Elle s’appelle Ninoska Pérez-Castellón et vous n’aviez jamais entendu parler d’elle jusqu’à cet instant. Moi-même j’ignorais tout d’elle jusqu’au 9 octobre 2017 à la mi-journée. Je l’ai découverte en navigant sur la toile pour voir ce que les médias racontaient sur l’anniversaire de l’assassinat du Ché. Et je suis tombé sur Ninoska. Elle vaut le détour.
Ladies and gentlemen, introducing …Ninoska la Gusana !
Ninoska version twitter…
Vendredi dernier, An Post, la poste de la République d’Irlande a émis un timbre d’une valeur d’1 € à l’effigie d’Ernesto Ché Guevara, à l’occasion du 50ème anniversaire de son assassinat à La Higuera, en Bolivie. Le timbre a été dessiné par l’artiste Jim Fitzpatrick. L’Irlande a ainsi voulu rendre hommage au Ché, dont un ancêtre, Patrick Lynch, était originaire du Comté de Galway, dans l’île verte.
Mais ce timbre n’a pas été apprécié de tout le monde. Ninoska a été l’une des premières à se déchaîner, sur twitter, facebook et ailleurs : « Scandale ! Comment l’Irlande ose-t-elle honorer un tel meurtrier de masse ? » Les amis trumpolâtres de Ninoska se sont joints à la curée, accusant le Ché de tout : homophobie, misogynie, racisme, exécutions sommaires (16 000 !), emprisonnements arbitraires (100 000 !), bref, un nouvel Hitler. Quelques politiciens de droite irlandais se sont joints au chœur, pour appeler la Poste irlandaise à retirer le timbre ou, sinon, les clients à le boycotter.
Cette tempête dans un verre d’eau est de toute façon franchement ridicule : qui donc achète encore des timbres en Irlande, à part quelques collectionneurs nostalgiques du courrier papier et timbré ? Je me souviens que la poste autrichienne avait émis, de concert avec la poste israélienne, un timbre en l’honneur de Theodor Herzl, le père fondateur du sionisme, il y a quelques années. Je m’étais promis de m’en procurer. Je dus déchanter : aucun des bureaux de poste de Vienne visités ne détenait un seul de ces timbres, qui restèrent donc virtuels.
Mais la question n’est pas là : les gusanos – les vers de terre, comme les Cubains appellent les contre-révolutionnaires de Miami et banlieue – ne ratent pas une occasion de cracher sur la révolution cubaine. L’anniversaire de l’exécution du Ché a été marqué par une grande partie des médias mondiaux de manière plutôt positive et ce saint laïc est généralement respecté, beaucoup plus que Fidel ou Raúl Castro. Nos gusanos sont donc à l’affût du moindre prétexte pour faire du raffut. Le timbre irlandais était une occasion à ne pas rater. Et voilà notre Ninoska partie en croisade au quart de tour. Certains journaux irlandais, dont les rédacteurs devaient hier encore tout ignorer d’elle, la présentant comme une « éminente journaliste », une « experte de Cuba », j’ai fait une petite enquête rapide. Les résultats, accablants, confirment ma première impression : beurk, beurk, beurk.
L’enveloppe du premier jour, avec une citation d’Ernesto Guevara Lynch, le père du Che :”…dans les veines de mon fils coulait le sang des rebelles irlandais”
Lucrecia Ninoska Pérez Castellón est née à La Havane le 15 mars 1950 et est arrivée à Miami, Floride, le 5 juin 1959, sa famille fuyant la Révolution. Ses frères et ses oncles prirent part à l’invasion ratée de la Baie bien-nommée des Cochons en avril 1961. Ses parents devaient rêver qu’elle deviendrait une nouvelle Greta Garbo, d’où ce prénom ridicule, version hispanisée (ou écorchée ?) de Ninotchka, titre du célèbre film d’Ernst Lubitsch de 1939.
En 1987, elle a épousé un autre gusano, Roberto Martin Pérez, fils d’un officier du dictateur Batista et lui-même condamné pour un complot anticastriste fomenté par Trujillo, le dictateur de Saint-Domingue, puis libéré sur intervention du Panaméen Noriega. Ninoska et son époux ont créé le Cuban Liberty Council en octobre 2001, après avoir quitté la Fondation nationale cubaine américaine, qu’ils jugeaient trop molle à l’égard de la « dictature castriste ». Ninoshka a connu son heure de gloire en janvier 2009 : huit jours avant de céder la place à Barack Obama, George Bush Junior himself a appelé Radio Mambi pour dire à Ninoshka qu’il regrettait de ne pas avoir pu appliquer le plan pour un « Cuba post-Castro » que Ninoshka and Co. lui avaient présenté.
Radio Mambi 710 AM : c’est là que Ninoshka sévit depuis des années, animant une émission pour les ménagères gusanas revanchardes, qui lui a valu entre autres de se voir pratiquement citer à l’ordre de la nation par le Congressman supergusano Mario Diaz-Balart, qui a salué en elle « a distinguished radio journalist, artist and community activist of South Florida ». Bref, les petits cochons s’amusent comme ils peuvent.
Ah ! J’allais oublier : Ninoska est aussi artiste-peintre, aquarelliste néo-primitiviste. Ses œuvres impérissables sont généralement vendues au profit d’associations humanitaires. Ne voulant pas dénaturer cet article par des reproductions de ses madones nostalgiques, je vous laisse les regarder ici.
Un dernier mot sur Radio Mambi 710 AM : c’est las plus grosse radio hispanophone des USA. Elle est contrôlée par le monstre tentaculaire mexicain Televisa, par le biais du groupe Univision, qui fait dans le multimédia au sens très large : ça va de télévisions par câble à des radios FM en passant par la diffusion des DVD de Celia Cruz ou Pedro Infante, sans oublier la série Hablando solita (Celle qui parle toute seule), une série comic pour enfants, et Simplemente Delicioso (Simplement délicieux), une gamme de casseroles, services de table et autres épluche-légumes, en vente dans tous vos supermarchés favoris. Bon appétit.
Par Fausto Giudice
Source : Bastayekfi
merci à tlaxcala