24 Septembre 2011 Par Maxime-Azadi
La justice turque a écroué vendredi 23 septembre trois maires BDP, principal parti kurde, dans le cadre d’une nouvelle campagne d’arrestations, tandis que la police a arrêté des centaines de membre de ce parti depuis début de septembre. « Le gouvernement AKP enferme tout un peuple » a dénoncé Gultan Kisanak, la co-présidente du BDP.
Le maire de Sirnak, voisine de l’Irak, Ramazan Uysal, le maire de Silopi Emin Togurlu, le maire d’Idil Resul Sadak et le responsable du BDP à Silopi ont été écroués vendredi par un tribunal de Diyarbakir, dans le cadre de l’affaire KCK, prétendue extension urbaine du PKK déclaré illégal. Il s’agit d’un affaire considéré par la communauté kurde comme un « complot politique » afin d’instaurer l’hégémonie d’AKP, brisant toute opposition.
Les politiciens et les élus kurdes sont dans la ligne de mire du gouvernement depuis Mars 2009, soit quelques jours après que le parti kurde avait remporté 14 départements sur 17 et 98 villes dans les élections municipales, faisant perdre du terrain au parti d’Erdogan. Le BDP est aussi parvenu à faire élire 36 députés à la Grande Assemblée Nationale de Turquie, lors des élections législatives du 12 juin dernier. Mais le siège d’un député kurde a été annulé par la justice et avec lui, la libération de cinq autres qui sont toujours en prison a été refusée, ce qui a conduit le BDP à boycotter l’Assemblée turque.
DES MILLIERS DE MEMBRES DU BDP EN PRISON
Plus de 4 mil membres actifs du BDP sont actuellement en prison. Parmi eux figurent six députés, douze maires et des dizaines de membres des assemblés municipales. Dans la seule région de Sirnak, environ 80 membres du BPD, dont la plupart sont des responsables, ont été arrêtés entre le 17 et 23 septembre et 50 d’entre eux ont été écroués par la justice.
Les responsables kurdes affirment que plus de 1400 membres actifs du BDP ont été enfermés au cours de six derniers mois, tandis que des milliers de personnes ont été arrêtées par la police depuis débuté de l’année, dont près de 400 au cours de deux dernières semaines.
Pour les associations des droits de l’homme et le BDP, ces arrestations sont pires que celles des années noirs de 1990.
Le gouvernement AKP du premier ministre Recep Tayyip Erdoğan « enferment tout un peuple », a dénoncé Gultan Kisanak la co-présidente du BDP à Diyarbakir, capital du Kurdistan de Turquie.
Affirmant qu’il y avait moins de personne en prison sous l’accusation de terrorisme avant l’adoption de la loi anti-terroriste (LAT) en 2005 par le gouvernement Erdogan, alors qu’aujourd’hui ce nombre a atteint 12 000 personnes, dont plus de 4 000 membres actifs du BDP.
UNE POLITIQUE TRÈS DANGEREUSE !
Pour Aysel Tugluk, la co-présidente du Congres pour une société démocratique (DTK), une plateforme d’associations et mouvements kurdes, dont le BDP, le gouvernement tente de barrer la route à ceux qui sont pour une voie démocratique. « Il s’agit d’une politique très dangereuse » a‑t-elle dit, soulignant que le DTK sera obligé de prendre une position si la répression continue. « Nous allons prendre une position très claire dans les jours prochains » a‑t-elle ajouté.
« Le gouvernement AKP veut faire taire les réactions démocratiques avant une éventuelle opération terrestre » dans le nord d’Irak, a dit de son coté Hasip Kaplan, le député kurde du BDP.
LA RUPTURE S’ACCÉLÈRE
Dénonçant un gouvernement « despotique », il a dit que le BDP et le peuple kurdes ne récoleront jamais face à la répression de la police d’AKP et protégeront leurs réalisations jusqu’à la liberté. Selon lui, la politique répressive du gouvernement accélère la rupture entre les kurdes et l’État turc.
Le BDP a appelé les kurdes à descendre dans la rue pour dénoncer l’injustice et la « politique génocidaire » menée par le gouvernement contre les politiciens kurdes.
Tant que l’opposition kurde n’est pas réduite au silence, l’AKP ne pourra pas être seul maitre de la Turquie. Il détient déjà tous les leviers du pouvoir, armée, police, justice, services secrets et médias. Aujourd’hui, les kurdes restent la seule force d’opposition, mais aussi le plus grand problème du pays non résolu depuis la création de la République turque.
« Nos revendications sont légitimes et aucune force ne pourra nous faire taire » dit Hasip Kaplan, citant le droit à l’enseignement kurde, la reconnaissance officielle de l’identité kurde et une autonomie démocratique dans la région du Kurdistan parmi les revendications.