La Belgique refuse de faire face à son passé colonial

Com­mu­ni­qué de presse de Mémoire colo­niale et lutte contre les dis­cri­mi­na­tions suite à l’é­chec de la com­mis­sion par­le­men­taire sur le pas­sé colo­nial de la Belgique.

La mon­tagne qui devait accou­cher d’un sou­ri­ceau, n’a fina­le­ment accou­ché de rien : aucune recom­man­da­tion poli­tique n’a pu être votée par la Com­mis­sion spé­ciale “pas­sé colo­nial”. Les masques pro-colo­niaux de cer­tains par­tis poli­tiques sont tom­bés : le MR, Open VLD, CD&V, NV‑A, Vlaams Belang ont publi­que­ment démon­tré leur posi­tion­ne­ment idéo­lo­gique face à la véri­té fac­tuelle et his­to­rique du sys­tème colo­nial belge au Congo, Rwan­da et Burundi.

Ce lun­di 19 décembre, les par­le­men­taires devaient tenir leur der­nière réunion afin de se pro­non­cer sur les recom­man­da­tions qui devaient éma­ner de cette com­mis­sion et ce, dans un contexte de négo­cia­tions ten­du depuis plu­sieurs semaines en rai­son du désac­cord pro­fond entre les dif­fé­rents par­tis poli­tiques sur la ques­tion des excuses à pré­sen­ter par l’État belge pour le sys­tème colo­nial et les innom­brables crimes per­pé­trés sous celui-ci. Faute d’accord sur cette ques­tion, les par­tis poli­tiques de droite ont déci­dé de quit­ter la salle ren­dant ain­si impos­sible le pas­sage au vote des recom­man­da­tions y com­pris celle des excuses.

Iro­nie de l’actualité, alors que la Com­mis­sion spé­ciale belge patau­geait encore sur la ques­tion des excuses consi­dé­rée tant par la socié­té civile que les experts comme étant le mini­mum néces­saire afin d’entamer un tra­vail de déco­lo­ni­sa­tion sérieux, au même moment, le Pre­mier ministre des Pays-Bas pré­sen­tait les excuses offi­cielles du gou­ver­ne­ment pour le rôle de l’État néer­lan­dais dans l’esclavage et qua­li­fiait celui-ci de « crime contre l’humanité ».

Après 2 rap­ports d’experts, 300 audi­tions de militant.e.s et d’experts prou­vant l’existence d’un consen­sus scien­ti­fique et his­to­rique sur la nature cri­mi­nelle, vio­lente et déshu­ma­ni­sante du sys­tème colo­nial, des par­tis poli­tiques belges et leurs com­plices dans l’ombre dont le Palais Royal, ont déci­dé de faire fi de la véri­té his­to­rique au pro­fit d’une idéo­lo­gie nos­tal­gique de colo­ni­sa­tion en refu­sant de pré­sen­ter des excuses pour le sys­tème colo­nial et d’envisager des réparations.

Bien que ce scé­na­rio de fin était pré­vi­sible il n’en reste pas moins indi­geste : cette Com­mis­sion (dont la mise en place a été for­cée par la mobi­li­sa­tion “Black Lives Mat­ter” elle-même venue don­ner un coup d’accélérateur aux mou­ve­ments mili­tants de déco­lo­ni­sa­tion pré­exis­tants) nous démontre la volon­té des hautes sphères d’opérer un sta­tu quo voire un retour en arrière sur la ques­tion colo­niale alors que la socié­té et cer­tains niveaux de pou­voir opèrent déjà un tra­vail sur la colo­ni­sa­tion et la déco­lo­ni­sa­tion depuis plu­sieurs années.

Ceux qui refusent ain­si de s’excuser pour des crimes dont l’existence, l’horreur et la gra­vi­té sont una­ni­me­ment recon­nues par tous les experts qua­li­fiés et la socié­té civile, nous disent qu’aujourd’hui, si ces crimes étaient à refaire, ils les refe­raient sans scrupules.

Cette fin en queue de pois­son est un manque de res­pect total envers les Rwandais.e.s, Burundais.e.s et Congolais.e.s, pour les souf­frances subies par leurs ancêtres durant la colo­ni­sa­tion de leurs ter­ri­toires par la Bel­gique. Il s’agit éga­le­ment d’un manque de res­pect envers les Afrodescendant.e.s vivant en Bel­gique pour qui le racisme et les dis­cri­mi­na­tions sont le quo­ti­dien, phé­no­mènes qui, comme nous le rap­pe­lons, sont le pro­duit de cette his­toire coloniale.

Le pas­sé colo­nial n’a de pas­sé que le nom, comme nous le rap­pe­lait la ten­ta­tive ignoble de vente de trois crânes d’ancêtres Afri­cains par l’hôtel de vente Van­der­kin­dere il y a quelques semaines. La fin de cette com­mis­sion nous le prouve encore aujourd’hui : en Bel­gique, bien que la colo­ni­sa­tion belge soit his­to­ri­que­ment et fac­tuel­le­ment éta­blie, elle est avant tout une bataille poli­tique et idéo­lo­gique. Cette bataille, nous la mène­rons sans relâche et sans com­pro­mis afin que la véri­té his­to­rique et la jus­tice mettent en échec la pro­pa­gande colo­niale et les nos­tal­giques de la colonisation.

La colo­ni­sa­tion est un crime contre l’humanité devant faire l’objet d’excuses au mini­mum et de réparations !

NB : Nous publie­rons pro­chai­ne­ment des obser­va­tions plus détaillées sur le dérou­le­ment de cette commission.