Tout au long de son histoire, l’économie vénézuelienne a été dominée par une infinité d’intermédiaires qui fixaient les prix alimentaires et spéculaient sur les nécessités de la population. Ce sont ceux-là même qui gèrent aujourd’hui l’achat d’un logement pour mieux nous tromper ensuite ou qui s’approprient le spectre radioélectrique pour vendre leurs produits commerciaux.
L’association coopérative PROLESA R.L. est emblématique de l’effort de la révolution bolivarienne pour se débarrasser de ces « pieuvres ». Sur les flancs des Andes, dans le campement agricole Los Jabillos (Etat du Táchira), cela n’a pas été facile de se défaire des tentacules de la puissante Nestlé, une multinationale qui s’est faite une spécialité de diviser les communautés et d’acheter les autorités locales. Mais désormais, les producteurs ne vendent plus leur lait à la multinationale, ils disposent de leur propre laiterie.
Dans son avancée difficile mais constante vers l’autonomie, et en dépit des contradictions au sein du groupe et le manque de ressources, cette coopérative se base sur le renforcement continu de la formation et de l’organisation. En témoigne la création d’une radio communautaire baptisée « Tierra Solidaria 104.7 FM » dont l’antenne et les locaux se trouvent à deux pas de la fromagerie coopérative. Pour ce faire, ils ont pu compter sur l’aide de la CONATEL (autorité des télécommunications) et du MINCI (ministère présidentiel). Cette radio a permis de réveiller, chez ces jeunes agriculteurs, la vocation de communicant populaire, même si chez les adultes, la peur de parler et de participer demeure.
Du 11 au 19 février dernier, l’école populaire et latino-américaine de cinéma et télévision (EPLACITE) a été invitée par un militant membre de la coopérative, Leonardo Narváez, pour accompagner ce projet de média populaire. Thierry Deronne et Anne-Sophie Guillaume (membre de Zin TV, de Belgique) ont coordonné un atelier. Ils ont ainsi pu transmettre à un noyau de dix participants les bases pour construire un récit audiovisuel, manier une caméra ou encore monter un film. Cela a également été l’occasion de discuter de ce que représentent les médias communautaires au Venezuela, maintenant que la révolution les a sorti de la clandestinité et leur a donné une existence légale.
Pour comprendre la différence entre un média dominant et un média communautaire, il suffit de regarder le fonctionnement de la coopérative laitière : elle collecte le lait chez les différents producteurs et l’achemine jusqu’à la fromagerie qui permet d’alimenter toute la communauté. Les principes des médias communautaires sont les mêmes : le siège de la radio ou de la télévision n’est pas le centre duquel un groupe parle pour les autres, comme c’est le cas dans les médias commerciaux. L’idée est que l’outil et le message soient séparés. Ici, 70% de ce qui est produit doit l’être par la communauté. Ainsi, les contenus proviennent directement de la source, du lieu de vie ou de travail, et le média les transmet ensuite via son antenne et ainsi « nourrit » le peuple d’information, comme le fait la coopérative avec le lait.
Du fait de n’avoir pas été claires sur ce principe fondamental, nombre d’expériences de médias “alternatifs” ont échoué dans leur mission en copiant le modèle dominant, produisant la quasi-totalité de l’information depuis le siège même du média, ou en devenant des radios musicales commerciales. A l’inverse, pour s’assurer de la participation protagonique de la population, tout média communautaire a l’obligation de former intégralement et de matière permanente de nombreuses équipes de production et de parvenir ainsi à multiplier les angles, les genres, les styles, que ce soit pour de la fiction populaire, du reportage ou du documentaire ….
Connaître Prolesa :
La coopérative PROLESA R.L. se trouve près de la frontière avec la Colombie. Sur cette zone rurale où se concentrent de nombreux conflits, dominée par des empires laitiers, dans un état qui figure par les cinq plus grand producteurs de lait du pays, et où l’extrême droite contrôle le parlement régional, les coopérateurs se sont formés socio-politiquement avec l’accompagnement entre autres du Mouvement des Sans-Terre du Brésil ou de la radio La Voz de Manaure. Eparpillée il y a encore dix ans, cette expérience est aujourd’hui tout à fait organisée, tout à fait consciente des enjeux de sa lutte. Elle a ainsi pu d’ores et déjà obtenir de nombreuses avancées.
La coopérative regroupe 47 petits producteurs de lait, qui possèdent en moyenne douze vaches. Chaque jour, près de 3000 litres de lait sortent de l’usine, en dépit du manque de ressources, une résistance digne aux assauts des multinationales du lait (Nestlé et Leche Táchira). Avec une très petite somme allouée en 2004 par le Fond de Développement Agricole (FONDAFA, aujourd’hui disparu), la coopérative, avec responsabilité et transparence dans l’administration de ses ressources, a suivi les principes socialistes d’un développement soutenable et local. Par la solidarité, l’appui mutuel, le fonctionnement en assemblée, l’horizontalité, le respect de l’environnement, elle fait vivre 47 petits producteurs qui dépendent exclusivement de leur lait pour vivre. Aujourd’hui, les paysans détiennent l’ensemble de la chaine de production et de commercialisation, et ne dépendent plus d’aucune entité gouvernementale ni d’aucun intermédiaire. En autogestion, ils collectent et distribuent leur production dans tout l’Etat du Táchira.
Source : ALBA TV : http://www.albatv.org/La-lucha-de‑l…
Traduction : G.S., pour www.larevolucionvive.org.ve