Les personnes handicapées/malades sont moins nombreuses à avoir peur du confinement parce qu’elles l’expérimentent depuis bien plus longtemps que les personnes valides.
J’enfonce allègrement des portes ouvertes mais let’s go.
Quand l’annonce du confinement a été faite, j’ai été impressionnée par les messages d’effroi de la part de personnes majoritairement valides à l’idée, apparemment inconcevable, de ne plus pouvoir sortir de chez elles et, par comparaison, du peu de personnes handicapées/malades se plaignant sur les réseaux sociaux du principe du confinement.
Depuis le début de la crise, une grande partie des personnes handicapées/malades sont inquiètes pour leur santé car nombre d’entre elles sont à haut risque.
Elles sont inquiètes pour leur accès aux soins et aux services d’aides humaines dont elles dépendent.
Elles sont terrifiées à l’idée de perdre à la loterie de la réa, si elles venaient à être contaminées avec des symptômes graves, car elles savent que leurs vies ne valent pas chères.
Elles craignent l’incompétence et l’irresponsabilité criminelle de ce gouvernement qu’elles seront comme toujours les premières à payer 1
Les personnes handicapées / malades sont sensiblement moins nombreuses en revanche à avoir peur du confinement lui-même. Pourquoi ?
Les personnes handicapées / malades sont sensiblement moins nombreuses en revanche à avoir peur du confinement lui-même.
Tout simplement parce qu’elles l’expérimentent depuis bien plus longtemps que les personnes valides, au quotidien ou sur des périodes plus ou moins longues qui se comptent en semaines, en mois, en années.
Beaucoup d’entre elles l’ont rappelé avant moi : être limité dans ses mouvements, dans ses interactions sociales, privé de liberté de circuler, d’agir à sa guise ; devoir penser, sous-peser, planifier, justifier chaque déplacement, nous est plus que familier. Que ce soit pour des raisons de santé ou du fait de l’absence d’accessibilité/de moyens humains et matériels qui nous empêche de jouir des mêmes libertés que vous : « le confinement on connaît. »
Le confinement est difficile à vivre ? Il a des répercussions psychologiques parfois graves et peut accentuer des problèmes de santé mentale existants ? Nous ne sommes pas tous/toutes égaux face à ces répercussions ? Nous ne le vivons pas tous/toutes dans les mêmes conditions matérielles 2 ? Le confinement favorise les violences et les situations de maltraitances ? Tout ceci est vrai.
C’est justement ce dont nous vous parlons en tant que personnes handicapées lorsque nous dénonçons notamment : le confinement en institutions, que vous trouvez pourtant souvent parfaitement défendable, ou le confinement à domicile quand nous n’avons pas les aides et l’accessibilité nécessaires pour en sortir comme bon nous semble, qui la plupart du temps ne vous préoccupe pas plus que ça. C’est ce que nous essayons de vous expliquer quand nous nous battons pour mettre fins à des situations de confinements qui n’ont objectivement rien de légitimes et pourraient être évitées.
Je ne crois pas que les personnes handicapées aient des prédispositions à vivre mieux le confinement que vous, je préfère être claire là-dessus (au risque de vous décevoir comme toujours lorsque vous êtes en quête de leçon de vie), mais il se trouve que le confinement fait souvent partie de notre réalité.
A défaut d’avoir le choix, nous sommes nombreux à avoir appris à faire avec et à savoir :
Qu’il faut s’adapter. Être confiné, ce n’est pas « s’arrêter de vivre. » C’est vivre autrement, changer de rythme et d’habitudes.
Qu’il faut faire preuve de patience, savoir attendre ou renoncer à ce qui vous fait plaisir, et accepter que l’on ne puisse pas faire ce que l’on veut quand on veut.
Qu’il faut apprendre à gérer la frustration et la déception au jour le jour.
Qu’il y a des jours avec et des jours sans, très pénibles, douloureux ou étouffants.
Que nous n’avons pas tous/toutes les mêmes facultés de résistances mais qu’il ne faut pas sous estimer non plus les ressources que nous avons en chacun de nous pour tenir, comme la créativité 3, l’imagination et l’humour, et elles peuvent se révéler très utiles dans ces moments là.
Que les réseaux sociaux et tous les moyens de communication à distance offrent aujourd’hui une forme de socialisation qui peut-être précieuse.
Par ailleurs, le fait que certains d’entre nous aient davantage conscience de leur « finitude 4 » c’est à dire une approche plus concrète de la maladie, de la mort, des hospitalisations, et un rapport au temps différent, nous aide aussi dans certaines circonstances à identifier un peu plus rapidement les priorités et à relativiser.
Exemples au hasard, en ce qui me concerne : tant pis pour les élections (et croyez bien que ça m’a coûté 5), tant pis pour les vacances prévues (that’s life). Sans aucune hésitation, entre vivre et mourir, je choisi vivre. Ce choix peut paraître déconcertant, je sais, mais j’assume.
Le confinement actuel est particulièrement anxiogène, je suis bien d’accord, et c’est ce qui le rend encore plus dur à vivre, mais il est temporaire ne l’oubliez pas. Il le sera d’autant plus s’il est respecté scrupuleusement.
Il se terminera pour vous, qui êtes valides, mais il continuera pour une grande partie d’entre nous.
A moins que vous ne preniez conscience avec cette expérience de l’importance de nos combats et de la nécessité de ne plus nous imposer inutilement ce que vous trouvez insupportable pour vous-même.
Je ne crois ni aux leçons de vie, ni aux effets miraculeux des « mises en situations », mais j’adore rêver… c’est une faculté très développée chez moi justement du fait des confinements que j’ai pu vivre depuis petite.
- C’est, à titre personnel, ce qui me met actuellement le plus en colère.
- Dans un 100 mètres carrés, avec un max de thunes et votre meilleur poto c’est pas la même, qui l’eût cru ?
- J’ai hâte pour ma part de lire vos journaux de confinement. Il y aura forcément des pépites.
- Quel joli mot n’est-ce pas pour ne pas dire… mort ?
- Pour une fois que j’allais pouvoir voter pour une liste sur laquelle se trouvait une femme que je connais et dont je respecte le travail, je peux vous dire que ça n’a pas été simple.