Pour un printemps des associations citoyennes

Par Patrick Viveret, Geneviève Azam, Stéphane Hessel, Claire Héber Suffrin, Jacques Testart, Valérie de Saint Do, Didier Minot, Nicolas Roméas (8 mars 2012)

Image_2-131.pngLes asso­cia­tions, ce sont 1,8 mil­lion de sala­riés et 14 mil­lions de béné­voles œuvrant dans l’action sociale, l’éducation, la san­té ou la culture. Plu­sieurs per­son­na­li­tés, dont Sté­phane Hes­sel, Gene­viève Azam ou Jacques Tes­tart, lancent un ci d’alarme. La crise et les plans d’austérité menacent leur exis­tence alors que le sec­teur asso­cia­tif consti­tue un espace indis­pen­sable « pour résis­ter, inven­ter des alter­na­tives et construire un monde décent à fina­li­té humaine ». Ils ont choi­si Bas­ta ! pour publier leur appel.

Les asso­cia­tions sont aujourd’hui mena­cées dans leur exis­tence même, alors qu’elles consti­tuent l’un des piliers de notre vie démo­cra­tique. Elles sont les acteurs prin­ci­paux de la par­ti­ci­pa­tion des citoyens à la vie publique et com­mune, de la vie des ter­ri­toires et de l’éducation à la citoyen­ne­té. La liber­té d’association est ins­crite dans la décla­ra­tion des Droits de l’homme, dans la Consti­tu­tion et dans la Charte euro­péenne des droits fon­da­men­taux. Les asso­cia­tions repré­sentent éga­le­ment l’essentiel de l’économie sociale et soli­daire. Mais elles pro­duisent aus­si des richesses imma­té­rielles et ne sont pas des entre­prises commerciales.

De très nom­breux besoins socié­taux sont cou­verts par leurs acti­vi­tés dans un but d’éducation, de jus­tice et de digni­té des per­sonnes, de soli­da­ri­té, de lien social, de coopé­ra­tion, de par­ti­ci­pa­tion citoyenne, etc. Ce sont enfin des lieux où l’on fait ensemble, où l’on peut avoir un enga­ge­ment indi­vi­duel dans un cadre col­lec­tif. Les asso­cia­tions consti­tuent des espaces de confiance, de réci­pro­ci­té, d’éducation citoyenne et de soli­da­ri­té qui donnent une vie plus pleine à 14 mil­lions de béné­voles, dans une logique de don et de réciprocité.

Les plans de rigueur suc­ces­sifs, pré­sen­tés par les gou­ver­ne­ments euro­péens comme des réponses à la crise finan­cière, consti­tuent des impasses et des absur­di­tés. Ils frappent direc­te­ment les sala­riés, les pré­caires, les retrai­tés, mais aus­si les bud­gets des États et des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, les ser­vices publics, les PME, et les associations.

Les asso­cia­tions sont dou­ble­ment frap­pées. Leurs adhé­rents ont de moins en moins les moyens de coti­ser, de par­ti­ci­per, car ils subissent dans leur vie quo­ti­dienne les effets de la crise. D’autre part, les finan­ce­ments de l’État et des col­lec­ti­vi­tés connaissent une nou­velle régres­sion. Cela s’ajoute à des poli­tiques publiques qui depuis dix ans méprisent la vie asso­cia­tive en assi­mi­lant les asso­cia­tions à des entre­prises com­mer­ciales, en les restrei­gnant à un rôle de pres­ta­taires ou de sous-trai­tants, en les obli­geant à se regrou­per sous la contrainte, alors que la diver­si­té asso­cia­tive est un tré­sor natio­nal. Cela se tra­duit déjà par la dis­pa­ri­tion de très nom­breuses asso­cia­tions et de nom­breuses pertes d’emplois (26 000 en 2010, com­bien en 2011 ?), ce qui concourt bien évi­dem­ment à l’aggravation de la situation.

Pour recons­truire une socié­té soli­daire et fra­ter­nelle, un prin­temps des asso­cia­tions citoyennes est néces­saire. Le gou­ver­ne­ment futur devra accom­pa­gner ce renou­veau à tra­vers une véri­table poli­tique asso­cia­tive en recon­nais­sant le rôle fon­da­men­tal des asso­cia­tions dans la socié­té, en met­tant en place de nou­velles moda­li­tés de finan­ce­ment et en favo­ri­sant de nou­velles rela­tions par­te­na­riales entre asso­cia­tions et col­lec­ti­vi­tés pour répondre à des enjeux ter­ri­to­riaux com­muns. Les asso­cia­tions elles-mêmes doivent se mobi­li­ser. Leur pas­si­vi­té est une des sources de leur régres­sion actuelle. Le prin­temps des asso­cia­tions est aus­si l’affaire des asso­cia­tions elles-mêmes.

Plus la crise glo­bale s’aggrave, plus les asso­cia­tions citoyennes sont indis­pen­sables pour résis­ter, inven­ter des alter­na­tives et construire un monde décent à fina­li­té humaine. En France, de nom­breux ter­ri­toires en crise ont inven­té leur ave­nir à par­tir de la mobi­li­sa­tion de tous. La néces­saire tran­si­tion éco­lo­gique et édu­ca­tive néces­site de trans­for­mer radi­ca­le­ment nos modes de vie et de consom­ma­tion, à par­tir de choix démo­cra­tiques à la base, mais aus­si de per­mettre à cha­cun de deve­nir acteur de sa propre vie et citoyen d’un monde soli­daire. C’est pour­quoi il faut créer les condi­tions pour que les asso­cia­tions tra­vaillent à la recons­truc­tion d’une socié­té juste, soli­daire et fra­ter­nelle, dans un par­te­na­riat renou­ve­lé avec les collectivités.

Patrick Vive­ret, Gene­viève Azam, Sté­phane Hes­sel, Claire Héber-Suf­frin, Jacques Tes­tart, Valé­rie de Saint-Do, Didier Minot, Nico­las Roméas.

Pour accom­pa­gner la démarche et par­ti­ci­per à cette mobi­li­sa­tion, vous pou­vez signer l’appel « Pour un prin­temps des asso­cia­tions citoyennes »