Entretien d’Alaa Talbi, réalisée par Anglade Amédée
Le 26 mars 2013 s’ouvre le forum social mondial de Tunis (FSM). Pendant quatre jours, cet événement donnera la possibilité à toutes les associations de la société civile de Tunisie et du monde entier de se rencontrer, échanger, construire ensemble. 50 000 à 70 000 personnes sont attendues sur le campus universitaire d’el Manar, au nord de Tunis. Rencontre avec Alaa Talbi, Membre du comité préparatoire du FSM.
Trois ans après la révolution, la vie reprend son cours malgré les problématiques sécuritaires à la frontière libyenne et à la frontière algérienne. “On n’a pas peur de la montée des salafistes ! Cela ne nous menacera pas le bon déroulement du FSM”, assure Alaa Talbi, le chef de projet du FSM 2013. “La Tunisie souffre de problèmes plus urgents à l’heure actuelle, sociaux et économiques”.
Ce Forum Social Mondial est mené majoritairement par des grands acteurs tunisiens comme l’union des syndicats, l’union générale des travailleurs tunisiens, l’association Tunisienne des Femmes démocrates, Le Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux, l’Union des diplômés chômeurs sans oublier le soutien et la présence du Conseil Africain et Forum Social Maghreb Machraq. Après des heures de négociations, ce Forum a obtenu un appui technique et logistique du gouvernement tunisien. “On a sollicité le ministère des transports pour nos déplacements, le ministère du tourisme pour les hébergements… Mais en aucun cas, sa participation ne lui donne un droit de regard sur l’organisation, ou sur le contenu direct du FSM”, affirme Alaa.
Plusieurs temps forts sont annoncés pour cette nouvelle édition du rassemblement mondial de la société civile, avec en premier lieu une mobilisation massive des femmes. Une grande marche de femmes du monde entier clôturera d’ailleurs les quatre jours de mobilisation tandis que tout le long de l’événement une commission de femme, “dynamique femme”, propose des débats et rencontres. Autre temps fort : l’arrivée d’une caravane de sans-papiers dans la capitale tunisienne pour l’ouverture du forum. (voir Afriscope-)
Si Tunis est le point névralgique de la manifestation, Alla Talbi insiste pour parler de la participation des quartiers populaires et des habitants des villes isolées du pays. Deux grands quartiers populaires. Ettadhamen-Mnihla et Djebel Lahmar, accueilleront notamment des activités culturelles. Tandis que grâce à la démarche open FSM, les villes marginalisées profiteront aussi des activités directement ou indirectement de ce FSM.
Open FSM est avant tout, pour le FSM, un moyen de sensibilisation et mobilisation. Un moyen de décentraliser la mobilisation. Pouvoir aller dans des endroits inaccessibles politiquement et échanger sur les problématiques et difficultés quotidiennes et faire le lien avec le FSM qui se déroulera en même temps sur place.
Une manière aussi de casser les préjugés qui sont souvent le lot de ce qui est dit sur la Tunisie, comme le regrette Alaa. “Les médias français par exemple, n’ont pas une idée claire de ce qui se passe en Tunisie. Le fait de rester sur l’état sécuritaire et la montée des salafistes n’est pas très honnête par rapport à ce qui se passe réellement. Il y a aussi une démarche, un consensus qui est en cours. Il faudrait aussi valoriser et soutenir cette société civile émergente. Les préoccupations aujourd’hui sont d’ordre socio-économique. C’est dans ce sens qu’on trouvera le chemin pour la sécurité et réussir notre période de transition démocratique”.
La lutte sociale continue dans toutes les régions tunisiennes. Le mois dernier, une grève générale a été déclenchée dans le bassin minier. Dans le nord-ouest des contestations sociales explosent également, au Kef et à Seliana.
Et Alaa Talbi de conclure, “avec ce forum, le peuple espère un renforcement du pouvoir — notamment politique — de la société civile. Elle a joué un rôle essentiel, en Tunisie, dans la révolution. Je l’ai dit et je le répète encore, martèle Alaa, le peuple n’a rien fait encore. Nous devons résister. Il faut continuer à se battre. Partout un processus est en marche. Aucune révolution ne se fait en seulement un ou deux ou trois ans. La société civile, qui a joué un rôle pendant le processus révolutionnaire ne doit rien lâcher”.
Source de l’article : africultures