La lutte de la coopérative PROLESA : du fromage, du lait, des paroles et des images pour alimenter le peuple

Du 11 au 19 février dernier, l’école populaire et latino-américaine de cinéma et télévision (EPLACITE) a été invitée par un militant membre de la coopérative, Leonardo Narváez, pour accompagner ce projet de média populaire. Thierry Deronne et Anne-Sophie Guillaume (membre de Zin TV, de Belgique) ont coordonné un atelier d'une semaine.

Tout au long de son his­toire, l’économie véné­zue­lienne a été domi­née par une infi­ni­té d’intermédiaires qui fixaient les prix ali­men­taires et spé­cu­laient sur les néces­si­tés de la popu­la­tion. Ce sont ceux-là même qui gèrent aujourd’hui l’achat d’un loge­ment pour mieux nous trom­per ensuite ou qui s’approprient le spectre radio­élec­trique pour vendre leurs pro­duits commerciaux.

L’association coopé­ra­tive PROLESA R.L. est emblé­ma­tique de l’effort de la révo­lu­tion boli­va­rienne pour se débar­ras­ser de ces « pieuvres ». Sur les flancs des Andes, dans le cam­pe­ment agri­cole Los Jabillos (Etat du Táchi­ra), cela n’a pas été facile de se défaire des ten­ta­cules de la puis­sante Nest­lé, une mul­ti­na­tio­nale qui s’est faite une spé­cia­li­té de divi­ser les com­mu­nau­tés et d’acheter les auto­ri­tés locales. Mais désor­mais, les pro­duc­teurs ne vendent plus leur lait à la mul­ti­na­tio­nale, ils dis­posent de leur propre laiterie.

Dans son avan­cée dif­fi­cile mais constante vers l’autonomie, et en dépit des contra­dic­tions au sein du groupe et le manque de res­sources, cette coopé­ra­tive se base sur le ren­for­ce­ment conti­nu de la for­ma­tion et de l’organisation. En témoigne la créa­tion d’une radio com­mu­nau­taire bap­ti­sée « Tier­ra Soli­da­ria 104.7 FM » dont l’antenne et les locaux se trouvent à deux pas de la fro­ma­ge­rie coopé­ra­tive. Pour ce faire, ils ont pu comp­ter sur l’aide de la CONATEL (auto­ri­té des télé­com­mu­ni­ca­tions) et du MINCI (minis­tère pré­si­den­tiel). Cette radio a per­mis de réveiller, chez ces jeunes agri­cul­teurs, la voca­tion de com­mu­ni­cant popu­laire, même si chez les adultes, la peur de par­ler et de par­ti­ci­per demeure.

taller_cooperativa_Prolesa_2.jpgDu 11 au 19 février der­nier, l’école popu­laire et lati­no-amé­ri­caine de ciné­ma et télé­vi­sion (EPLACITE) a été invi­tée par un mili­tant membre de la coopé­ra­tive, Leo­nar­do Narváez, pour accom­pa­gner ce pro­jet de média popu­laire. Thier­ry Deronne et Anne-Sophie Guillaume (membre de Zin TV, de Bel­gique) ont coor­don­né un ate­lier. Ils ont ain­si pu trans­mettre à un noyau de dix par­ti­ci­pants les bases pour construire un récit audio­vi­suel, manier une camé­ra ou encore mon­ter un film. Cela a éga­le­ment été l’occasion de dis­cu­ter de ce que repré­sentent les médias com­mu­nau­taires au Vene­zue­la, main­te­nant que la révo­lu­tion les a sor­ti de la clan­des­ti­ni­té et leur a don­né une exis­tence légale.

taller_cooperativa_Prolesa_1.jpgPour com­prendre la dif­fé­rence entre un média domi­nant et un média com­mu­nau­taire, il suf­fit de regar­der le fonc­tion­ne­ment de la coopé­ra­tive lai­tière : elle col­lecte le lait chez les dif­fé­rents pro­duc­teurs et l’achemine jusqu’à la fro­ma­ge­rie qui per­met d’alimenter toute la com­mu­nau­té. Les prin­cipes des médias com­mu­nau­taires sont les mêmes : le siège de la radio ou de la télé­vi­sion n’est pas le centre duquel un groupe parle pour les autres, comme c’est le cas dans les médias com­mer­ciaux. L’idée est que l’outil et le mes­sage soient sépa­rés. Ici, 70% de ce qui est pro­duit doit l’être par la com­mu­nau­té. Ain­si, les conte­nus pro­viennent direc­te­ment de la source, du lieu de vie ou de tra­vail, et le média les trans­met ensuite via son antenne et ain­si « nour­rit » le peuple d’information, comme le fait la coopé­ra­tive avec le lait.

Du fait de n’avoir pas été claires sur ce prin­cipe fon­da­men­tal, nombre d’expériences de médias “alter­na­tifs” ont échoué dans leur mis­sion en copiant le modèle domi­nant, pro­dui­sant la qua­si-tota­li­té de l’information depuis le siège même du média, ou en deve­nant des radios musi­cales com­mer­ciales. A l’inverse, pour s’assurer de la par­ti­ci­pa­tion pro­ta­go­nique de la popu­la­tion, tout média com­mu­nau­taire a l’obligation de for­mer inté­gra­le­ment et de matière per­ma­nente de nom­breuses équipes de pro­duc­tion et de par­ve­nir ain­si à mul­ti­plier les angles, les genres, les styles, que ce soit pour de la fic­tion popu­laire, du repor­tage ou du documentaire ….

taller_cooperativa_Prolesa_17.jpgConnaître Pro­le­sa :

La coopé­ra­tive PROLESA R.L. se trouve près de la fron­tière avec la Colom­bie. Sur cette zone rurale où se concentrent de nom­breux conflits, domi­née par des empires lai­tiers, dans un état qui figure par les cinq plus grand pro­duc­teurs de lait du pays, et où l’extrême droite contrôle le par­le­ment régio­nal, les coopé­ra­teurs se sont for­més socio-poli­ti­que­ment avec l’accompagnement entre autres du Mou­ve­ment des Sans-Terre du Bré­sil ou de la radio La Voz de Manaure. Epar­pillée il y a encore dix ans, cette expé­rience est aujourd’hui tout à fait orga­ni­sée, tout à fait consciente des enjeux de sa lutte. Elle a ain­si pu d’ores et déjà obte­nir de nom­breuses avancées.

taller_cooperativa_Prolesa_15.jpgLa coopé­ra­tive regroupe 47 petits pro­duc­teurs de lait, qui pos­sèdent en moyenne douze vaches. Chaque jour, près de 3000 litres de lait sortent de l’usine, en dépit du manque de res­sources, une résis­tance digne aux assauts des mul­ti­na­tio­nales du lait (Nest­lé et Leche Táchi­ra). Avec une très petite somme allouée en 2004 par le Fond de Déve­lop­pe­ment Agri­cole (FONDAFA, aujourd’hui dis­pa­ru), la coopé­ra­tive, avec res­pon­sa­bi­li­té et trans­pa­rence dans l’administration de ses res­sources, a sui­vi les prin­cipes socia­listes d’un déve­lop­pe­ment sou­te­nable et local. Par la soli­da­ri­té, l’appui mutuel, le fonc­tion­ne­ment en assem­blée, l’horizontalité, le res­pect de l’environnement, elle fait vivre 47 petits pro­duc­teurs qui dépendent exclu­si­ve­ment de leur lait pour vivre. Aujourd’hui, les pay­sans détiennent l’ensemble de la chaine de pro­duc­tion et de com­mer­cia­li­sa­tion, et ne dépendent plus d’aucune enti­té gou­ver­ne­men­tale ni d’aucun inter­mé­diaire. En auto­ges­tion, ils col­lectent et dis­tri­buent leur pro­duc­tion dans tout l’Etat du Táchira.

Source : ALBA TV : http://www.albatv.org/La-lucha-de‑l…

Tra­duc­tion : G.S., pour www.larevolucionvive.org.ve

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