Bolivie : vers la fin de la dictature médiatique ?

Actuellement, en Bolivie, 98% des fréquences sont aux mains du secteur privé. Ce pays s'engage vers la démocratisation des ondes.

arton1725-ptt.jpgVotée en 1997, la Loi des Télé­com­mu­ni­ca­tions, tou­jours en vigueur, arrive à son terme. En effet, à la mi-juillet, le par­le­ment boli­vien a débu­té l’exa­men d’un nou­veau pro­jet de loi. Ce nou­veau texte béné­fi­cie­ra à l’en­semble de la popu­la­tion boli­vienne et devrait aider à mettre un terme aux grands empires médiatiques.

La loi actuelle encore en vigueur pour quelques semaines avait été votée par un gou­ver­ne­ment néo­li­bé­ral. Elle réor­ga­ni­sait la répar­ti­tion du spectre radio­élec­trique, même si en véri­té ce fut sur­tout une astuce pour faire dis­pa­raître les radios syn­di­cales, alors seuls médias d’op­po­si­tion exis­tants. Depuis, ces médias ont obte­nu une licence pour vingt ans, et les fré­quences ont été légalisées.

Si ces conces­sions expirent en 2017, la nou­velle loi est d’ores et déjà à l’é­tude, et ce depuis ce mois-ci. Les auto­ri­tés ont annon­cé que la répar­ti­tion des fré­quences sera de 33% pour le sec­teur pri­vé, 33% pour le sec­teur public et de 34% pour les radios com­mu­nau­taires, des peuples ori­gi­naires et des pay­sans. Exac­te­ment comme l’a fait récem­ment la loi argen­tine et comme le Vene­zue­la com­mence à le faire en sou­met­tant un pro­jet de loi au débat popu­laire. En France par exemple la gauche semble n’a­voir pas encore pris conscience qu’une démo­cra­tie ne peut se pas­ser de démo­cra­ti­sa­tion réelle des moyens d’in­for­mer et des fré­quences disponibles.

Actuel­le­ment, en Boli­vie, 98% des fré­quences sont aux mains du sec­teur pri­vé. Pri­vi­lé­gié, il a pu construire des véri­tables lati­fun­dios média­tiques qui lui ont garan­ti un véri­table pou­voir poli­tique pour mani­pu­ler l’o­pi­nion publique. 

La norme juri­dique (encore en débat) touche essen­tiel­le­ment à la répar­ti­tion des fré­quences de radio et de télé­vi­sion, mais sa seule annonce à mobi­li­sé les patrons de ces médias qui ne cessent de « dénon­cer » des pré­ten­dues atteintes à leurs inté­rêts. Le plus impor­tant pro­prié­taire de radios en Boli­vie est par ailleurs un ancien employé de l’am­bas­sade éta­su­nienne et un habile pro­duc­teur de pro­grammes pour « La voix de l’A­mé­rique » (NDLR : Voice of Ame­ri­ca » est le ser­vice de com­mu­ni­ca­tion audio­vi­suelle à l’in­ter­na­tio­nal du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain). Celui-ci a décla­ré que la nou­velle loi aura pour effet de divi­ser les fré­quences en des groupes sectaires.

La nou­velle Loi des télé­com­mu­ni­ca­tions, devrait répar­tir de manière adé­quate la pos­ses­sion des fré­quences. Elle évi­te­ra ain­si que les ban­quiers et les puis­sants groupes éco­no­miques accèdent à leur direc­tion, les­quels les uti­lisent aujourd’­hui pour sou­te­nir leur pou­voir atten­du que les médias sont des élé­ments stra­té­giques qui ne peuvent appar­te­nir à des mais étrangères.

En cette période de chan­ge­ments, les médias devront être au ser­vice et au béné­fice géné­ral de toutes et tous les boli­viens, par le biais d’une com­mu­ni­ca­tion libre, équi­table, par­ti­ci­pa­tive et inté­grant les aspi­ra­tions des peuples qui luttent depuis des décen­nies pour de véri­tables changements.
En regar­dant atten­ti­ve­ment l’ac­tua­li­té, il appa­raît que les médias servent l’o­li­gar­chie. Ce sont ses ins­tru­ments de domi­na­tion et de sou­mis­sion au béné­fice de ses seuls inté­rêts. Autant de rai­sons pour avoir bon espoir que le nou­veau texte qui sera voté au par­le­ment boli­vien en fini­ra avec ce patri­moine de l’o­li­gar­chie et trans­fè­re­ra la pro­prié­té de ces médias à l’en­semble des boliviens.

Vers la fin des monopoles

La loi des Télé­com­mu­ni­ca­tions règle­men­te­ra par ailleurs le fonc­tion­ne­ment tech­nique des médias audio­vi­suels. A l’a­ve­nir, un autre texte, encore au stade de l’hy­po­thèse, pour­rait venir régle­men­ter les conte­nus et l’exer­cice légal des télé­com­mu­ni­ca­tions, en com­men­çant par leurs pro­prié­taires. Actuel­le­ment, en grande majo­ri­té, ces médias n’ont rien à voir avec quoi que ce soit qui s’ap­pa­rente à du jour­na­lisme. Un grand tra­vail revient aux légis­la­teurs qui devront pour­suivre leurs avan­cées par des consul­ta­tions et l’ex­per­tise nécessaire. 

Plus vite sera approu­vée cette nou­velle loi, plus vite s’a­chè­ve­ra l’ordre néo­li­bé­ral actuel, qui de manière géné­rale après qua­torze années d’exis­tence a mené à un désordre total dans la répar­ti­tion des fré­quences et des conte­nus, avec plus de milles radios et près de cinq cent chaines de télévision.

Les oli­gar­chies médiatiques

Trois grand réseaux de télé­vi­sion ont accu­mu­lé un énorme pou­voir de mani­pu­la­tion de l’o­pi­nion publique, au ser­vice des leurs seuls inté­rêts poli­tiques sec­taires et en oppo­si­tion féroce aux véri­tables chan­ge­ments, avec la par­ti­ci­pa­tion popu­laire que l’on observe actuel­le­ment en Boli­vie. Qui sont-ils et que représentent-ils ?
Réseau Uno

Son pro­prié­taire est l’homme poli­tique et entre­pre­neur croate Ivo Kul­jis Fütch­ner. Il est proche de Gon­za­lo Sán­chez de Loza­da (MNR), Car­los Palenque (CONDEPA), John­ny Fernán­dez (UCS) et Man­fred Reyes Vil­la (NFR) (ndlr : tous par­tis d’op­po­si­tion). S’il fut un très mau­vais poli­ti­cien, il fit for­tune grâce à ses entre­prises. Il est lié à de flo­ris­santes affaires finan­cières, au réseau de super­mar­ché Hiper­maxi, la com­pa­gnie immo­bi­lière Bienes Raices et des éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment pri­vés, entre autres.

Réseau PAT

Ce réseau est né avec la volon­té com­mune de jour­na­listes pour don­ner à voir un offre pro­fes­sion­nelles de télé­vi­sion avec moins d’a­lié­na­tion. En effet, le réseau PAT était alors le seul à pro­duire des conte­nus natio­naux. Mais l’im­par­tia­li­té n’a pas eu un grand ave­nir et ce réseau s’est tour­né vers le néo­li­bé­ra­lisme, en tom­bant peu à peu aux mains de l’en­tre­pre­neur Abdalá Daher. Ses inté­rêts sont entre autres liés aux impor­ta­tions en élec­tro­nique. Daher n’est pas connu sur la scène poli­tique sauf pour avoir été subi des pres­sions de la part Eduar­do Ros­za Flores, pour finan­cer le sépa­ra­tisme de San­ta Cruz.

Red UNITEL

Ce réseau est le plus radi­cal des lati­fun­dios lati­no-amé­ri­cains. Filiale de CNN, éta­su­nienne, il appar­tient à la famille Monas­te­rios, dont le plus connu de ses membres est Osval­do Monas­te­rios Áñez, un actif mili­tant du MNR, élu au par­le­ment à deux reprises. Ce réseau média­tique a beau­coup d’in­té­rêts à défendre car la famille Monas­te­rios est liée à d’é­normes entre­prises ban­caires, à des pro­duc­tions de sodas, glaces, d’al­cool et de déri­vés, à de grandes pro­prié­tés d’é­le­vage, à l’im­por­ta­tion de meubles ou encore l’ad­mi­nis­tra­tion d’une zone franche de Puer­to Suárez.

Les inté­rêts existent

Cet énorme pou­voir éco­no­mique est défen­du par un conglo­mé­rat de jour­na­listes au tra­vers de pro­grammes habi­le­ment struc­tu­rés et main­te­nant une oppo­si­tion tenace à l’ac­tuel pro­ces­sus de chan­ge­ment, à base de son­dages et d’en­quêtes clai­re­ment mani­pu­lées, qui ne font rien d’autre que détruire le peu de cré­di­bi­li­té qu’ils leur res­tait en matière d’im­par­tia­li­té et d’objectivité

Les par­le­men­taires qui exa­minent la nou­velle loi des télé­com­mu­ni­ca­tions seront for­cés de se pen­cher sur cette ques­tion et de choi­sir si les médias doivent res­ter aux mains de puis­sants chefs d’en­tre­prises dont les inté­rêts peuvent aller à l’en­contre du bien public sur­tout si des mani­pu­la­teurs agis­sant dans l’ombre leur sont acquis.

(1) NDLR : la chambre des dépu­tés a approu­vé le 12 juillet der­nier le pro­jet de loi des télé­com­mu­ni­ca­tions qui garan­tir le dis­tri­bu­tion équi­table des fré­quences, et qui doit encore être exa­mi­né au Sénat pour être révi­ser avant d’être défi­ni­ti­ve­ment approuvée.

Source : ALBA TV http://albatv.org/Latifundios-mediaticos-se-acercan.html

Tra­duc­tion : G.S. pour www.larevolucionvive.org.ve