Dans l’ensemble du sud-est de la Turquie, 1,5 millions de personnes sont directement ou indirectement affectées par les couvre-feux et les atrocités commises par des militaires.
Une délégation de 10 avocats d’Autriche, Belgique, Allemagne et Italie se sont rendus à Diyarbakir, Turquie, du 21 au 24 janvier 2016 pour évaluer l’impact des couvre-feux sur la population.
Dans le district de Sur, le centre historique de Diyarbakir, tout comme dans d’autres villes et districts de la région, des couvre-feux sont imposés par le gouvernement.
A Sur, 125.000 habitants de 6 quartiers sont complètement isolés par un couvre-feu qui dure déjà depuis plus de 50 jours, 24 heures sur 24.
Le droit à l’éducation, à la santé et aux soins de santé, et à la liberté d’aller et de venir sont violés. Les maisons sont détruites par les militaires et les conduites d’eau et les lignes électriques sont interrompues ou détruites.
La population n’est pas informée correctement à propos des levées temporaires de couvre-feux et du moment où ces couvre-feux redeviennent effectifs. Pour cette raison, de nombreux jeunes enfants ont été tués par des snipers de l’armée parce qu’ils ne savaient pas que le couvre-feu avait repris.
Les besoins de base des citoyens de Sur ne sont pas rencontrés. Ils n’ont pas d’accès à l’aide médicale et à de l’eau potable, l’accès à la nourriture et à l’électricité est très limité.
Environ 22.000 personnes ont quitté la zone de couvre-feu, forcés à quitter leur maison du fait des activités militaires dans leur quartier. Les gens qui vivent dorénavant dans la zone de couvre-feu ne sont pas autorisés à partir, les sorties ne sont accordées qu’à de rares occasions quand le couvre-feu est temporairement levé et, même dans ces cas, dépendent de décisions arbitraires d’officiers de l’armée. Les gens qui quittent ces zones ne savent pas s’ils seront un jour autorisés à regagner leurs maisons.
Inversement, il est impossible d’entrer dans la zone pour quiconque n’est pas un résident de Sur. Ceci entraine un sérieux manque de transparence. Aucun acteur international ou indépendant ne peut examiner par lui-même quelle est la situation réelle sur le terrain. De ce fait personne n’a la possibilité de rassembler des preuves, d’assister aux autopsies, etc… Il est donc facile pour l’état de prétendre que « toutes les personnes mortes sont des terroristes » ou « ont été tuées par des terroristes ».
Le gouvernement turc se vante d’avoir tué des centaines de combattants. Il ne mentionne pas les centaines de civils, parmi lesquels se trouvent des enfants, qui ont été tués ou blessés. Les personnes blessées sont laissées dans la rue et il ne leur est pas permis de recevoir des soins. Elles meurent de leurs blessures. Les corps d’homme, femmes et enfants restent dans les rues parfois pendant de nombreux jours. Il n’est pas permis à leur famille de les enterrer.
Chaque matin une équipe de médecins munis de l’ensemble de leur matériel d’urgence exigent qu’on leur donne accès à la zone de couvre-feu mais sont repoussés par la police.
Ce couvre-feu viole aussi bien la loi turque que les textes internationaux. Selon la Constitution et la loi turque sur l’état d’urgence, la condition nécessaire pour déclarer un couvre-feu est la proclamation de l’état d’urgence. Le conseil des ministres n’a pas proclamé l’état d’urgence. Les traités qui consacrent les droits de l’Homme et qui ont été ratifies par la Turquie ne sont pas respectés.
La mission a été coordonnée par deux organisations d’avocats européens l’European Association of Lawyers for Democracy and Human Rights (ELDH) et Avocats Européens (AED). L’association italienne “Unione delle Camere Penali Italiane” a aussi contribué à la mission.
Les avocats ont rencontré l’ordre des avocats, des organisations de défense des droits de l’Homme, l’ordre des médecins, des familles de victimes, une organisation de femmes, la co-maire de la ville et le Parti Démocrate du Peuple. Durant ces rencontres, ils ont reçu des rapports qui décrivent une situation dramatique.
Ils ont pu se rendre compte du fait que les habitants de Sur sont pris en otage par les militaires et sont sujets à des mauvais traitements et à des violences extrêmes. La délégation pouvait entendre des tirs jours et nuit, a observé des hélicoptères et avions de combat qui survolaient la cité et a vu des véhicules blindés patrouiller dans les rues.
Les avocats appellent
Le gouvernement turc à mettre immédiatement fin à ces couvre-feux illégaux et à respecter leurs engagements internationaux ;
Les institutions européennes à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin à cette tragédie humaine. La coopération, douteuse sur le plan légal, entre l’UE et la Turquie contre le déplacement des réfugiés ne peut en aucun cas justifier le silence de l’UE vis-à-vis des crimes qui sont actuellement commis à Diyarbakir, Cizre et dans d’autres villes de la région ;
Les Nations Unies à organiser d’urgence une réunion du Conseil de Sécurité concernant la détérioration de la situation des civils qui subissent le couvre-feu.
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