L’affaire Ali Aarrass après les attentats de Paris

Le pro­blème serait la radi­ca­li­sa­tion. L’in­té­gra­tion ratée des jeunes dans nos valeurs démo­cra­tiques. Et s’il s’a­gis­sait plu­tôt du retour violent du boomerang ?

-2.pngLe pro­blème serait la radi­ca­li­sa­tion. L’in­té­gra­tion ratée des jeunes dans nos valeurs démo­cra­tiques. Et s’il s’a­gis­sait plu­tôt du retour violent du boo­me­rang ? Le boo­me­rang des guerres inter­mi­nables menées ailleurs et qui nous revient ? Oui, je me répète. Je l’ai écrit après chaque atten­tat qui a frap­pé l’Eu­rope ces der­nières années. Dans « The making of Anders B.Breivik ». Dans « D’Oslo-Utoya à Tou­louse-Mon­tau­ban : l’horreur de la guerre gagne l’Europe ». Dans le cha­pitre de « Guan­ta­na­mo chez nous ? », à pro­pos des volon­taires pour l’Af­gha­nis­tan, l’I­rak et la Syrie.

Les bar­ba­ries com­mises à Paris ce 13 novembre s’a­joutent à la liste macabre.
Pour ces actes, il n’y a aucune jus­ti­fi­ca­tion, ni humaine, ni poli­tique, ni religieuse.

Par­fois, seules les larmes peuvent encore parler.
Des larmes qui deviennent un acte politique.

Pleu­rer les vic­times des atten­tats et leurs familles, aus­si bien celles des tués que des tueurs. Les vic­times de Paris, mais aus­si celles de Bey­routh ou de Gaza. Pleu­rer tous ces mil­liers d’hommes, de femmes et d’en­fants inno­cents, vic­times de drones et de bombes soi-disant chi­rur­gi­cales. Pleu­rer ce monde lais­sé à nos enfants, aus­si bien aux jeunes tueurs qu’à leurs jeunes vic­times. Ce monde injuste, ce monde d’i­né­ga­li­tés criantes et révol­tantes, mis à feu et à sang depuis un quart de siècle par des guerres sans fin.

Après chaque atten­tat, la réac­tion de nos gou­ver­nants est iden­tique. Aug­men­ter d’un cran la guerre, l’es­prit de revanche, la répres­sion, les contrôles, les murs, l’is­la­mo­pho­bie, la mise en obser­va­tion et l’é­tat d’ex­cep­tion pour les com­mu­nau­tés d’o­ri­gine immi­grée, stig­ma­ti­sées comme cin­quième colonne.

Jamais la paix. Jamais plus de jus­tice. Jamais la conci­lia­tion et le dialogue.

Nous assis­tons à la chasse à l’homme, 24 heures sur 24, en live sur nos écrans de télé­vi­sion. A une occu­pa­tion poli­cière et média­tique de la com­mune de Molen­beek, taxée doré­na­vant « com­mune ter­ro­riste » dans le monde entier. Jan Jam­bon, le ministre de l’In­té­rieur belge, déclare qu’il va « per­son­nel­le­ment net­toyer cette com­mune ». Dans ce cli­mat, Eric Zem­mour peut ajou­ter tran­quille­ment sur RTL que « la France devait bom­bar­der Molenbeek ».

Et puis, il y aura les vic­times col­la­té­rales de ce choc média­tique mondial.
Les réfu­giés, à qui on refu­se­ra l’accès.
Les déte­nus, vic­times inno­centes des frappes anti­ter­ro­ristes dans des pays par­tout dans le monde, à qui on refuse une libé­ra­tion, un trai­te­ment humain ou un pro­cès équitable.

Une des vic­times du ter­ro­risme d’État s’ap­pelle Ali Aar­rass, dont la presse maro­caine rap­pelle déjà qu’il est « le libraire du quar­tier bruxel­lois de Molen­beek ». Qu’A­li Aar­rass est aus­si catas­tro­phé que nous, qu’il a tou­jours condam­né fer­me­ment tout atten­tat, d’où qu’il vienne, qu’il soit per­pé­tré à Casa­blan­ca, à Madrid, à Bruxelles ou à Paris contre des hommes, femmes et enfants inno­cents, n’a pas d’im­por­tance. L’o­pé­ra­tion des auto­ri­tés maro­caines pour lier sa cause aux atten­tats ter­ro­ristes est déjà en cours. Avec le sou­tien de cer­tains poli­ti­ciens belges.

Ali Aar­rass, un homme inno­cent et tor­tu­ré : un rap­pel des faits

-53.jpgDes membres de la Bri­gade natio­nale de la Police judi­ciaire (BNPJ) ont tor­tu­ré Ali Aar­rass pen­dant les 10 jours de sa déten­tion en garde à vue, en décembre 2010, c’est un fait éta­bli et confir­mé. C’est en effet à ce moment-là, et à ce moment seule­ment, que l’homme qui clame son inno­cence depuis le pre­mier jour de son arres­ta­tion, qui a été inno­cen­té en 2009 par Bal­ta­zar Gar­zon, le juge anti­ter­ro­riste le plus sévère de l’Eu­rope, a cra­qué et a para­phé l’acte d’ac­cu­sa­tion de la police. Ce qui va ser­vir comme unique preuve pen­dant tout le pro­cès Ali Aarrass.

Pour Human Rights Watch (HRW), il s’a­git là d’une méthode sys­té­ma­tique que l’or­ga­ni­sa­tion a dénon­cée en 2013 dans un rap­port de 137 pages sous le titre élo­quent : « Tu signes ici, c’est tout : Pro­cès injustes au Maroc fon­dés sur des aveux à la police ». Human Rights Watch est arri­vé à cette conclu­sion après son ana­lyse de « six affaires poli­ti­que­ment sen­sibles, jugées entre 2008 et 2013 ». HRW y dénonce le fait que les 84 per­sonnes incul­pées dans ces six affaires ont été condam­nées sur base des aveux « extor­qués sous la tor­ture ou par d’autres méthodes illé­gales » ou sur base de « témoi­gnages, sans que les témoins aient dû témoi­gner devant le tribunal ».

Si ce rap­port sur les méthodes « anti­ter­ro­ristes » maro­caines ne suf­fit pas, pre­nez n’im­porte quel docu­ment sur Guan­ta­na­mo. Vous y ver­rez que le Maroc a ser­vi de base de trans­fert et de tor­ture de déte­nus, sur la route de l’Af­gha­nis­tan ou du Pakis­tan vers Guantanamo.

Les faits de tor­ture d’A­li Aar­rass ont été confir­més tout d’a­bord par Juan Men­dez, rap­por­teur de l’O­NU sur la tor­ture, dans son rap­port sur Ali Aar­rass en sep­tembre 2012. Ensuite, en sep­tembre 2013, par le Comi­té de l’O­NU contre la déten­tion arbi­traire, qui deman­dait sa libé­ra­tion immédiate.
En mai 2014, un autre Comi­té de l’O­NU, le Comi­té contre la tor­ture, a condam­né la Maroc pour avoir vio­lé la règle abso­lue de l’in­ter­dic­tion de la tor­ture, pour ne pas avoir mené une enquête sérieuse sur sa tor­ture, et pour avoir condam­né Ali Aar­rass sur base de preuves tron­quées. Le Comi­té a exi­gé une enquête impar­tiale et appro­fon­die, incluant un exa­men médi­cal conforme aux stan­dards internationaux.

En août 2014, le Comi­té des droits de l’homme des Nations unies condamne l’Es­pagne pour avoir extra­dé Ali Aar­rass au Maroc alors qu’il exis­tait un risque sérieux de tor­ture, comme le même comi­té l’avait signa­lé en extrême urgence quatre ans aupa­ra­vant. Le Comi­té impose à l’Espagne d’of­frir une com­pen­sa­tion adé­quate à Ali Aar­rass pour les souf­frances encou­rues et d’as­su­rer un sui­vi effi­cace quant au trai­te­ment d’A­li Aarrass.

En février 2014, puis en appel en sep­tembre 2014, la Bel­gique est condam­née par deux Cours de jus­tice belges à « requé­rir de l’État du Maroc de per­mettre aux auto­ri­tés consu­laires au Maroc de rendre heb­do­ma­dai­re­ment visite à Ali Aar­rass pen­dant une période de six mois », et à payer « une astreinte de 100 euros par jour de retard si elle n’a­dresse pas cette demande dans le mois de la signi­fi­ca­tion de l’ar­rêt », si elle ne réagit pas à l’ur­gence signa­lée par la Cour de Bruxelles. Pour la Cour, « des indi­ca­tions sérieuses tendent à démon­trer que l’in­ti­mé (Ali Aar­rass) a subi des trai­te­ments inhu­mains et dégra­dants dans les pri­sons maro­caines afin de lui arra­cher des aveux. » La Cour cri­tique « le silence per­sis­tant conser­vé par les auto­ri­tés maro­caines aux demandes d’in­for­ma­tion », « la manière dont elles tendent à mini­mi­ser les plaintes de l’in­ti­mé ». Pour la Cour, il est clair qu’ « Ali Aar­rass subit encore à ce jour des atteintes graves à son inté­gri­té phy­sique et à son inté­gri­té morale.. »

En mai 2014, Ali Aar­rass devient une des cinq per­sonnes emblé­ma­tiques de la cam­pagne mon­diale contre la tor­ture d’Am­nes­ty international.
En octobre 2015, le Comi­té Free Ali, la Ligue des Droits de l’Homme et le MRAX rendent publique une video d’A­li Aar­rass faite à la pri­son de Salé II. La vidéo a été réa­li­sée suite aux mal­trai­tances qu’A­li a subies après son témoi­gnage à Juan Men­dez en 2012. Elle consti­tue une preuve – cette fois visible -, qui s’a­joute au dos­sier acca­blant sur ses tortures.

Le silence assour­dis­sant du Maroc

Comme le constate la Cour de Bruxelles, le silence des auto­ri­tés maro­caines a été leur prin­ci­pale réponse. Silence quant à la demande, datant de 2012, de rece­voir un oui ou un non pour un pro­cès en cas­sa­tion. A la demande, datant de sep­tembre 2014, d’ob­te­nir la per­mis­sion d’une visite consu­laire belge à Ali Aar­rass. A la demande de faire un exa­men sur la tor­ture d’A­li Aar­rass conforme aux règles éta­blies par le Pro­to­col d’Is­tan­bul. A la demande des Comi­tés onu­siens pour la mise en liber­té immé­diate d’A­li Aarrass.

Si les auto­ri­tés maro­caines ne donnent aucune des réponses qu’on attend d’elles, elles se lancent par contre dans des articles incen­diaires dans la presse du régime, aidées par des rédac­teurs com­plices. Par la voie de la MAP (Magh­reb arabe presse), ou en publiant sur les sites de 360M, Opi­nion et autres. Les tor­tion­naires — qui portent la res­pon­sa­bi­li­té du drame Ali Aar­rass pour lequel ils devront rendre des comptes tôt ou tard -, s’y déchaînent tout en aggra­vant leur cas.

Guil­ty by asso­cia­tion — cou­pable par asso­cia­tion : Ali Aar­rass et Char­lie Hebdo

J’ai assis­té à toutes les audiences du pro­cès d’A­li Aar­rass, aus­si bien en pre­mière ins­tance qu’en appel. À aucun moment je n’ai vu l’ac­cu­sa­tion appor­ter une seule preuve maté­rielle de son accu­sa­tion. Ni enten­du un seul témoin venir témoi­gner pour ou contre Ali. Ni assis­té à une confron­ta­tion avec ceux qui, selon l’ac­cu­sa­tion, l’au­raient accu­sé de faire par­tie d’un com­plot terroriste.

Toutes ces demandes de la défense ont été reje­tées. La seule et unique « preuve » pré­sen­tée au tri­bu­nal étant l’ac­cu­sa­tion de la police, para­phée par Ali Aar­rass, rédi­gée en arabe, langue qu’A­li Aar­rass ne maî­trise pas. Les tor­tion­naires savent que la base de condam­na­tion d’A­li Aar­rass est à ce point inexis­tante qu’il ne leur reste que le déni sys­té­ma­tique et son asso­cia­tion à des affaires ter­ro­ristes qui font trem­bler l’Europe.

-62.jpg Ain­si, le 24 jan­vier 2015, après les atten­tats à Paris contre Char­lie Heb­do, un cer­tain Abdel­ka­der El-Aine publie un article dans le 360M sous le titre : « Atten­tats de Paris : la piste des réseaux d’A­li Aar­rass ». Avec comme sous-titre : « Les armes ayant ser­vi aux atten­tats de Paris pour­raient avoir été four­nies par des réseaux proches d’A­li Aar­rass, déte­nu au Maroc depuis 2010 ». « Pour­raient avoir été four­nies »… Preuve appor­tée par ce jour­na­liste du Mah­zen ? Aucune. Il lui suf­fit de sug­gé­rer des liens. Pour faire taire les cri­tiques et les condam­na­tions, il lui suf­fit de semer la peur et le doute en liant Ali Aar­rass aux attaques contre Char­lie Heb­do, un maga­zine dont Ali Aar­rass n’a pro­ba­ble­ment jamais enten­du par­ler dans sa cel­lule maro­caine. Voyez-vous, écrit le jour­na­liste, comme cer­taines armes uti­li­sées par les auteurs des atten­tats contre Char­lie Hebo pro­vien­draient de la Bel­gique, le lien avec l’af­faire du Belge Ali Aar­rass n’est-il pas évident ? Puisque lui aus­si est accu­sé d’être le res­pon­sable logis­tique d’un tra­fic d’armes ? Ce que ce jour­na­liste ne réa­lise pas, c’est qu’en nous pro­po­sant sa concep­tion déli­rante de jus­tice et de droit, il met à nu l’i­nexis­tence d’un état de droit marocain.

Guil­ty by asso­cia­tion — cou­pable par asso­cia­tion : Ali Aar­rass et ISIS

Ce qui est par­ti­cu­liè­re­ment inquié­tant, c’est que Didier Reyn­ders, le ministre belge des Affaires étran­gères, se prête au même jeu hon­teux que le Mah­zen maro­cain. Ain­si, dans l’é­mis­sion de la RTBF (« Jeu­di en Prime », 5 novembre 2015), pour se jus­ti­fier de sa non-inter­ven­tion pour un conci­toyen tor­tu­ré au Maroc, Reyn­ders appelle à la pru­dence et s’op­pose à la demande de libé­ra­tion en sug­gé­rant un lien entre Ali Aar­rass et l’E­tat isla­mique en Syrie. Cela n’a pas échap­pé au MAP et au 360M qui ont sau­té sur cette occa­sion dans un article publié le jour même des atten­tats à Paris sous le titre : « Le cas Ali Aar­rass : halte aux sur­en­chères poli­tiques ! ». En voi­ci un large extrait : « Côté belge, une récente réac­tion média­tique inédite du ministre des Affaires étran­gères Didier Reyn­ders, visi­ble­ment las­sé d’être inter­pel­lé pour une affaire qui prend son cours nor­mal par la jus­tice maro­caine et les auto­ri­tés com­pé­tentes, est venue tirer les choses au clair. Au jour­na­liste qui l’in­ter­ro­geait sur le sujet il a répon­du : “J’ai enten­du des abo­mi­na­tions (…). Quand on ne connaît pas le dos­sier, il ne faut pas s’ex­pri­mer. C’est un dos­sier lié au ter­ro­risme (…). Dans le cadre de mes res­pon­sa­bi­li­tés, j’ai inter­ro­gé les ser­vices de ren­sei­gne­ments belges qui me disent que depuis le début des années 2000, il est sui­vi pour ce genre de faits”.

L’ar­ticle conti­nue : “Et Reyn­ders de sou­li­gner que s’il y a un doute à ce sujet, il y a des pro­cé­dures au Maroc. Dans le cli­mat que nous vivons, a encore dit Reyn­ders, je viens de réunir à Bruxelles, la coa­li­tion de lutte en Irak et en Syrie contre le ter­ro­risme et le dji­ha­disme, il faut être pru­dent. Pour lui, on peut deman­der des condi­tions de trai­te­ment cor­rectes, à mettre fin à une grève de la faim pour réin­té­grer la pri­son dans de bonnes condi­tions, mais dire qu’il faut le libé­rer, je n’i­rais pas jusque-là. Ce sont des pro­pos d’au­tant plus sages et cir­cons­pects que la jus­tice maro­caine est plus que jamais sou­ve­raine. Le ministre belge a éga­le­ment confir­mé qu’Ali Aar­rass béné­fi­cie de ses droits aux visites, notam­ment de membres de sa famille, du CNDH et des ser­vices consu­laires belges. Ceux qui avaient sui­vi les péri­pé­ties du pro­cès du réseau Bel­li­raj se sou­viennent bien d’Ali Aar­rass, le libraire du quar­tier bruxel­lois Molenbeek”.
Fin de citation.

Reyn­ders, qui a tou­jours affir­mé que le dos­sier Ali Aar­rass était une affaire exclu­si­ve­ment maro­caine, qui ne concer­nait en rien la Bel­gique, lance une véri­table bombe. Pour sug­gé­rer la culpa­bi­li­té d’A­li Aar­rass. Reyn­ders déclare à la télé­vi­sion natio­nale, décla­ra­tion reprise par la presse maro­caine : « Les ser­vices secrets belges suivent Ali Aar­rass pour des affaires de ter­ro­risme depuis 2000 » ! Fait, jus­qu’à pré­sent incon­nu de la défense. Fait incon­nu de son pré­dé­ces­seur Van Ackere, de De Clercq ou Tur­tel­boom, les ministres de la Jus­tice belge pour­tant maintes fois sol­li­ci­tés dans ce dos­sier. Fait jamais men­tion­né depuis le début du dos­sier en 2008. Cette affir­ma­tion mérite une inter­pel­la­tion parlementaire.

Trois remarques à ce pro­pos. D’a­bord, l’information est invé­ri­fiable, puis­qu’il s’a­git sans doute d’in­for­ma­tions secrètes, dont on a l’ha­bi­tude dans les dos­siers anti­ter­ro­ristes. Deux. Reyn­ders ne men­tionne pas le résul­tat de ce « sui­vi ». Ali Aar­rass étant tou­jours en pos­ses­sion d’un casier judi­ciaire vierge, quel en a été le résul­tat ? Trois. Reyn­ders est-il en train de dire que les ser­vices secrets belges étaient direc­te­ment impli­qués dans l’ar­res­ta­tion d’A­li Aar­rass ? Dans ce cas, tout ce dos­sier pren­drait un autre tour­nant, met­tant à mal toutes les décla­ra­tions de non-ingé­rence de la Bel­gique dans ce dossier.

Pour sug­gé­rer la culpa­bi­li­té d’A­li Aar­rass, Reyn­ders parle de la réunion de la coa­li­tion contre l’État isla­mique et Daesch en Syrie et en Irak, tou­te­fois sans don­ner aucune infor­ma­tion ou preuve sur l’implication d’Ali. Un pro­cé­dé per­vers à la maro­caine où on voit que cer­tains poli­ti­ciens ne reculent devant rien quand ils sont, comme Reyn­ders, accu­lés à la défen­sive. Quant à « la pru­dence » à laquelle appelle Reyn­ders, ce sont plu­tôt le Maroc et la Bel­gique qui auraient inté­rêt à l’être. Au pro­cès des recru­teurs de jeunes pour la Syrie actuel­le­ment en cours à Bruxelles, le nom d’un informateur/infiltrant de natio­na­li­té maro­caine, dis­po­sant d’une carte de presse maro­caine, tra­vaillant pour les ser­vices secrets belges et espa­gnols, vient d’être cité comme étant un des prin­ci­paux recru­teurs de jeunes envoyés au com­bat en Syrie. Une affaire à suivre.

Après le 13 novembre : Ali Aar­rass, le Molenbeekois ?

Molen­beek après les atten­tats de Paris du 13 – 11-15

Plus géné­ra­le­ment, que peut-on encore attendre des auto­ri­tés maro­caines et belges qui, face aux piles de rap­ports natio­naux et inter­na­tio­naux condam­nant la Maroc dans l’af­faire Ali Aar­rass, conti­nuent à réfu­ter l’irréfutable ?

Après les atten­tats du 13 novembre à Paris, nous pou­vons nous attendre avec cer­ti­tude à de nou­veaux articles du même genre. Cette fois liant Ali Aar­rass à Molen­beek où il a été libraire. Le cli­mat actuel s’y prête. Dans la répres­sion qui s’a­bat en France et à Bruxelles, on ne parle plus d’in­di­vi­dus. On met toutes les « affaires » d’au­jourd’­hui et du pas­sé dans le même sac ter­ro­riste, sans dis­tinc­tion, sans contexte, sans his­toire, sans se sou­cier de l’in­no­cence ou de la culpa­bi­li­té. Aujourd’­hui, nous assis­tons à la stig­ma­ti­sa­tion de toute une com­mune, Molen­beek, une des plus pauvres de Bel­gique, peu­plée d’une com­mu­nau­té issue majo­ri­tai­re­ment de l’im­mi­gra­tion maro­caine, comme étant le nid des terroristes.

La piste est très glis­sante et dan­ge­reuse. Non seule­ment pour la cause d’A­li Aar­rass et celle de tous les autres déte­nus poli­tiques au Maroc. Mais, de plus en plus, pour une com­mu­nau­té tout entière. Une situa­tion qui rap­pelle l’in­ter­ne­ment de la popu­la­tion catho­lique en 1971 pen­dant la guerre contre les Bri­tan­niques en Irlande du Nord. Ou l’in­ter­ne­ment des Amé­ri­cains d’o­ri­gine japo­naise pen­dant la deuxième guerre mon­diale. Jus­qu’où ira-t-on ? Ce qui est cer­tain, c’est qu’à par­tir de 2016 la police maro­caine appa­raî­tra dans les rues de Molen­beek. Ce qui est cer­tain, c’est que tous les habi­tants de Molen­beek devront doré­na­vant faire atten­tion. Non seule­ment en Bel­gique, mais sur­tout au Maroc. Parce que, pour le Mah­zen et les tor­tion­naires de la BNPJ, ils viennent d’une com­mune qui héberge des ter­ro­ristes. Et au Maroc, vous l’a­vez com­pris, ça suf­fi­ra comme preuve.

Mais la cri­mi­na­li­sa­tion d’une com­mune et d’une com­mu­nau­té entière aura aus­si comme consé­quence que plus de per­sonnes se join­dront à la défense d’A­li Aar­rass. « Ali Aar­rass est un héros », a dit le dépu­té bruxel­lois socia­liste Jamal Ikaz­ban à la soi­rée d’Am­nes­ty inter­na­tio­nal à l’ULB à Bruxelles.

Oui, Ali Aar­rass devien­dra de plus en plus le sym­bole de la lutte pour les droits égaux des citoyens de seconde zone dans ce pays.
Il devien­dra le sym­bole de la lutte contre l’é­toile jaune des temps modernes : contre l’é­ti­quette de ter­ro­riste col­lée injus­te­ment à ces mil­liers de familles, hommes, femmes et enfants, vivant à Molen­beek et ailleurs.

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Luk Ver­vaet

Source : Site de Luk Vervaet