % d’intérêt. Son argumentation politique est que le pays, comportant autant d’inégalités, ne peut se permettre de financer l’éducation pour les plus favorisés. Plus démagogique que ça, ce n’est pas possible. Ce qui est vrai c’est que ce pays, donné en exemple par Washington et Ottawa, est au nombre des 10 pays au monde où le fossé entre riches et pauvres est le plus grand.
Au Québec, la grève des étudiants a débuté en mars 2012 pour réclamer, comme nous le savons, le gel des frais de scolarité. Ce ne sera qu’après deux mois de grève et l’appui important de parents, de professeurs et d’organisations sociales que le gouvernement s’est manifesté. Durant les quelques rencontres formelles qui ont eu lieu, il n’a rien voulu savoir du gel des frais de scolarité. À aucun moment, il n’a ouvert la porte à pareille option. Il a plutôt fait l’exercice de diluer dans le temps les paiements de ces frais et d’y ajouter un 2 % pour couvrir l’inflation. En somme, un mode d’emploi qui ressemble énormément à celui de Pinera du Chili. Il faut croire que la main invisible qui les guide l’un et l’autre sait où elle s’en va.
Dans les deux cas, ils font valoir que la situation économique ne permet pas l’éducation gratuite. Pinera finasse en se référant aux classes les plus favorisées, comme si c’était là l’objet de la demande des étudiants chiliens. Cette dernière mesure, d’un système de crédit, annoncée lors de son discours d’aujourd’hui, est rejetée par les regroupements étudiants.
Charest, quant à lui, finasse avec l’idée de « l’utilisateur-payeur » et, surtout, avec le droit pour chacun d’accéder à son établissement scolaire. Devant l’impasse des négociations, nombreux ont été ceux et celles qui ont proposé un moratoire, le temps de permettre aux étudiants le retour aux classes pour terminer leur session et aussi pour revoir, dans quelques mois, toute cette question dans le cadre d’un sommet élargi, regroupant les étudiants, les universitaires, des personnes ressources et le gouvernement. C’était là une proposition que les associations étudiantes endossaient.
Le gouvernement a plutôt choisi la proclamation d’une loi spéciale, la loi 78, qui affecte directement les droits fondamentaux de la libre expression. Déjà, elle est contestée en Cour et certaines associations étudiantes ont déclaré qu’elles ne la respecteraient pas. Ainsi, loin d’apporter la paix sociale recherchée, c’est le chaos qui s’annonce.
Il faut relever que dans les deux pays l’usage de la répression et de la matraque a été amplement utilisé. Les médias officiels ont emboîté le pas avec les gouvernements de manière à garder l’appui de l’opinion publique avec les décisions de ces derniers.
COMMENTAIRES
Comment se fait-il que le Chili, donné en exemple de développement et de croissance économique, n’arrive pas à instaurer un système gratuit d’éducation ? C’est pourtant ce que fait le Mexique où le fossé entre riches et pauvres est également très élevé. Plusieurs se souviendront de cette lutte étudiante, en 1968, réclamant ce droit à l’éducation gratuite. En dépit d’une forte répression, entraînant la mort de plusieurs étudiants et étudiantes, ils ont finalement eu gain de cause. Le Mexique ne s’en porte pas plus mal pour autant.
Au Venezuela, critiqué par certains de nos médias et certaines autorités gouvernementales, l’éducation est un droit de l’Homme et un devoir social fondamental, elle est démocratique, gratuite et obligatoire.
En Équateur, l’éducation publique est laïque, obligatoire au niveau primaire et gratuite jusqu’au baccalauréat ou son équivalent (art. 67). Dans les établissements d’enseignement publics, on fournira, sans frais, aux élèves les services à caractère social dont ils ont besoin. Les élèves en situation d’extrême pauvreté recevront des subventions particulières. L’État s’engage à proposer des programmes d’éducation permanente pour éradiquer l’analphabétisme et raffermir l’éducation dans les zones rurales et près des frontières.
En Argentine, il y a environ 50 universités, la moitié sont publiques et gratuites, les autres sont privées (catholiques ou autres) et payantes. L’Université de Buenos Aires est la plus grande d’Amérique du Sud avec 140 000 étudiants. L’université de Córdoba, fondée par les Espagnols en 1613, est la plus vieille du pays.
Au Brésil, le système éducatif est décentralisé et composé d’institutions publiques et d’établissements privés. Le Ministère de l’Éducation (MEC) contrôle l’enseignement au niveau national, secondé par le Conseil National de l’Éducation.. L’éducation publique est gratuite à tous les niveaux et sa responsabilité se répartit entre les états, le district fédéral et les municipalités.
Conclusion
Les quelques exemples pris à même les pays de l’Amérique latine illustrent clairement que le financement de l’éducation n’est pas une question de budget, mais de valeur morale et de volonté politique. Tous ces pays, comme c’est d’ailleurs le cas pour le Québec, disposent de suffisamment de richesses naturelles pour répondre à ces besoins essentiels. Il faut évidemment que les gouvernements agissent de façon à soutirer de leurs richesses tous les avantages et profits possible. Il faut également qu’il y ait une fiscalité solidaire et responsable qui soit orientée pour servir au mieux le bien commun de la société.
Le Québec, ne peut se soustraire à ces impératifs d’une exploitation saine de ses richesses naturelles et à l’ajustement d’une fiscalité qui rend solidaire chaque citoyen et citoyenne du bien commun de la société québécoise. La santé et l’éducation sont parties de ce bien commun. Peut-être faudra-t-il revoir ce que nous faisons de nos richesses. Il appartient au gouvernement d’en être un bon gestionnaire en fonction des intérêts du peuple et non de quelques intérêts privés.
Oscar Fortin
Québec, 21 mai 2012
Source de l’article : blog d’oscar fortin