Syrie : La guérilla médiatique s’intensifie

La franco syrienne qui s’exprime ici affirme qu’il n’y a pas à Damas ce vent de panique décrit à l’extérieur et que les informations diffusées par la presse internationale seraient abondamment falsifiées, ne reflétant pas la situation telle que perçue par les Syriens qui en leur majorité soutiennent Bachar el-Assad et sont opposés à un changement par la force.

S.C. : Depuis mer­cre­di les experts et des oppo­sants syriens se suc­cèdent sur les pla­teaux télé­vi­sés. Ils laissent entendre que le pou­voir vacille, que le rap­port de force a bas­cu­lé en faveur de la rébel­lion armée. Quelle est votre perception ?

Ces jours-ci il y a eu, il est vrai, énor­mé­ment d’affrontements entre les forces armées et les rebelles autour de Damas mais pas dans mon quar­tier. Hier quand je suis sor­tie je n’ai rien vu de spé­cial. Sauf qu’il y avait moins de gens dans les rues et moins de voi­tures que d’habitude. Cette nuit j’ai enten­du des explo­sions. Je viens d’entendre trois fortes explo­sions. Je vois de la fumée dans le sud de Damas. C’est à Midane, au sud de la ville, que l’armée régu­lière affronte les rebelles depuis deux jours. Elle a été appe­lée par les habi­tants qui disaient avoir été infil­trés par des hommes en pos­ses­sion d’énormes quan­ti­tés d’armes, étran­gers à leur quar­tier. Je viens d’apprendre que l’armée a repris le contrôle de Midane.

Il y a éga­le­ment eu des affron­te­ments du côté de Yar­mouk. Les gens ont décou­vert qu’il y avait dans leur quar­tier des rebelles qui por­taient l’uniforme de l’armée régu­lière. L’armée est tout de suite arri­vée sur place et a vite mai­tri­sé la situa­tion. Elle a trou­vé des grandes quan­ti­tés d’armes et d’explosifs. Des rebelles ont été arrê­tés. Par­mi eux il y avait de nom­breux étran­gers ; des Tchét­chènes, des Afghans, des Libyens…

S.C. : S’agit-il pour vous d’un mau­vais moment à pas­ser et non pas d’un tournant ?

Je crois qu’une grande par­tie de la popu­la­tion de Damas consi­dère en effet que c’est un moment dif­fi­cile à tra­ver­ser avant de retrou­ver la paix.

S.C. : On vient d’apprendre ici que les rebelles viennent de s’emparer de plu­sieurs postes de fron­tière, pre­nant ain­si le contrôle des fron­tières avec l’Irak et la Syrie. Cela ne vous inquiète pas ?

Je crois qu’il y a une véri­table offen­sive média­tique, une vaste mani­pu­la­tion pour faire croire que la Syrie est en train de perdre pied, et que les rebelles sont aux portes du pou­voir. Cela s’inscrit dans une cam­pagne de men­songes pla­ni­fiée. Ce que notre gou­ver­ne­ment avait annon­cé au sujet de cette offen­sive de dés­in­for­ma­tion média­tique s’est pro­duit. Hier la télé­vi­sion Al Dou­nia a dis­pa­ru de nos écrans. Nous avons tout de suite com­pris que les satel­lites avaient décon­nec­té nos chaines syriennes. Les res­pon­sables de l’information nous ont don­né les nou­velles fré­quences de trois télé­vi­sions syriennes qui sont éga­le­ment mena­cées de dis­pa­raitre et sur les­quelles elles vont émettre. L’objectif de cette offen­sive média­tique est de dif­fu­ser des fausses infor­ma­tions, de déso­rien­ter les gens en pré­sen­tant une réa­li­té mani­pu­lée, et leur faire croire que le pou­voir est affai­bli, en train de s’écrouler.

S.C. : Il n’y a donc pas une ambiance de fin de règne à Damas ?

Cette atmo­sphère de fin de règne pré­sen­tée par la presse inter­na­tio­nale est tota­le­ment fausse. J’ai le sen­ti­ment que notre gou­ver­ne­ment est très solide. Il n’y pas du tout ce vent de panique qui est décrit à l’extérieur. Tout fonc­tionne bien ici. On entend des explo­sions et des accro­chages mais cela ne nous inquiète pas outre mesure. Nous sommes confiants. Nous savons que l’armée a les moyens de gar­der la situa­tion sous contrôle. Nous savons que jusqu’ici seule une petite par­tie de l’armée est inter­ve­nue ; qu’elle est prête à repous­ser les agres­sions. On le per­çoit net­te­ment. Les gens sont très cho­qués et attris­tés par l’attentat qui a tué trois diri­geants de l’armée. Ils sont de plus en plus nom­breux à sou­te­nir le gou­ver­ne­ment et l’armée. Je ne dis pas que cette gué­rilla urbaine pra­ti­quée par des rebelles, lour­de­ment armés et enca­drés par des forces étran­gères, n’est pas inquié­tante. Mais je pense que l’armée syrienne a la capa­ci­té de la contenir.

S.C. : Les télé­vi­sions montrent depuis mer­cre­di des hommes en liesse. Nous venons d’entendre sur radio France culture un Syrien vivant à Paris dire que dans toutes les villes l’arrivée de l’ASL est accueillie cha­leu­reu­se­ment par la popu­la­tion. N’êtes-vous pas dans une sorte de déni de la réalité ?

Ce sont des images dif­fu­sées par l’opposition, des mises en scène. Per­sonne ne leur fait la fête. Je crois que la majo­ri­té des Syriens sont hor­ri­fiés par leurs actions vio­lentes et qu’ils les haïssent de plus en plus.

S.C. : Un homme, quit­tant le quar­tier de Midane et à qui la jour­na­liste Valé­rie Cro­va a deman­dé « Damas va tom­ber ? »a répon­du « Damas est déjà tom­bée ». C’est une autre vision !

ll y a des gens en Syrie qui suivent les infor­ma­tions uni­que­ment sur Alja­zee­ra ; ils croient tout ce que cette chaine qui sou­tien la rébel­lion dit : donc ils croient que Damas est déjà tom­bée. De mon point de vue, ce n’est pas du tout le cas. Je vous parle de ce que je per­çois depuis le quar­tier de Mezze où j’habite. Il n’y a rien qui res­semble à ce qui est décrit à l’extérieur ; tout est très calme.

Pro­pos recueillis le 20 juillet 2012 à 9.00

Sil­via Cat­to­ri est un col­la­bo­ra­teur régu­lier de Mondialisation.ca.