Bruxelles, Avenue du port : mais que cachent les platanes ?

Devant l’imminence de l’abattage des platanes qui bordent l’avenue du Port, IEB et un représentant du comité Marie-Christine se sont résolus à porter l’affaire au pénal.

Devant l’imminence de l’abattage des pla­tanes qui bordent l’avenue du Port, IEB et un repré­sen­tant du comi­té Marie-Chris­tine se sont réso­lus à por­ter l’affaire au pénal. Le chan­tier de l’avenue du Port est main­te­nant sous scel­lé. Le per­mis déli­vré pour le béton­nage de l’avenue du Port est illé­gal. Le chan­tier l’est tout autant. La jus­tice fait main­te­nant son travail.

L’affaire connait depuis quelques jours un embal­le­ment média­tique qui occulte d’autres enjeux, tout aus­si impor­tants que la sau­ve­garde du patri­moine et la pré­ser­va­tion des platanes.

Il est bon de rap­pe­ler briè­ve­ment l’histoire du pro­jet de l’avenue du Port, ini­tié et pas­sé en force lors de la légis­la­ture pré­cé­dente par le Ministre Pas­cal Smet, mal­gré une levée de bou­clier des comi­tés et de nom­breuses asso­cia­tions, mal­gré aus­si l’avis défa­vo­rable en com­mis­sion de concer­ta­tion des admi­nis­tra­tions de l’Environnement, de l’Aménagement du Ter­ri­toire et de la Com­mis­sion Royale des Monu­ments et des Sites.

avenue_du_port.jpg

Depuis la déli­vrance du per­mis en 2008, on ne compte plus les inter­pel­la­tions faites aux gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs pour revoir le pro­jet. Pour­tant, les auto­ri­tés sont res­tées sourdes à tous les appels [[A pro­pos : les fai­blesses juri­diques du dos­sier étaient connues depuis bien long­temps. Le 24 août der­nier, avant la déci­sion du gou­ver­ne­ment de main­te­nir le pro­jet, un repré­sen­tant du comi­té de quar­tier « Marie-Chris­ti­ne/­Rei­ne/S­té­pha­nie » a même offi­ciel­le­ment écrit à chaque membre du gou­ver­ne­ment pour pré­ve­nir de l’illégalité du mar­ché pas­sé par la Ministre Grou­wels à l’entrepreneur Verhaeren.]].

Et les habi­tants n’ont pas ména­gé leur peine pour oppo­ser à ce pro­jet urbi­cide une autre vision de la ville, issue de leurs exper­tises cumu­lées et pro­duit de l’intelligence col­lec­tive. A l’arrivée : un pro­jet moins cher, res­pec­tueux du patri­moine et des arbres, et répon­dant aux cri­tères de confort des cyclistes.

Com­ment expli­quer l’entêtement des por­teurs de ce pro­jet ana­chro­nique ? Le pro­jet du gou­ver­ne­ment per­met­trait de « requa­li­fier » les abords du canal, en fabri­quant une image plus « clean » d’une zone lais­sée à l’abandon depuis tant d’années… C’est qu’aujourd’hui, la zone cen­trale du canal fait l’objet de bien des atten­tions tant de la part des mar­chés que des pou­voirs publics. Sa revi­ta­li­sa­tion jus­ti­fie ce pro­jet colo­ni­sa­teur, visant à ména­ger les amor­tis­seurs des ber­lines tran­si­tant vers un « nou­veau centre-ville » super hype, mais ceci sans le moindre égard pour les habi­tants des quar­tiers envi­ron­nants… Des habi­tants à prio­ri moins vin­di­ca­tifs car plus pré­oc­cu­pés par leur sur­vie au quo­ti­dien que par la sau­ve­garde du patrimoine.

Les pro­jets immo­bi­liers ou de réno­va­tion des espaces publics se mul­ti­plient donc plus aisé­ment dans leurs quar­tiers. Ils sont sou­vent por­tés par les pou­voirs publics eux-mêmes, per­sua­dés qu’une bonne petite revi­ta­li­sa­tion des quar­tiers popu­laires aug­men­te­ra à terme leur attrac­ti­vi­té, pro­vo­quant certes l’éviction d’une par­tie de la popu­la­tion non sol­vable, mais au pro­fit d’un popu­la­tion poten­tiel­le­ment plus contri­bu­trice à l’impôt sur le revenu.

Dans « l’affaire de l’avenue du Port », le contre-pro­jet des habi­tants est à cet égard bien dérou­tant pour les pou­voirs publics car il pro­pose la créa­tion d’une coopé­ra­tive d’économie sociale per­met­tant la for­ma­tion et la mise à l’emploi de 40 jeunes des quar­tiers envi­ron­nants, avec la pers­pec­tive d’exercer un noble métier, durable dans tous les sens du terme. En main­te­nant les pavés redres­sés selon la méthode tra­di­tion­nelle, les habi­tants pro­po­saient un déve­lop­pe­ment de l’économie locale et l’ascenseur social plu­tôt que l’éviction. Pas mal, pour des amateurs…

Déci­dé­ment, les habi­tants de la Région de Bruxelles-Capi­tale semblent de plus en plus prêts à prendre une part active dans la ges­tion de la cité, avec un modèle de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive à inven­ter, en com­plé­ment d’une démo­cra­tie repré­sen­ta­tive qui méri­te­rait bien un petit coup de neuf.

Source : Inter-envi­ron­ne­ment Bruxelles