Un chemin qui mène nulle part

Par Ilan Pappé

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Jaco­bin Amé­ri­ca Latina


Tra­duit par ZIN TV

Article en espa­gnol tra­duit par Valentín Huarte sur Jaco­bin Amé­ri­ca Latina

EN LIEN :

Ilan Pap­pé, his­to­rien israé­lien et mili­tant socia­liste. Il est pro­fes­seur à l’u­ni­ver­si­té d’Exe­ter, direc­teur du Centre euro­péen d’é­tudes pales­ti­niennes, codi­rec­teur du Centre d’é­tudes eth­no­po­li­tiques d’Exe­ter et auteur de (en français)
La guerre de 1948 en Pales­tine : Aux ori­gines du conflit israé­lo-arabe, La Fabrique, 2000, 388 p.
Une terre pour deux peuples : His­toire de la Pales­tine moderne, Fayard, 2004, 357 p.
Les démons de la Nak­bah : Les liber­tés fon­da­men­tales dans l’u­ni­ver­si­té israé­lienne, La Fabrique, 2004, 122 p.
Le net­toyage eth­nique de la Pales­tine [« The Eth­nic Clean­sing of Pales­tine »] (trad. de l’an­glais), Paris, Fayard, 2008,
Pales­tine : L’É­tat de siège (trad. de l’an­glais), Paris, Galaade, 2013, 384 p.

Deux décen­nies après l’ex­pi­ra­tion du pro­ces­sus de paix entre Camp David et le som­met de Taba, beau­coup de gens se sou­viennent avec nos­tal­gie des accords d’Os­lo entre Israël et l’OLP. Mais l’his­to­rien Ilan Pap­pé sou­tient que l’é­chec d’Os­lo à garan­tir la sou­ve­rai­ne­té pales­ti­nienne était prédéterminé.

Le 13 sep­tembre 1993, l’Or­ga­ni­sa­tion de libé­ra­tion de la Pales­tine (OLP) et le gou­ver­ne­ment israé­lien ont annon­cé en grande pompe la signa­ture des accords d’Os­lo. L’ac­cord a été conçu par un groupe israé­lien qui fai­sait par­tie du think tank Mashov, diri­gé par le ministre des affaires étran­gères de l’é­poque, Yos­si Beilin.

Leur hypo­thèse était qu’une conver­gence de fac­teurs avait créé une occa­sion his­to­rique d’im­po­ser une solu­tion. Ces fac­teurs com­pre­naient, d’une part, la vic­toire du par­ti tra­vailliste israé­lien aux élec­tions de 1992 et, d’autre part, l’é­ro­sion dras­tique de la posi­tion inter­na­tio­nale de l’OLP suite au sou­tien de Yas­ser Ara­fat à l’in­va­sion du Koweït par Sad­dam Hussein.

Les archi­tectes de ces accords par­taient du prin­cipe que le peuple pales­ti­nien n’é­tait plus en mesure de résis­ter aux dik­tats d’Is­raël, ce qui repré­sen­tait le maxi­mum que l’É­tat juif était prêt à concé­der à l’é­poque. Le mieux que ceux qui repré­sentent le “camp de la paix” israé­lien pou­vaient offrir étaient deux ban­tous­tans — une petite Cis­jor­da­nie et une enclave dans la bande de Gaza — qui joui­raient du sta­tut d’É­tat en termes sym­bo­liques mais res­te­raient, en pra­tique, sous contrôle israélien.

En outre, cet accord devrait être décla­ré comme la fin du conflit. Toutes les autres demandes, telles que le droit au retour des réfu­giés pales­ti­niens ou la modi­fi­ca­tion du sta­tut de la mino­ri­té pales­ti­nienne en Israël, ont été reti­rées de l’a­gen­da de “paix”.

Une recette pour le désastre

Ce décret était une nou­velle ver­sion des anciennes idées israé­liennes qui avaient façon­né le soi-disant “pro­ces­sus de paix” de 1967. La pre­mière était la soi-disant “alter­na­tive jor­da­nienne”, qui consis­tait à divi­ser — géo­gra­phi­que­ment ou admi­nis­tra­ti­ve­ment — le contrôle sur les ter­ri­toires occu­pés entre Israël et la Jor­da­nie. Le mou­ve­ment ouvrier israé­lien a sou­te­nu cette poli­tique. Le second était l’i­dée d’une auto­no­mie pales­ti­nienne limi­tée dans ces ter­ri­toires, qui était au centre des pour­par­lers de paix avec l’É­gypte à la fin des années 1970.

Toutes ces idées — l’al­ter­na­tive jor­da­nienne, l’au­to­no­mie pales­ti­nienne et la for­mule d’Os­lo — avaient une chose en com­mun : elles pro­po­saient de divi­ser la Cis­jor­da­nie entre les zones pales­ti­nienne et juive, dans le but d’in­té­grer à l’a­ve­nir la par­tie juive à Israël, en main­te­nant la bande de Gaza comme une enclave reliée à la Cis­jor­da­nie par un pont ter­restre contrô­lé par Israël.

Oslo dif­fère des ini­tia­tives pré­cé­dentes à bien des égards. Le plus impor­tant est que l’OLP s’est asso­ciée à Israël dans cette recette du désastre. Cepen­dant, il faut recon­naître que l’or­ga­ni­sa­tion n’a pas encore accep­té les accords d’Os­lo comme un pro­ces­sus achevé.

Sa par­ti­ci­pa­tion, et la recon­nais­sance inter­na­tio­nale dont elle a béné­fi­cié, ont consti­tué l’as­pect posi­tif (ou du moins poten­tiel­le­ment posi­tif) d’Os­lo. L’as­pect néga­tif de la par­ti­ci­pa­tion de l’OLP était le fait que la poli­tique uni­la­té­rale d’an­nexion ter­ri­to­riale pro­gres­sive et de divi­sion des ter­ri­toires occu­pés jouis­sait alors de la légi­ti­mi­té d’un accord que les auto­ri­tés de l’OLP avaient signé.

Une autre dif­fé­rence était l’en­ga­ge­ment d’une équipe uni­ver­si­taire soi-disant pro­fes­sion­nelle et neutre dont les actions allaient faci­li­ter les accords. La fon­da­tion nor­vé­gienne FAFO était char­gée de la cam­pagne de média­tion. Elle a adop­té une métho­do­lo­gie très avan­ta­geuse pour la par­tie israé­lienne et désas­treuse pour le peuple palestinien.

Il s’a­gis­sait essen­tiel­le­ment de défi­nir le meilleur que la par­tie la plus forte était prête à offrir, puis d’es­sayer de contraindre la par­tie la plus faible à l’ac­cep­ter. Il n’y avait aucune chance que le par­ti défi­ni comme faible puisse agir. L’en­semble du pro­ces­sus est deve­nu une imposition.

Une pilule amère

Nous sommes déjà pas­sés par là. La Com­mis­sion spé­ciale des Nations unies sur la Pales­tine (UNSCOP) a adop­té une approche simi­laire au cours des années 1947 – 1948. Le résul­tat a été catas­tro­phique. La popu­la­tion pales­ti­nienne, autoch­tone et majo­ri­taire dans le ter­ri­toire, n’a aucune influence sur la solu­tion pro­po­sée. Lors­qu’ils l’ont reje­tée, les Nations unies ont igno­ré leur posi­tion. Le mou­ve­ment sio­niste et ses alliés ont impo­sé la divi­sion par la force.

Lorsque Oslo I, la pre­mière série d’ac­cords lar­ge­ment sym­bo­liques, a été signée, l’ab­sence désas­treuse de toute contri­bu­tion pales­ti­nienne n’é­tait pas immé­dia­te­ment appa­rente. Ces accords com­pre­naient non seule­ment la recon­nais­sance mutuelle entre Israël et l’OLP, mais aus­si le retour de Yas­ser Ara­fat et de la direc­tion de l’OLP en Pales­tine. Cette par­tie de l’ac­cord a créé une eupho­rie com­pré­hen­sible dans une par­tie de la popu­la­tion pales­ti­nienne, car elle dis­si­mu­lait le véri­table objec­tif d’Oslo.

Cette amer­tume légè­re­ment sucrée a rapi­de­ment fait sen­tir sa vraie nature avec la série d’ac­cords sui­vants, mis en œuvre en 1995 et connus sous le nom d’Ac­cords d’Os­lo II. Ils étaient dif­fi­ciles à accep­ter, même pour Ara­fat affai­bli, et le pré­sident égyp­tien Hos­ni Mou­ba­rak l’a lit­té­ra­le­ment for­cé à signer le pacte devant les camé­ras du monde entier.

Une fois de plus, comme en 1947, la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale a mis en œuvre une “solu­tion” qui a ser­vi les besoins et la vision idéo­lo­gique d’Is­raël, en igno­rant com­plè­te­ment les droits et les aspi­ra­tions des Pales­ti­niens. Et, une fois de plus, le prin­cipe sous-jacent de la “solu­tion” était la division.

En 1947, 56% de la Pales­tine a été offerte au mou­ve­ment des colons sio­nistes et 78% a été prise par la force. Les accords d’Os­lo II ont don­né à Israël 12 % sup­plé­men­taires de la Pales­tine his­to­rique, conso­li­dant le sta­tut d’Is­raël sur 90 % du pays et créant deux ban­tous­tans dans le reste de la région.

En 1947, la pro­po­si­tion était de par­ta­ger la Pales­tine entre un État arabe et un État juif. Le récit d’Is­raël, de la FAFO et des acteurs inter­na­tio­naux impli­qués dans la média­tion d’Os­lo était que le peuple pales­ti­nien avait per­du une occa­sion de jouir de son État en rai­son de la posi­tion irres­pon­sable et réac­tion­naire qu’il avait adop­tée en 1947. Par consé­quent, ils se sont vu offrir cette fois, de manière didac­tique, un espace beau­coup plus res­treint et une enti­té poli­tique dégra­dée (qui ne peut être consi­dé­rée comme un État, quel que soit l’en­droit où l’on se place).

La géographie du désastre

Les accords d’Os­lo II ont créé une géo­gra­phie du désastre qui a per­mis à Israël d’an­nexer encore plus de ter­ri­toire de la Pales­tine his­to­rique en enfer­mant le peuple pales­ti­nien entre deux ban­tous­tans ; ou, pour le dire autre­ment, en divi­sant la Cis­jor­da­nie et la bande de Gaza en zones pales­ti­nienne et juive.

Zone A sous le com­man­de­ment direct de l’Au­to­ri­té natio­nale pales­ti­nienne (ANP, qui res­semble à un État mais n’a aucun de ses pou­voirs) ; zone B sous le com­man­de­ment par­ta­gé d’Is­raël et de l’ANP (mais qui est en fait sous le com­man­de­ment d’Is­raël) ; zone C sous le com­man­de­ment exclu­sif d’Is­raël. La région est actuel­le­ment annexée de fac­to à Israël.

Les moyens de par­ve­nir à cette annexion ont inclus le har­cè­le­ment mili­taire et colo­nial des popu­la­tions pales­ti­niennes (for­çant de nom­breuses per­sonnes à quit­ter leurs mai­sons), la décla­ra­tion de vastes zones comme camps d’en­traî­ne­ment mili­taire ou “pou­mons verts” éco­lo­giques dont le peuple pales­ti­nien est exclu, et enfin, les chan­ge­ments constants de la légis­la­tion fon­cière, pour prendre plus de terres pour de nou­velles colo­nies ou pour étendre les anciennes.

Lors­qu’A­ra­fat est arri­vé à Camp David en 2000, la carte d’Os­lo s’é­tait clai­re­ment déployée et, à bien des égards, avait enta­mé un pro­ces­sus irré­ver­sible. Les prin­ci­pales carac­té­ris­tiques de la car­to­gra­phie post-Oslo sont la ban­tous­ta­ni­sa­tion de la Cis­jor­da­nie et de la bande de Gaza, l’an­nexion offi­cielle de la plus grande par­tie de Jéru­sa­lem et la sépa­ra­tion phy­sique du nord et du sud de la Cisjordanie.

D’autres n’é­taient pas moins impor­tantes : la sup­pres­sion du droit au retour de l’a­gen­da de “paix” et la judaï­sa­tion conti­nue de la vie des Pales­ti­niens à l’in­té­rieur d’Is­raël (par l’ex­pro­pria­tion des terres, l’é­tran­gle­ment des villes, le main­tien des colo­nies et des villes exclu­si­ve­ment pour le peuple juif et l’a­dop­tion d’une série de lois qui ont ins­ti­tu­tion­na­li­sé Israël comme un État d’apartheid).

Plus tard, lors­qu’il s’est avé­ré trop coû­teux de main­te­nir la pré­sence colo­niale au milieu de la bande de Gaza, les auto­ri­tés israé­liennes ont révi­sé la carte et la logique d’Os­lo pour y inclure une nou­velle méthode : impo­ser le siège ter­restre et le blo­cus mari­time de Gaza, compte tenu de son refus de deve­nir une autre zone A sous la domi­na­tion de l’ANP.

 

Après Rabin

La géo­gra­phie de la catas­trophe, simi­laire à celle de 1948, est le résul­tat d’un plan de paix. Depuis 1995, depuis la signa­ture des accords d’Os­lo II, plus de 600 points de contrôle ont pri­vé les habi­tants des ter­ri­toires occu­pés de leur liber­té de cir­cu­la­tion entre les villes (et entre la bande de Gaza et la Cis­jor­da­nie). La vie dans les zones A et B était admi­nis­trée par l’ad­mi­nis­tra­tion civile, une équipe qua­si-mili­taire qui n’ac­cep­tait de déli­vrer des per­mis qu’en échange d’une coopé­ra­tion totale avec les ser­vices de sécurité.

Les occu­pants ont conti­nué à atta­quer le peuple pales­ti­nien et à expro­prier ses terres. L’ar­mée israé­lienne, avec ses uni­tés spé­ciales, a conti­nué à entrer dans la zone A et la bande de Gaza à volon­té, arrê­tant, bles­sant et tuant des Pales­ti­niens. Les puni­tions col­lec­tives par la démo­li­tion de mai­sons, les couvre-feux et la fer­me­ture de ter­ri­toires se sont éga­le­ment pour­sui­vies dans le cadre de l’ ”accord de paix”.

Peu après la signa­ture des accords d’Os­lo II en novembre 1995, le Pre­mier ministre israé­lien Yitz­hak Rabin a été assas­si­né. Nous ne sau­rons jamais s’il avait la volon­té — ou s’il aurait été capable — d’al­ler dans une direc­tion plus posi­tive. Ceux qui lui ont suc­cé­dé jus­qu’en 2000, Shi­mon Per­es, Ben­ja­min Neta­nya­hu et Ehud Barak, ont appor­té leur plein sou­tien à la poli­tique de trans­for­ma­tion de la Cis­jor­da­nie et de la bande de Gaza en deux méga­pri­sons, dans les­quelles la cir­cu­la­tion, l’ac­ti­vi­té éco­no­mique, la vie quo­ti­dienne et la sur­vie dépendent entiè­re­ment de la mau­vaise volon­té géné­rale d’Israël.

Les auto­ri­tés pales­ti­niennes, sous la direc­tion de Yas­ser Ara­fat, ont endu­ré ces sorts amers pour diverses rai­sons. Il était dif­fi­cile d’a­ban­don­ner le sem­blant de pou­voir pré­si­den­tiel, un cer­tain sens de l’in­dé­pen­dance dans cer­tains aspects de la vie et, sur­tout, la croyance naïve qu’il s’a­gis­sait d’un état de fait pas­sa­ger, qui serait rem­pla­cé par un accord final garan­tis­sant la sou­ve­rai­ne­té pales­ti­nienne (il faut tou­te­fois noter que ces auto­ri­tés ont signé un accord qui ne men­tionne, dans aucun docu­ment offi­ciel, la créa­tion d’un État pales­ti­nien indépendant).

Le mirage de Camp David

Pen­dant un bref ins­tant en 1999, il sem­blait y avoir une cer­taine base d’op­ti­misme. Le gou­ver­ne­ment de droite de Ben­ja­min Neta­nya­hu a été sui­vi par un gou­ver­ne­ment diri­gé par le lea­der tra­vailliste Ehud Barak. M. Barak a décla­ré son enga­ge­ment envers l’ac­cord et sa volon­té d’en ache­ver la mise en œuvre. Cepen­dant, après avoir rapi­de­ment per­du la majo­ri­té à la Knes­set, il s’est empres­sé, avec le pré­sident amé­ri­cain Bill Clin­ton — alors impli­qué dans le scan­dale Lewins­ky — de convo­quer Yas­ser Ara­fat à un som­met capri­cieux à l’é­té 2000.

Le gou­ver­ne­ment israé­lien a recru­té un grand nombre de spé­cia­listes et a pré­pa­ré des mon­tagnes de docu­ments avec un seul objec­tif : impo­ser l’in­ter­pré­ta­tion d’Is­raël d’un accord final avec Ara­fat. Selon ses spé­cia­listes, la fin du conflit impli­que­rait l’an­nexion de grandes colo­nies à Israël, une capi­tale pales­ti­nienne dans la ville d’A­bou Dis et un État démi­li­ta­ri­sé, sou­mis au contrôle et à la direc­tion israé­liens en matière de sécu­ri­té. L’ac­cord final ne com­por­tait aucune réfé­rence sérieuse au droit au retour et, bien sûr, comme dans le cas des accords d’Os­lo, il igno­rait tota­le­ment le peuple pales­ti­nien vivant en Israël.

La par­tie pales­ti­nienne a recru­té l’Ins­ti­tut Adam Smith à Londres pour l’ai­der à pré­pa­rer ce som­met pré­ci­pi­té. Ils ont pro­duit quelques docu­ments qui, de toute façon, n’ont été jugés per­ti­nents ni par Barak ni par Clin­ton. Ces deux mes­sieurs étaient pres­sés de conclure le pro­ces­sus en deux semaines, dans l’in­té­rêt de leur propre sur­vie politique.

Tous deux avaient besoin d’une vic­toire rapide dont ils pou­vaient se van­ter (on peut pen­ser ici à la ges­tion catas­tro­phique de la pan­dé­mie de COVID-19 par Donald Trump et à la paix d’Is­raël avec les Émi­rats arabes unis, ven­due comme un grand triomphe par son gou­ver­ne­ment). Comme le temps était comp­té, ils ont pas­sé les deux semaines à exer­cer une pres­sion énorme sur Ara­fat pour qu’il signe un accord pré­pa­ré à l’a­vance en Israël.

Ara­fat a fait valoir qu’il avait besoin d’une conquête tan­gible à mon­trer lors de son retour à Ramal­lah. Il espère pou­voir annon­cer, à tout le moins, l’ar­rêt des colo­nies et/ou la recon­nais­sance de Jéru­sa­lem, et peut-être une com­pré­hen­sion de prin­cipe de l’im­por­tance du droit au retour pour la par­tie pales­ti­nienne. Barak et Clin­ton ont com­plè­te­ment igno­ré leur situa­tion. Avant le départ d’A­ra­fat pour la Pales­tine, les deux diri­geants l’ont accu­sé d’être un belliciste.

 

La deuxième Intifada

Après son retour, Ara­fat — comme le séna­teur George Mit­chell l’a rap­por­té plus tard — a été très pas­sif et n’a pas pré­vu de mesures dras­tiques telles qu’un sou­lè­ve­ment. Les ser­vices de sécu­ri­té israé­liens ont infor­mé leurs diri­geants poli­tiques qu’A­ra­fat fai­sait tout son pos­sible pour paci­fier la par­tie la plus mili­tante du Fatah, et qu’il espé­rait tou­jours trou­ver une solu­tion diplomatique.

Ceux qui entou­raient Ara­fat avaient le sen­ti­ment d’a­voir été tra­his. Il régnait une atmo­sphère d’im­puis­sance jus­qu’à ce que le chef de l’op­po­si­tion israé­lienne, Ariel Sha­ron, se rende sur l’Es­pla­nade des Mos­quées (Haram esh-Sha­rif). Le com­por­te­ment de Sha­ron a déclen­ché une vague de mani­fes­ta­tions, à laquelle l’ar­mée israé­lienne a répon­du avec une bru­ta­li­té par­ti­cu­lière. L’ar­mée avait récem­ment été humi­liée par le mou­ve­ment Hez­bol­lah au Liban, qui a for­cé l’ar­mée Israé­lienne à se reti­rer du Sud-Liban, éro­dant ain­si son pou­voir de dissuasion.

La police pales­ti­nienne a déci­dé qu’elle ne pou­vait pas résis­ter, et le sou­lè­ve­ment a été mili­ta­ri­sé. Elle s’est répan­due en Israël, où une police raciste à la gâchette facile a mon­tré avec quel calme elle pou­vait tuer des mani­fes­tants qui étaient citoyens de l’É­tat d’Israël.

Les ten­ta­tives de groupes pales­ti­niens tels que le Fatah et le Hamas de répondre par des atten­tats sui­cides et des repré­sailles israé­liennes — qui se sont ter­mi­nées par la tris­te­ment célèbre opé­ra­tion “Bou­clier défen­sif” en 2002 — ont conduit à la des­truc­tion de villes et de vil­lages et à de nou­velles expro­pria­tions de terres par Israël. Une autre réponse a été la construc­tion d’un mur de type apar­theid qui a sépa­ré le peuple pales­ti­nien de ses entre­prises, de ses champs et de ses centres d’ac­ti­vi­té quotidienne.

Israël a effec­ti­ve­ment réoc­cu­pé la Cis­jor­da­nie et la bande de Gaza. En 2007, les cartes A, B et C de la Cis­jor­da­nie ont été res­tau­rées. Après le retrait d’Is­raël de Gaza, le Hamas a pris le pou­voir et le ter­ri­toire est assié­gé depuis lors.

 

De ses cendres

Cer­taines per­son­na­li­tés poli­tiques sont convain­cues qu’elles ont bri­sé l’es­prit pales­ti­nien. Vingt-sept ans exac­te­ment après la signa­ture des accords d’Os­lo, la Mai­son Blanche a accueilli une nou­velle céré­mo­nie de sou­tien aux accords d’A­bra­ham, un accord de paix et de nor­ma­li­sa­tion entre Israël et deux États arabes, les Émi­rats arabes unis et Bahreïn.

Les prin­ci­paux médias amé­ri­cains et israé­liens affirment que c’est le der­nier clou dans le cer­cueil de la téna­ci­té pales­ti­nienne. Ils pensent que l’AP sera for­cée d’ac­cep­ter tout ce qu’Is­raël lui offre, car per­sonne ne peut l’ai­der au cas où elle rejet­te­rait la proposition.

Mais la socié­té pales­ti­nienne est l’une des plus jeunes et des plus ins­truites du monde. Le mou­ve­ment natio­nal pales­ti­nien s’est rele­vé des cendres de la Nak­ba et pour­rait le faire à nou­veau. Quelle que soit la puis­sance de l’ar­mée israé­lienne et quel que soit le nombre d’autres États arabes qui signent des trai­tés de paix avec Israël, l’É­tat juif conti­nue­ra d’exis­ter avec des mil­lions de Pales­ti­niens sous son contrôle sous un régime d’apartheid.

L’é­chec de Camp David en 2000 n’a pas été la conclu­sion d’un véri­table pro­ces­sus de paix. Il n’y a jamais eu de véri­table pro­ces­sus à cet égard depuis l’ar­ri­vée du mou­ve­ment sio­niste en Pales­tine à la fin du XIXe siècle ; il s’a­gis­sait plu­tôt de l’é­ta­blis­se­ment offi­ciel de la répu­blique d’Is­raël sous l’a­par­theid. Il reste à voir com­bien de temps le monde sera prêt à l’ac­cep­ter comme légi­time et viable, ou s’il accep­te­ra que la déio­ni­sa­tion d’Is­raël, avec la créa­tion d’un seul État démo­cra­tique pour abri­ter toute la Pales­tine his­to­rique, est la seule solu­tion viable à ce problème.