VIVE TV, une télévision publique, nationale et participative au Venezuela
ViVe est une chaine de télévision à vocation culturelle fondée par le gouvernement national du Venezuela en 2003 dont l’objectif consiste à la diffusion d’informations liées au processus politique du pays et la promotion de la culture vénézuélienne.
1. En quoi consiste l’esthétique audiovisuelle de VIVE ?
Il s’agit d’une esthétique en mouvement. Nous la découvrons peu a peu dans le va-et-vient entre langage dominant et culture populaire. On cherche une nouvelle relation individu-collectif, au service des deux. L´image est participative, ne se décide pas en circuit fermé, mais dans la discussion. Chaque mouvement social, chaque région, invente son regard. Comme le disait le cinéaste Bolivien, Jorge Sanjínes, “S’il n’y a pas de vrai dialogue entre l’artiste ou le créateur avec le peuple et sa culture populaire, il y a un conflit”.
2. Comment se construit le discours audiovisuel dans les émissions de VIVE ?
La réalité dépend de ce que les gens ont besoin de dire, de montrer et surtout en tant que construction sociale. La forme ne se décide qu’en fonction du contenu qui ne dépend pas de nous, mais de l´intelligence collective, de la proposition de participer, l´enquête participative est fondamentale. Un des objectifs de l’actuel processus de formation intégrale est de trouver une forme particulière pour chaque émission. La forme dominante télévisuelle, celle de tout JT (plans proches de personne interviewé + plan proche de personne interviewée + plan proche de personne interviewée avec plans d´appui pour masquer l´ennui et donner un peu de couleur locale aux propos) est toujours liée au manque de temps, lui-même conséquence de la logique de rentabilité maximale. Pas question, dans la télé d´aujourd´hui, de faire une enquête, une analyse, de créer des plans autonomes de réalité non colonisés par un commentaire, qui permettrait au spectateur de réfléchir. A Vive on prend au contraire le temps de dialoguer et de monter, ce qui permet de trouver dans le style, un visage, une forme particulière, qui fait de chaque émission une voix distincte dans une programmation hétérogène.
3. Pourquoi ne voit-on jamais le journaliste de VIVE TV dans les entretiens du journal ?
Le journaliste qui se substitue aux nouvelles et veut se placer au centre de l’écran est, dans la plupart des cas, une imposition narcissique de la télé-spectacle : quelqu´un assume pour les autres le droit divin de donner la bonne parole sur le réel. ¡ Basta ya ! La parole des gens, les contradictions des points de vue, sont seuls á la hauteur du besoin de comprendre contemporain. Ces narcisses du milieu de l´écran font rêver les jeunes qui entrent en masse dans les écoles de journalisme, qui rêvent a leur tout de devenir présentateurs-vedettes. Faux « journalistes », sans culture historique, qui ne font plus de recherche, qui n’informent plus, préfabriqués comme les infos-marchandises qu´ils doivent formater dans un minimum de temps pour un spectateur supposé les aimer. Ces ego démesurés se sont toujours opposés, á Vive, à notre mission de pouvoir populaire. Le meilleur journalisme c’est d´abord la pensée populaire, l’organisation communautaire qui connaît mieux que personne les causes et les solutions. Ceci dit, á Vive, le journaliste ne disparaît pas ! Son rôle redevient ce qu´il n´aurait jamais dû cesser d´être : organisateur et “dynamiseur” des différentes sources sociales. Transmettre, comparer, mettre en relation ces sources sociales, génère une incroyable valeur ajoutée d´information. Au journaliste d´aider le peuple a informer le peuple, comme disait Sartre dans sa conférence de presse pour annoncer la création du journal Libération. C´était avant July et Rotschild évidemment.
4. Pourquoi n’y a‑t-il pas trace du nom du réalisateur au générique des émissions produites par VIVE TV ?
Parce que nous sommes un service public. Nous traînons en nous une mauvaise habitude datant de la quatrième république vénézuélienne, celle de fabriquer des enseignes publicitaires ornées des têtes et des noms des mandataires pour annoncer les chantiers publics. Comme si l´État était privatisable par des individualités transitoires, contingentes. Comme si on pouvait s´approprier personnellement la République, cette fonction abstraite, collective. Chaque travailleur(se) de VIVE vit l´honneur d’être au service de la République. Il n´y a donc pas de raison de mettre, comme dans les chaînes commerciales, oú les egos rivalisent, une signature privée au générique. Les cultures populaires s´en passaient bien, dont les oeuvres produites l´étaient par tous et pour tous. C´est l’ascension historique de la bourgeoisie, méprisant l´État puisqu´elle n´en a pas besoin, qui a imposé la « signature individuelle ».
5. Pourquoi n’y a t’il pas des narrateurs, des animateurs ou des voix off ?
Si, il y a des narrateurs, animateurs, de la voix off. Mais en général ce sont les voix de la communauté. Il y parfois les voix des journalistes ou la voix off dans les programmes didactiques comme le cours de cinéma ou le cours de philosophie. Dans ce cas nous parlons d´émissions classiques du service public (éducation, culture, information). Le problème du “présentateur” est plus profond, car en tant que spectateurs, nous gardons un besoin vital, humain, d’identification. L´Église catholique savait ce qu´elle faisait en inventant la figure frontale des saints pour un peuple qui sentait, au Moyen Age, que “Dieu” était trop abstrait. Il est clair qu’une image frontale, un visage, une personne, est un facteur d’identification. Il ne faut pas que le Saint devienne l´idole mais reste un médiateur vers l´invisible (dans ce cas vers l´intelligence du monde par le spectateur), et par exemple il ne doit pas diriger, couper la parole. Bourdieu a montré comment et pourquoi dans la télévision dominante et dans la plupart des cas, le présentateur à un rôle de castrateur, confortablement installé dans sa supériorité symbolique. Augusto Boal dit que l’animateur doit être un dynamisateur, un passeur socratique de la parole du peuple. Nous avons beaucoup d’expériences comme l’émission de débat Construyendo República ou l’animateur provient de la communauté, c’est un apprentissage pour une communauté qui commence à animer ses propres débats. C’est une école politique, une école de socialisme. Mais le modérateur tend toujours a reparaître, le besoin narcissique de certains est très puissant, ils aiment sentir la caresse de la caméra.
6. Pourquoi à VIVE TV ne voyons-nous pas les mêmes informations que dans les autres journaux télévisés ?
L’info, comme on sait depuis les écrits d´Armand Mattelard dans les années 70, est devenue une marchandise comme une autre, l´introduction de la publicité a soumis tous les programmes, dont le JT, à la valeur d´échange contre la valeur d´usage. Le journal télévisé est une hiérarchie de divertissement, de spectacle, de sang et d´exotisme, avec droit à la visibilité d´une élite et droit a l´invisiblité du reste de la société. Sa dramaturgie est simple, binaire : chaos-ordre, nord-sud, nous-les autres, violence-répression. L´information à VIVE se définit non sous une logique de marché ou de vente, mais en fonction de la construction d’une société différente, libéré de la logique du marché. Une construction de propositions et de solutions. Ceci nécessite l´enquête ouverte, le temps d´écouter et de comparer, de comprendre. Si l’information est insuffisante les problèmes ne peuvent se résoudre, la société est bloquée. Dans nos ateliers l’image d’une cellule représente la nation. C’est une cellule qui a besoin de se reproduire, grandir, de se défendre contre des menaces externes, mais qui doit pour cela reconnaître son environnement tout le temps. La cellule vivante, en bonne biologie, réclame son information et la cherche à travers tous les canaux possibles, non seulement pour détecter la menace éventuelle de destruction mais aussi et heureusement pour trouver des alliances possibles. C’est pour cela qu’une chaîne commerciale avec son information fragmentaire, superficielle (“effet contre cause”), primaire, éphémère, sans droit de suite, sans contexte, sans participation, basée sur la violence de la concurrence, étrangère à toute culture de solidarité, est ennemie de la nation. Dans une télévision participative, la richesse contradictoire aide la cellule à grandir, la valeur nutritive est incomparable. L´avenir de l’information passe nécessairement, par la démocratie participative puisque le cerveau collectif donne plus d’information que des intérêts minoritaires. La récupération du temps, est pour cela, un élément stratégique dans une télévision “socialiste”.
7. Pourquoi dans certaines émissions de VIVE TV prédomine la caméra à l’épaule et non pas le pied caméra ?
C´est un moyen technique qui inhibe moins. Le philosophe Althusser disait : “Ce n´est que d´une technique qu´on peut déduire une idéologie”. Nous savons que les grandes caméras d’il y a dix ans sont un fétiche du pouvoir de la télévision. Le dispositif filmique lourd fait que les gens se transforment, s´adressent à la télévision comme à un dieu tout-puissant. La “caméra légère” laisse le dialogue s´installer entre participant(e)s. Une caméra portée se veut plus participative, plus respectueuse, se fait oublier, permet le déplacement avec les gens sans les fixer, abordant plusieurs points de vue. La caméra est un outil propice à la démocratie participative.
8. Pourquoi n’y a t’il pas de publicité à VIVE TV ?
Nous sommes un service public financé par les impôts de la collectivité, et la création de Vive est une forme de les redistribuer au peuple. Notre responsabilité est de développer des émissions libérés de l’audimat, d´éviter la loi du nivellement par le bas. L’intrusion de la publicité dans le service public en Europe, a fait qu´il reste autant de différence entre une télévision publique et une télévision privée qu´entre une banque publique et une banque privée. L’idée d’un citoyen critique au sens de Simón Rodriguez ou d´Ernesto “Che” Guevara, ce républicain nécessaire à la république nouvelle, ne peut se développer au sein d´une entreprise commerciale et en se mesure pas au rating, mais dans l´évaluation qualitative de la transformation quotidienne, individuelle et collective. Il faut protéger la télévision des lois du marché pour que les programmes soient offerts en fonction de leur valeur d´usage et recouvrent leur utilité sociale, transformatrice.
9. Pourquoi cette priorité à VIVE TV de la participation des communautés organisées sur celle des mandataires publics.
Dans ce modèle de république bolivarienne, la population et l´État doivent travailler sous un schéma de coresponsabilité. Par exemple, le sujet de l’émission Construyendo República (construire la république) est ce dialogue nécessaire communauté – État tel que décrit dans la Constitution. Le Président Chavez le dit aussi : l’État n´est qu´un instrument de la population, citant un Bolivar qui croyait plus dans la sagesse populaire que dans les conseils des experts. Si on parle des gouverneurs de la quatrième république, qui incarnent une forme de pouvoir absolu, irrationnel, ils ne trouveront pas leur place chez nous. Mais les fonctionnaires, les mandataires publics, les élus, oui, retrouvent leur vraie dimension, leur dignité lorsqu´ils dialoguent avec la population. C´est cela qui est intéressant dans le dispositif actuel.
10. Régulièrement à VIVE TV on voit des émissions ou le contenu est privilégié au détriment de l’esthétique de l’image.
L’esthétique est une notion relative. Esthétique ne veut pas dire joli ou beau. “L’esthétique” est la forme idéale d’une classe sociale. Le “contenu” en soi est l’information insérée dans le processus de changement. À VIVE les courants s’affrontent, sur des ateliers, des écoles et des idées, depuis les cercles de réalisation internes et externes, sur ce thème de l’esthétique. Là on trouve un peu de tout, il peut y avoir par exemple une classe moyenne qui trouve « ennuyeux » le temps des classes populaires, mais considèrent « attirant » le temps commercial. Il n’y a pas encore, dans notre État du moins, d’hégémonie populaire capable d’exprimer un nouvelle esthétique au-delà de ce qui est commercial.
11. Quel est la signification d’un plan-séquence à VIVE TV ? (un plan-séquence est une séquence filmée en un seul plan et sans montage).
Pour ne prendre que les termes de la grammaire, il s’agit d’un mouvement continu de la caméra reliant plusieurs activités comme si elles étaient des scènes autonomes. Le plan-séquence est né à VIVE comme réponse au dogme selon lequel il ne peut y avoir de temps “mort” á la télévision. Mais comme Blanca Eeckhout (présidente de VIVE TV) l’a dit, ce temps apparemment “mort” pour le capitalisme est aussi un temps de la vie, un moment que par définition nous vivons tous et qui n´a pas lieu d´être interdit de télévision. Pourquoi ne pas faire sentir que le travail, les prises de décisions s’effectuent à travers des temps pas si morts qui sont plutôt des intervalles ? Lorsqu’on va d’une maison à l’autre, on échange un mot avec telle ou telle autre personne, et ainsi les choses évoluent peu à peu, comme dans la littérature. Evidemement (rien n´est simple) le modèle dominant revient toujours au galop, aux têtes interviewées, les mots reviennent coloniser l´image, l´activité, le temps repassent au second plan. Le plan-séquence redevient alors une série d’interviews, ou revient á balayer un atelier du prof aux élèves et des élèves au prof. Il perd son sens. Mais nous pensons que le plan-séquence peut être un laboratoire de la télévision du futur. Il dépasse le temps “efficace” des séries B qui débouche sur le vide, au profit d´un temps qui nourrit, qui permet la participation inattendue et que se passent des choses qu´on ne verrait jamais dans un autre format, un temps qui se prolonge dans la mémoire du spectateur, conserve une vie au-delà du programme.
12. Pourquoi à VIVE TV prédominent les gros plans de mains, des visages, etc ?
Exister en tant que sujet est une question idéologique : comment définir un sujet social ?
On n’est pas seulement un individu “individuel” mais aussi “social”. Le piège de la bourgeoisie consiste dans l´effacement du monde du travail et dans le fait de doter la marchandise d´une vie propre, pour qu´elle nous tombe mieux du ciel (le mystérieux “Marché”) et se mette à nous parler, nous fasant oublier que des mains, des corps, de la sueur, du temps de travail, de l´exploitation, l´ont produite. Or nous croyons que les peuples font l´histoire, que l´individu est un être concret, social, créateur. À VIVE il y a une relation entre les plans collectifs et les plans individuels : c’est le montage de ces “plans” qui donnent la vraie dimension de la personne. Effectivement, sur les chaînes commerciales il y a individualisation de l’image comme il y a une vie pour la marchandise. Ceci dit, en pas nier l’individualité est une des caractéristiques du socialisme Bolivarien. Il y a eu des expériences historiques très critiquées, avec raison, par le Président Chavez, lorsqu’il dit que nous ne voulons pas importer des modèles collectivistes purs, où le socialisme était une question quantitative, où la participation était massive mais sans qualité de participation. Je crois que ce qui caractérise le Venezuela d’aujourd’hui c’est qu’on existe autant que comme personne que comme collectif.
13. Quelle est l´importance d’une télévision réalisée par les secteurs populaires ?
Notre télévision révolutionnaire, née de la victoire populaire du 13 avril, a pour fin explicite de construire la participation et le protagonisme des citoyens, et l´unité des peuples latino-américains. La télévision commerciale, en tant que monopole privé du patrimoine public des ondes, est le dernier pan du colonialisme, un mur symbolique, c´est la négation de l´Égalité républicaine partout et pour tous. C’est pour cela qu’on doit se battre si durement pour la démocratisation et la récupération du spectre radioélectrique. Lorsque le contrat de concession arrive à son terme comme ce fut le cas d´une entreprise commerciale (RCTV), une campagne médiatique mondiale fait aussitôt croire qu´elle est “fermée par Chavez”. Aujourd´hui RCTV transmet toujours, sans censure, depuis une fréquence privée, par câble et par satellite, mais l´opinion mondiale continue à la croire “fermée par le dictateur Chávez”. Récupérer légalement une fréquence publique au terme d´une concession, pour créer une nouvelle chaîne culturelle, informative, fait hurler les propriétaires de médias : on touche à leur pouvoir de reproduire leur idéologie inégalitaire, néolibérale, à leur pouvoir de déterminer qui peut apparaître et qui non, ce qui peut se faire ou pas.
14. Pourquoi le documentaire est-il très présent dans la programmation de VIVE TV ?
Je pense qu’il s’agit d’une première phase de la révolution. Les émissions du genre documentaire nous aident à analyser pour mieux transformer la réalité, pour donner à voir les exclus de toujours comme des sujets qui font l’Histoire. Nous abordons la deuxième phase (que nous aurions dû mener dès le début). Celle de récupérer la fiction, de créer des personnages et des sentiments associés à un monde différent qui ne soit plus celui de la concurrence capitaliste. Les forces créatrices du peuple — son humour, sa musique, sa littérature — permettront d´inventer des feuilletons qui déplacent la telenovela industrielle, pauvre, de Venevision (propriété du groupe Cisneros, tenant du concours Miss Venezuela et de la plupart des telenovelas). La fiction est un instrument puissant de libération et de transformation, autant que de domination.
15. Quel est la différence entre VIVE et les autres chaînes de l’État ?
Il y a plusieurs différences : dans la culture journalistique, le rôle du “scénario de l’information”, dans la division intellectuel/manuel, dans le lien organique avec le peuple. Lorsque le président Chavez explique que la réduction du temps de travail implique un changement de civilisation, il parle de libérer du temps pour la formation intégrale, la création, la relation avec l´Autre. Blanca Eekhout, présidente de VIVE nous disait en 2007 : “Il y a des choses qui doivent être brisées et ont à voir avec le division du travail ; de là le concept de producteur intégral. Il ne peut y avoir d´un côté ceux qui pensent et d’autres ceux qui produisent.” Le cerveau collectif est un vieux rêve de gauche. Faire place à l’intelligence collective. “Dix têtes pensent mieux qu’une”. Rappellons-nous l´expérience de Brecht, le travail intégral au Berliner Ensemble. Dans les autres chaînes, ces divisions du travail persistent, celui du chef et les sous-chefs, l´incommunication empêche les vertus créatrices de se déployer. Il se produit comme résultat non seulement la domination d’un groupe sur un autre, mais aussi la standardisation des programmes.
16. Pourquoi dans les émissions de VIVE TV n’utilise-t-on jamais du maquillage ou des costumes ?
Les techniciens râlent lorsqu’on voit le reflet d’une sueur sur un visage. Il faut nier la sueur des gens, il faut nier le travail, il faut nier les efforts. Il faut nier la peau qui reflète quelque chose ! On retrouve ce besoin bourgeois de nier l´image du travail. Or ce reflet, c’est la vie-même, la lumière existe, le corps existe. Pourquoi devrait-on le nier ? Lorsque nous étions une colonie, on recouvrait tout pour ne pas voir notre vrai peau, et dans les télés privées on maquille les gens. Il est difficile de construire un sujet historique social qui a honte de sa propre couleur de peau et de sa manière de parler. Ali Primera, le chanteur populaire du Venezuela dit : même s´il dit des gros mots, le peuple à des droits. Notre centre de contrôle de qualité censure encore des émissions contenant des “gros mots” ! Cesser de faire disparaître des mots et des reflets, sans même savoir pourquoi on le fait, c’est redevenir nous-mêmes, la télévision n’a pas á maquiller la vie. A la révolution de briser ce résidu de complexe d’infériorité. Le Président Chavez prononce dans ses discours, ces mots savoureux comme “coño”, “vaina”, “carajo” (con, truc, nom de…) parce que les prononcer libère, parce que ce sont simplement nos mots, ceux de la majorité. Les masquer d’un « beeep ! » me fait penser au 12 avril 2002, le coup d´État, c´est au fond la même violence fasciste. Un de nos écrivains, Alí Gómez García, gagnant du prestigieux Prix Casa de las Américas en 1985 pour son ouvrage “Falsas, maliciosas y escandalosas reflexiones de un ñangara” (fausses, malicieuses et scandaleuses réflexions d’un coco) plonge dans cette magnifique rivière lexicale. Tous les jours le peuple vénézuélien la réinvente dans la rue, dans sa camionnette, au travail, dans les champs, là où ce pays est produit. Foucault ou Bakhtine montrent comment la bourgeoisie a inventé des concepts de domination comme celui de la « folie » ou de la « grossièreté » pour dominer les classes populaires « dangereuses ». Un des livres fondateurs de la langue castillane, notre Don Quijote, que notre Ministère de la Culture a massivement et gratuitement distribué à la population, est un véritable torrent de « gros mots ». Comme la littérature de Rabelais.
17. Que signifie la présence de la consultance sociale à VIVE TV ?
Cette “consultoría social” est un dialogue permanent avec les organisations populaires, qui ressource sans cesse Vive aux mouvements sociaux. C’est un classique de l’Histoire de voir l’État s’embourgeoiser, fermer ses portes, “durcir sa carapace” comme disait Julio Cortázar. À plusieurs occasions déjà nous avons reproduit l’attitude du personnel des médias privés : instrumentalisation des gens, mépris, il y a eu beaucoup de mécontentement chez les gens. Dans la mesure où nous maintenons ce lien organique permanent, nous continuons à créer de nouvelles logiques de production. VIVE est une chaîne en mouvement. Les besoins sociaux évoluent. Lorsque des nouvelles choses surgissent, VIVE doit modifier son dispositif (contrairement à une chaîne commerciale qui répète les mêmes formes ad nauseam). La révolution socialiste signifie que l’État doit être transformé en instrument du peuple et cela signifie : á tous les niveaux. Dans la constitution, dans les cercles d’étude, dans la manière dont on manie le budget non seulement d’un ministère mais aussi d’un Conseil communal. C’est pour cela que dans la définition des grilles de programmes et des méthodes de production, la population organisée doit donner son avis de façon permanente ; c’est pour cela que nous voulons casser la vision de pays centrée sur Caracas, en construisant une régionalisation générée par les mouvements sociaux. Tout peut se résumer dans l’idée de construire un État comme pouvoir du peuple et dans le cas de VIVE, de l´Égalité faite télévision.