Devant l’imminence de l’abattage des platanes qui bordent l’avenue du Port, IEB et un représentant du comité Marie-Christine se sont résolus à porter l’affaire au pénal. Le chantier de l’avenue du Port est maintenant sous scellé. Le permis délivré pour le bétonnage de l’avenue du Port est illégal. Le chantier l’est tout autant. La justice fait maintenant son travail.
L’affaire connait depuis quelques jours un emballement médiatique qui occulte d’autres enjeux, tout aussi importants que la sauvegarde du patrimoine et la préservation des platanes.
Il est bon de rappeler brièvement l’histoire du projet de l’avenue du Port, initié et passé en force lors de la législature précédente par le Ministre Pascal Smet, malgré une levée de bouclier des comités et de nombreuses associations, malgré aussi l’avis défavorable en commission de concertation des administrations de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et de la Commission Royale des Monuments et des Sites.
Depuis la délivrance du permis en 2008, on ne compte plus les interpellations faites aux gouvernements successifs pour revoir le projet. Pourtant, les autorités sont restées sourdes à tous les appels [[A propos : les faiblesses juridiques du dossier étaient connues depuis bien longtemps. Le 24 août dernier, avant la décision du gouvernement de maintenir le projet, un représentant du comité de quartier « Marie-Christine/Reine/Stéphanie » a même officiellement écrit à chaque membre du gouvernement pour prévenir de l’illégalité du marché passé par la Ministre Grouwels à l’entrepreneur Verhaeren.]].
Et les habitants n’ont pas ménagé leur peine pour opposer à ce projet urbicide une autre vision de la ville, issue de leurs expertises cumulées et produit de l’intelligence collective. A l’arrivée : un projet moins cher, respectueux du patrimoine et des arbres, et répondant aux critères de confort des cyclistes.
Comment expliquer l’entêtement des porteurs de ce projet anachronique ? Le projet du gouvernement permettrait de « requalifier » les abords du canal, en fabriquant une image plus « clean » d’une zone laissée à l’abandon depuis tant d’années… C’est qu’aujourd’hui, la zone centrale du canal fait l’objet de bien des attentions tant de la part des marchés que des pouvoirs publics. Sa revitalisation justifie ce projet colonisateur, visant à ménager les amortisseurs des berlines transitant vers un « nouveau centre-ville » super hype, mais ceci sans le moindre égard pour les habitants des quartiers environnants… Des habitants à priori moins vindicatifs car plus préoccupés par leur survie au quotidien que par la sauvegarde du patrimoine.
Les projets immobiliers ou de rénovation des espaces publics se multiplient donc plus aisément dans leurs quartiers. Ils sont souvent portés par les pouvoirs publics eux-mêmes, persuadés qu’une bonne petite revitalisation des quartiers populaires augmentera à terme leur attractivité, provoquant certes l’éviction d’une partie de la population non solvable, mais au profit d’un population potentiellement plus contributrice à l’impôt sur le revenu.
Dans « l’affaire de l’avenue du Port », le contre-projet des habitants est à cet égard bien déroutant pour les pouvoirs publics car il propose la création d’une coopérative d’économie sociale permettant la formation et la mise à l’emploi de 40 jeunes des quartiers environnants, avec la perspective d’exercer un noble métier, durable dans tous les sens du terme. En maintenant les pavés redressés selon la méthode traditionnelle, les habitants proposaient un développement de l’économie locale et l’ascenseur social plutôt que l’éviction. Pas mal, pour des amateurs…
Décidément, les habitants de la Région de Bruxelles-Capitale semblent de plus en plus prêts à prendre une part active dans la gestion de la cité, avec un modèle de démocratie participative à inventer, en complément d’une démocratie représentative qui mériterait bien un petit coup de neuf.
Source : Inter-environnement Bruxelles