Fictives catastrophes

Bernard Reber: il s’agit de choisir ensemble la fin du monde contre la fin du monde

Par Flo­rence Quinche

FIN DU MONDE (IV) Des­truc­tion de la pla­nète ou de l’humanité, catas­trophes en tous genres et récits post-apo­ca­lyp­tiques foi­sonnent dans la lit­té­ra­ture de science-fic­tion, qui ques­tionne les enjeux du futur. Tour d’horizon.

Long­temps consi­dé­rée comme mineure, la lit­té­ra­ture de science-fic­tion (SF) rend acces­sible à cha­cun la réflexion sur les choix scien­ti­fiques, tech­no­lo­giques, indus­triels et éco­no­miques qui construisent nos socié­tés de demain. Elle offre en quelque sorte une voix au simple citoyen, auteur et lec­teur, là où sou­vent seule celle des experts est enten­due. Lorsqu’elle s’éloigne du simple diver­tis­se­ment, il s’agit donc d’une lit­té­ra­ture pro­fon­dé­ment poli­tique au sens noble du terme – de la polis, de la cité, ou si l’on pré­fère du monde com­mun, par­ta­gé. Or en déve­lop­pant notam­ment une grande diver­si­té de thé­ma­tiques autour de la fin du monde – ou d’un monde –, elle déploie sous nos yeux les mul­tiples alter­na­tives, que nos choix d’aujourd’hui peuvent générer.

wellsok.jpgDans Je suis une légende (1954), Richard Mathe­son raconte la fin de l’humanité telle que nous la connais­sons, vic­time d’une pan­dé­mie qui trans­forme les hommes en vam­pires san­gui­naires. Le roman a été adap­té plu­sieurs fois au ciné­ma. Ici, la ver­sion de Fran­cis Law­rence, avec Will Smith (USA, 2007)

« Alors, le Mar­sien qui se trou­vait le plus près de nous éle­va son tube et le déchar­gea, à la manière d’un canon, avec un bruit sourd qui fit trem­bler le sol. » 

Illus­tra­tion de Hen­rique Alvim-Cor­rêa, pour une édi­tion de luxe de La Guerre des Mondes de Her­bert George Wells (Jette-Bruxelles, Ed. L. Van­damme & Co, 1906). Bat­te­rie d’une dizaine de tri­podes mar­tiens « bio­mé­ca­niques », conformes à l’es­prit de Wells. Coll. Agence martienne.

ANTICIPATION DES POSSIBLES

Dans son ouvrage Pour un catas­tro­phisme éclai­ré (2002), l’économiste-philosophe et poly­tech­ni­cien Jean-Pierre Dupuy met­tait en avant l’importance de pen­ser le temps en direc­tion du futur comme un ensemble de pos­sibles que nous avons à ima­gi­ner, plu­tôt qu’une suite d’événements accom­plis. La science-fic­tion est pré­ci­sé­ment un genre qui favo­rise ce type de réflexion pros­pec­tive. L’anticipation est par ailleurs un élé­ment essen­tiel de l’éthique et de toute réflexion sur l’action, qui évite de sim­ple­ment réagir aux évé­ne­ments une fois qu’ils ont déjà eu lieu. Par le filtre du récit, la SF donne ain­si corps aux pos­sibles, qui appa­raissent avec toute la com­plexi­té et les nuances que per­met la lit­té­ra­ture. Elle fait une large place au long terme, aux inter­dé­pen­dances mul­tiples, aux incer­ti­tudes et aux sen­ti­ments humains face aux tech­no­lo­gies. Genre popu­laire sou­vent à très grand tirage, ins­pi­rant régu­liè­re­ment le ciné­ma, la SF offre à ces thé­ma­tiques une porte d’entrée pri­vi­lé­giée dans l’espace public. Et alors que nos choix de socié­té sont fré­quem­ment liés à l’usage et au déve­lop­pe­ment des tech­no­lo­gies, les phi­lo­sophes prennent de plus en plus des œuvres de fic­tion comme source de discussion.

Les récits de SF déclinent la fin du monde de plu­sieurs manières (lire en page sui­vante). Sou­vent, ce ne sont pas les repré­sen­ta­tions spec­ta­cu­laires de des­truc­tions qui en font l’intérêt, mais plu­tôt les inter­ro­ga­tions sur les causes, les trans­for­ma­tions sociales et envi­ron­ne­men­tales qui conduisent à cette fin. Toute une frange de la lit­té­ra­ture de SF porte sur des uni­vers post-apo­ca­lyp­tiques, où indus­tria­li­sa­tion exces­sive, agri­cul­ture inten­sive et sur­con­som­ma­tion deviennent les mul­tiples élé­ments déclen­cheurs de la catas­trophe annon­cée. La com­plexi­té des inter­ac­tions et le cumul des actions à petite échelle engendrent des consé­quences irréversibles.

INTERROGATIONS ETHIQUES

Reste que la fin des temps n’apparaît pas tou­jours comme une des­truc­tion totale de la pla­nète : elle se pré­sente sou­vent comme un bou­le­ver­se­ment radi­cal de nos condi­tions d’existence. De nom­breux auteurs ima­ginent un futur gan­gre­né par l’homme lui-même, sa consom­ma­tion et son mode de vie, un uni­vers si pol­lué qu’il en devient peu à peu inha­bi­table. Ces fins lentes, par­fois inter­mi­nables, laissent toute lati­tude pour ima­gi­ner l’existence pos­sible dans ces condi­tions extrêmes et explo­rer nos capa­ci­tés d’adaptation, psy­chiques et sociales.

Durant la Guerre froide, et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans les années 1960 – 70, nombre d’ouvrages de SF sont à la limite du mani­feste. Ain­si des textes met­tant en avant la menace nucléaire. Ils font écho aux nou­velles inter­ro­ga­tions de la socié­té, notam­ment sur la res­pon­sa­bi­li­té envers notre pla­nète et notre envi­ron­ne­ment, et sont en phase avec les réflexions de nom­breux penseurs.

En 1979, Le Prin­cipe res­pon­sa­bi­li­té, du phi­lo­sophe Hans Jonas, radi­ca­lise l’impératif d’interrogation éthique sur nos choix tech­no­lo­giques. En effet, dès l’apparition du nucléaire, la pos­si­bi­li­té de détruire toute vie humaine sur la pla­nète est deve­nue envi­sa­geable. Ce nou­veau pou­voir, inima­gi­nable jusqu’alors, engendre de nou­veaux devoirs : la pré­ser­va­tion même de l’espèce humaine et de la vie sur Terre relève désor­mais de la res­pon­sa­bi­li­té humaine.

Sous l’aspect d’un genre magni­fiant les puis­sances de l’homme, son intel­li­gence, ses com­pé­tences scien­ti­fiques et tech­niques, la SF révèle ain­si les fra­gi­li­tés de notre monde : un équi­libre natu­rel incer­tain, des har­mo­nies sociales pré­caires, une nature humaine en proie à une recons­truc­tion per­ma­nente. Face à ces périls, l’humanité appa­raît le plus sou­vent très dému­nie, mal­gré les magni­fiques pro­grès tech­no­lo­giques imaginés.

Dès le XIXe siècle, les pre­miers ouvrages de science-fic­tion (SF) men­tion­nant la fin du monde l’imaginent sous forme d’un évé­ne­ment mena­çant la Terre. Un phé­no­mène natu­rel (météo­rite, cata­clysme solaire) met l’existence de la vie ter­restre en péril, comme dans Le Choc des mondes (1933) de Phi­lip Gor­don Wylie et Edwin Bal­mer, où deux pla­nètes s’apprêtent à entrer en col­li­sion avec la Terre, ou dans Le Jour des trif­fides (1951) de John Wynd­ham, où toute l’humanité perd la vue à la suite d’une pluie d’éclats de comètes. Le dan­ger peut aus­si s’avérer plus mys­té­rieux, notam­ment lorsqu’il vient d’extra-terrestres ou de formes de vie incon­nues, qui le plus sou­vent convoitent les richesses et la fer­ti­li­té de la pla­nète bleue. La Guerre des mondes (1913) de H. G. Wells en donne un excellent exemple : d’immenses créa­tures, infi­ni­ment plus puis­santes que les hommes, cherchent à réduire à néant la civi­li­sa­tion humaine dans une guerre sans merci.

Le thème de l’hybris (ou déme­sure) tech­no­lo­gique, récur­rent en science-fic­tion, prend de mul­tiples formes. Dans les années 1930 – 50, c’est sur­tout la déshu­ma­ni­sa­tion géné­rée par la méca­ni­sa­tion et la robo­ti­sa­tion de la socié­té qui inquiètent, ain­si que le contrôle des indi­vi­dus par les pou­voirs éta­tiques. On pense à l’usage des tech­no­lo­gies de l’information par les régimes tota­li­taires, au Big Bro­ther ima­gi­né par George Orwell dans 1984 (1949).

CONFUSION ENTRE REEL ET VIRTUEL

René Bar­ja­vel met en scène, dans Ravage, une socié­té sou­dai­ne­ment pri­vée de toute tech­no­lo­gie som­brant dans le chaos et la vio­lence. Dans ce roman contro­ver­sé, écrit en 1943 sous l’Occupation, la dis­pa­ri­tion de l’électricité et de tout confort moderne plonge l’humanité dans la bar­ba­rie. Le seul salut sera le retour à une exis­tence agraire et pré-indus­trielle. Cette cri­tique du pro­grès tech­no­lo­gique s’avère cepen­dant ambi­va­lente, qui sou­ligne les dan­gers d’une trop grande dépen­dance à la science tout en illus­trant les effets rava­geurs de sa dis­pa­ri­tion subite. Dans cette veine, on trouve des ouvrages qui dia­bo­lisent le pro­grès, prô­nant un nos­tal­gique retour en arrière.
Ailleurs, cette hybris de la tech­no­lo­gie et de la consom­ma­tion d’énergies conduit à une pol­lu­tion mor­ti­fère, voire à une déser­ti­fi­ca­tion de la pla­nète. Dans Ciel brû­lant de minuit (1994), de Robert Sil­ver­berg, la terre constam­ment balayée de nuages toxiques est si conta­mi­née que ses habi­tants fuient vers d’autres pla­nètes. Le cou­rant cyber­punk des années 1980 va dépla­cer ces peurs du côté de l’informatisation de la socié­té, du déploie­ment des réseaux et de la confu­sion entre mondes réels et vir­tuels. Com­ment la tech­no­lo­gie trans­forme-t-elle nos per­cep­tions et notre conscience de la réa­li­té ? Neu­ro­man­cien, une dys­to­pie de William Gib­son (1984), met en scène une socié­té où les humains sont inti­me­ment connec­tés à une matrice infor­ma­tique par leur sys­tème ner­veux. La « fin du monde » devient para­doxa­le­ment la décon­nexion, le rejet hors de la matrice. Les films Matrix et Exis­tenz, ou plus récem­ment Incep­tion, illus­trent bien ces inter­ro­ga­tions contem­po­raines sur les effets de notre connexion qua­si per­ma­nente à des uni­vers virtuels.

LA GUERRE DES ESPECES

D’autres auteurs ima­ginent plu­tôt la fin de la domi­na­tion humaine, rem­pla­cée et mise en péril par d’autres espèces. Dans La Pla­nète des singes (1963), Pierre Boulle évoque une pla­nète domi­née par une civi­li­sa­tion de grands singes intel­li­gents et doués de parole où l’homme ne se com­porte plus que comme un ani­mal pri­mi­tif, ayant per­du l’usage de la parole. Si le roman semble explo­rer, dans un pre­mier temps, un autre ordre d’évolution, on découvre peu à peu que les singes ont en fait, dans un loin­tain pas­sé, imi­té l’homme puis pris sa place dans la chaîne de l’évolution. Il s’agit bien d’une guerre des espèces, comme l’imagine James Her­bert dans L’Empire des rats (1984),où l’homme a pra­ti­que­ment dis­pa­ru après un cata­clysme nucléaire. Londres, rasée et conta­mi­née, est le ter­ri­toire d’énormes rats mutants alors qu’une poi­gnée d’humains tente de sur­vivre dans des abris souterrains.

Dans ces ver­sions de la fin de l’humanité, l’être humain est la plu­part du temps res­pon­sable de sa propre des­truc­tion. Les rats mons­trueux et agres­sifs d’Herbert sont issus d’animaux de labo­ra­toire géné­ti­que­ment modi­fiés. L’auteur met­tait d’ailleurs en cause, dans son pre­mier ouvrage Les Rats (1974). les pou­voirs publics qui avaient délais­sé cer­tains quar­tiers pauvres de Londres, foyers de l’épidémie où pro­li­fé­raient les dan­ge­reux rongeurs.

Dans Demain les chiens (1944), Clif­ford D. Simak aban­donne la pers­pec­tive anthro­po­cen­trée : ici l’humanité n’est plus qu’une légende que se trans­mettent les chiens, deve­nus l’espèce domi­nante. La dis­pa­ri­tion de l’humanité n’est plus une menace mais un état de fait, dont l’aspect dra­ma­tique s’atténue par la magie du conte. Divers cou­rants de pen­sée appa­rus dans les années 1970, dont l’antispécisme, ont emprun­té cette voie, cher­chant à don­ner à l’homo sapiens sapiens la même valeur éthique qu’aux ani­maux. Ces phi­lo­sophes (Richard Ryder, Peter Sin­ger) sont à l’origine des mou­ve­ments de libé­ra­tion animale.

Cette extinc­tion de l’humanité n’apparaît pas tou­jours de façon dra­ma­tique ; dans La Forêt de cris­tal (1966) de J. G. Bal­lard, un monde miné­ral magni­fique pétri­fie toute végé­ta­tion et se sub­sti­tue peu à peu à la vie orga­nique. Cette fin du monde n’a cepen­dant rien de tra­gique mais semble étran­ge­ment apai­sée, le nou­vel état sem­blant plus beau et har­mo­nieux que l’ancien.

VERS UN NOUVEL HOMME ?

La dis­pa­ri­tion ou la mise en péril de l’humanité n’est pas néces­sai­re­ment le fait de la lutte entre espèces concur­rentes. On peut ima­gi­ner des modi­fi­ca­tions natu­relles plus ou moins dévas­ta­trices comme dans Je suis une légende (1954) de Richard Mathe­son, uni­vers apo­ca­lyp­tique où une épi­dé­mie trans­forme les humains en monstres anthro­po­phages. La modi­fi­ca­tion de l’espèce par l’homme lui-même peut s’avérer tout aus­si dan­ge­reuse, les chi­mères, homme-machine et autres hybri­da­tions étant un thème typi­que­ment cyberpunk.

Dans les années 1990, la ques­tion de l’identité per­son­nelle se pose dif­fé­rem­ment avec les pre­miers clo­nages d’animaux : qu’adviendrait-il si une telle tech­no­lo­gie était uti­li­sée pour l’homme ? Met-on en péril l’humanité en chan­geant son mode de pro­créa­tion ? Les impacts sociaux, fami­liaux et poli­tiques des bio­tech­no­lo­gies sont ardem­ment ques­tion­nés, notam­ment dans un sous-genre de SF qui appa­raît à cette époque, le biopunk.
Mais les peurs évo­quées prennent leurs sources bien avant l’apparition des tech­no­lo­gies de la pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée, tant dans le mythe du Golem que dans celui de Fran­ken­stein, monstre pro­duit par la méde­cine. Dans ces récits, don­ner la vie arti­fi­ciel­le­ment ou la mani­pu­ler, à l’image du Créa­teur, relève d’un sacri­lège qui peut être source de mort et de des­truc­tion de l’espèce. Les nou­velles mani­pu­la­tions géné­tiques pos­sibles, ani­males et végé­tales, conduisent de nom­breux auteurs à en ima­gi­ner les pos­si­bi­li­tés et les risques : une huma­ni­té ou une végé­ta­tion sté­riles et déna­tu­rées, ou encore la dis­pa­ri­tion d’un des genres. Ces thèmes font écho à la sul­fu­reuse confé­rence de Peter Slo­ter­dijk publiée dans Règles pour le parc humain (1999), où le phi­lo­sophe sug­gé­rait que l’amélioration de notre espèce relève d’un devoir de l’homme contem­po­rain et ne peut plus être lais­sée au simple hasard.


« Il s’agit plu­tôt de réflé­chir à la fina­li­té du monde »

Bernard_Reber.pngBer­nard Reber est direc­teur de recherche au Centre natio­nal de la recherche scien­ti­fique (CNRS), où il est direc­teur adjoint du Centre de recherche « Sens, éthique, socié­té », héber­gé par l’Université Paris Des­cartes. Auteur notam­ment de La Démo­cra­tie géné­ti­que­ment modi­fiée. Socio­lo­gies de l’évaluation des tech­no­lo­gies contro­ver­sées (Uni­ver­si­té Laval, 2011), il est spé­cia­liste de l’évaluation tech­no­lo­gique par­ti­ci­pa­tive – réunions d’experts et de citoyens –, des ques­tions de plu­ra­lisme éthique et du prin­cipe de pré­cau­tion. Entretien.

Pen­sez-vous que les démo­cra­ties sont condam­nées à attendre la fin du monde ?

Ber­nard Reber : Je pense au contraire que le temps est venu d’imaginer les ins­ti­tu­tions au sein des­quelles on peut débattre et confron­ter diverses fina­li­tés du monde que nous rece­vons en par­tage, pour choi­sir la fin qui per­mette de tenir le plus de fins ensemble. On pour­rait dire qu’il s’agit de choi­sir ensemble la fin du monde contre la fin du monde : cette for­mule énig­ma­tique et pro­vo­ca­trice prend à contre-pied les dis­cours sur la fin du monde, pré­sen­tée comme un terme iné­luc­table et catas­tro­phiste, subie pas­si­ve­ment. En effet, rien de plus détes­table qu’une fin qui intro­duise des irré­ver­si­bi­li­tés telles qu’elle anni­hile les autres.

Les œuvres de science-fic­tion peuvent-elles avoir un impact sur le débat poli­tique à pro­pos des sciences et technologies ?

– Oui, d’une cer­taine manière, car elles peuvent mar­quer les esprits par leurs exa­gé­ra­tions, voire déployer des pos­sibles que nous n’aurions pas pen­sés. Nous sommes tou­jours en déca­lage par rap­port à la des­crip­tion du monde telle que les sciences nous l’offrent. D’une part, elles sont par­cou­rues de contro­verses et évo­luent et, d’autre part, leurs pré­dic­tions pour des sys­tèmes com­plexes sont incer­taines. Pen­sons de façon tri­viale aux pré­dic­tions météorologiques.

En revanche, au-delà de l’habillage tech­no­lo­gique de la SF, les sciences de la nature ou de l’ingénieur ne sont pas les actrices prin­ci­pales des œuvres de fic­tion, dont le cœur est plu­tôt une sorte de morale de l’histoire ou des juge­ments anthro­po­lo­giques et poli­tiques. De ce point de vue, l’imagination morale des œuvres de SF est assez pauvre et trop peu plu­ra­liste. Elles peuvent offrir des scé­na­rios pas­sion­nants et inédits, ima­gi­ner des situa­tions nou­velles, mais sur le fond elles portent sou­vent un juge­ment un peu réduc­teur sur l’homme. Les expé­riences de confé­rences de citoyens où ces ques­tions sont débat­tues, par exemple, ou les ouvrages de phi­lo­so­phie morale sont plus féconds.

Le débat entre experts et citoyens sur les thé­ma­tiques envi­ron­ne­men­tales est-il voué à l’échec ?

– Plus de trente ans d’innovation dans le domaine ins­ti­tu­tion­nel ont démon­tré l’inverse, notam­ment lorsque citoyens et experts sont réunis pour éva­luer des tech­no­lo­gies contro­ver­sées au sein de pro­cé­dures poli­tiques nou­velles. En ce qui concerne la démo­cra­tie plus clas­sique, la der­nière ini­tia­tive suisse sur le génie géné­tique – accep­tée alors que peu de temps avant le par­le­ment avait renon­cé à un mora­toire sur les OGM – dément les démo­cra­ti­co-scep­tiques en matière envi­ron­ne­men­tale. On peut débattre démo­cra­ti­que­ment à pro­pos des nou­velles tech­no­lo­gies sans tom­ber dans des réac­tions de rejet. 

PROPOS RECUEILLIS PAR FQE

Fin du monde.

Selon cer­taines inter­pré­ta­tions du calen­drier maya, le ciel pour­rait nous tom­ber sur la tête le 21 décembre pro­chain. En atten­dant, Le Mag explore cet été l’i­ma­gi­naire de la fin du monde sous toutes ses facettes – cultu­relles, sociales, scien­ti­fiques et mythologiques.

Lire.

• Alain Badiou, Tho­mas Béna­touil et al., Matrix, machine phi­lo­so­phique, Ed. Ellipses, 2003.

• Gil­bert Hot­tois (dir.), Phi­lo­so­phie et science-fic­tion, Ed. Vrin, 2000.

• Phi­lippe K. Dick, His­toires de fins du monde (antho­lo­gie SF), Le livre de poche, 1991.

Source : le cour­rier