L’anticastriste Luis Posada Carriles acquitté aux Etats-Unis

Par Mau­rice Lemoine

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LMD

La jus­tice amé­ri­caine une nou­velle fois déshonorée

 

Le 8 avril, le tri­bu­nal fédé­ral d’El Paso (Texas) a décla­ré inno­cent des onze charges pesant sur lui – par­jure, fraude, obs­truc­tion à la jus­tice, infrac­tions aux lois amé­ri­caines sur l’immigration, etc. – l’anticastriste cuba­no-véné­zué­lien Luis Posa­da Car­riles (83 ans). Il était accu­sé d’avoir men­ti aux fonc­tion­naires amé­ri­cains lors de la demande d’asile poli­tique qu’il pré­sen­ta après son entrée illé­gale sur le ter­ri­toire des Etats-Unis, en 2005. Déte­nu par les agents de la police d’immigration, à Mia­mi, le 17 mai de cette même année, il avait été libé­ré sous cau­tion (350 000 dol­lars), le 19 avril 2007, en atten­dant son jugement.

En soi, les chefs d’accusation pou­vaient de prime abord prê­ter à sou­rire (si tant est qu’on puisse sou­rire de tout). M. Posa­da Car­riles n’a en effet rien à voir avec un pauvre « sans papiers » ayant men­ti aux ser­vices d’immigration, et devrait se trou­ver au banc des accu­sés pour de bien plus sérieuses rai­sons. Cubain d’origine, agent de la Cen­tral Intel­li­gence Agen­cy (CIA), M. Posa­da Car­riles, après avoir par­ti­ci­pé à la ten­ta­tive d’invasion mili­taire de Cuba, dans la Baie des Cochons (avril 1961), fût arrê­té et empri­son­né au Vene­zue­la, en 1976, en tant qu’auteur intel­lec­tuel de l’attentat contre un DC‑8 de la Cuba­na de Avia­ción qui fit soixante-treize vic­times, à La Bar­bade ; c’est à Cara­cas qu’il avait orga­ni­sé l’opération. S’évadant en 1985, grâce à la com­pli­ci­té de la CIA et de ses com­plices anti­cas­tristes de Mia­mi, il coor­don­na, depuis la base mili­taire d’Ilopango (El Sal­va­dor) l’aide de Washing­ton aux contre-révo­lu­tion­naires nica­ra­guayens, finan­çant cette opé­ra­tion clan­des­tine par le nar­co­tra­fic, en lien avec le car­tel de Medel­lin (Colom­bie).

C’est tou­jours depuis l’Amérique cen­trale qu’il recru­ta, for­ma et finan­ça les auteurs de la vague d’attentats qui, dans les hôtels et les sites tou­ris­tiques de La Havane (Cuba), entre avril et sep­tembre 1997, fit un mort – le jeune tou­riste ita­lien Fabio di Cel­mo – et douze bles­sés. M. Posa­da Car­riles sera ulté­rieu­re­ment arrê­té (en novembre 2000), au Panamá cette fois, alors qu’il y pré­pa­rait un atten­tat à la bombe contre M. Fidel Cas­tro, lequel, à l’occasion d’un som­met ibé­ro-amé­ri­cain, devait don­ner une confé­rence, à l’université, devant plu­sieurs cen­taines d’étudiants. Amnis­tié « pour rai­sons huma­ni­taires » par la pré­si­dente pan­améenne Mireya Mos­co­so, le 26 août 2004, der­nier jour de son man­dat, il rentre clan­des­ti­ne­ment aux Etats-Unis, en mars 2005, depuis le Yucatán (Mexique), à bord du bateau San­tri­na, pro­prié­té de M. San­tia­go Álva­rez, l’un des prin­ci­paux lea­ders des groupes anti­cas­tristes vio­lents de Miami.

La Havane la dénon­çant, la pré­sence du ter­ro­riste en Flo­ride sera rapi­de­ment connue, obli­geant les auto­ri­tés amé­ri­caines à l’interpeller, à l’interroger, et à obte­nir des réponses fan­tai­sistes – à com­men­cer par celle dans laquelle il pré­tend que son entrée clan­des­tine sur le ter­ri­toire des Etats-Unis s’est faite par la fron­tière mexi­caine, à El Paso.

Alors que l’extradition de M. Posa­da Car­riles est récla­mée par Cuba (pour le crime de la Cuba­na de Avia­ción et les atten­tats de 1997) et le Vene­zue­la (pour ce même atten­tat de la Bar­bade et l’évasion de 1985), six ans pas­se­ront en pro­cé­dures dila­toires et diverses avant que ne débute le pro­cès pour les charges ridi­cules ci-des­sus énon­cées. Rebap­ti­sé par beau­coup « la farce », ledit pro­cès se dérou­le­ra sous la direc­tion de la juge Kath­leen Car­done, nom­mée à cette fonc­tion en 2003 par l’ex-président George W. Bush. Pour mettre un terme à ce long pro­ces­sus conta­mi­né par la poli­tique, les intrigues et les com­plots, et afin d’aboutir à ce ver­dict aber­rant, cette juge a mis en œuvre tout son talent.

A de nom­breuses reprises, elle a fait sor­tir les jurés de la salle d’audience pour leur évi­ter d’entendre les témoi­gnages désa­gréables qui acca­blaient le pré­ve­nu. Lorsque cela lui a été impos­sible, elle a deman­dé au jury de ne pas tenir compte de ce qui venait d’être dit. Celui-ci n’a ain­si jamais pu savoir que si M. Posa­da Car­riles a men­ti, c’était pour pro­té­ger ceux qui l’ont aidé à gagner Mia­mi en venant le cher­cher au Mexique, à bord de la Santrina(délit pas­sible de pri­son, selon la loi des Etats-Unis). L’un de ceux-ci, M. Gil­ber­to Abas­cal, mal­gré les menaces et les vexa­tions de la défense, a pour­tant confir­mé les faits à la barre.

Lors du dépôt de sa demande d’asile, puis de sa requête pour être natu­ra­li­sé amé­ri­cain, il fut deman­dé à M. Posa­da Car­riles s’il était lié, d’une manière ou d’une autre, aux atten­tats menés en 1997 à Cuba. Il nia les faits, pour­tant notoires : dans une inter­view accor­dée aux jour­na­listes Ann Louise Bar­dach et Lar­ry Rother, il les a reven­di­qués, pré­ci­sant qu’il les avait pla­ni­fiés ; l’article repre­nant cet entre­tien a été publié dans le New York Times les 12 et 13 juillet 1998. Lors du pro­cès, les jurés ont enten­du plus de deux heures d’enregistrements de ces entre­vues. Sans doute dis­traits, ils n’en ont pas sai­si toute la por­tée. A leur décharge, on pré­ci­se­ra que la défense s’est livrée à une véri­table agres­sion (ver­bale) des­ti­née à délé­gi­ti­mer le témoi­gnage de la jour­na­liste Bar­dach, de même d’ailleurs que ceux de tous les témoins des­ser­vant ses intérêts.

C’est dans ces condi­tions que les jurés, à l’unanimité, ont absous M. Posa­da Car­riles de ses men­songes et, bien sûr – mais ils n’étaient pas « au pro­gramme » ! – des crimes ter­ro­ristes dont il est accu­sé. Au terme de treize semaines de témoi­gnages acca­blants et de l’examen de cen­taines de preuves à charge, ces jurés n’ont eu besoin que de trois heures pour déli­bé­rer. Expri­mant sa satis­fac­tion à l’énoncé du ver­dict, l’un des avo­cats de M. Posa­da Car­riles, M. Artu­ro V. Hernán­dez, a décla­ré : « Ce jury a ren­du un ver­dict de non culpa­bi­li­té en moins de cent vingt minutes ; je n’ai pas sou­ve­nir d’un quel­conque autre cas simi­laire. » Il se trompe. En matière d’aberration, on connaît au moins un précédent.

En 2001, à Mia­mi, le pro­cès de cinq Cubains – Gerar­do Hernán­dez, René Gonzá­lez, Fer­nan­do Gonzá­lez, Ramon Laba­niño, Anto­nio Guer­re­ro – qui avaient infil­tré les réseaux ter­ro­ristes dans lequel se mou­vait M. Posa­da Car­riles, dura sept mois. Au terme de ce mara­thon, le jury les décla­ra cou­pables, contre toute évi­dence, pour « conspi­ra­tion d’espionnage », et ce sans poser aucune ques­tion – fait jamais vu dans le cas d’un pro­cès aus­si long. Les sen­tences étant tom­bées, déme­su­rées, irra­tion­nelles – de quinze ans d’emprisonnement à deux per­pé­tui­tés plus quinze ans – les Cinq purgent leurs peines.

Plus chan­ceux qu’eux, M. Posa­da Car­riles devrait ren­trer, dans quelques jours, à Mia­mi. Une seule ques­tion reste posée. Com­ment y retour­ne­ra-t-il ? Pré­sent sur la liste offi­cielle des « sus­pects de ter­ro­risme » du Fede­ral Bureau of Inves­ti­ga­tion (FBI), il lui est inter­dit de prendre un vol com­mer­cial aux Etats-Unis.

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