23/11/09, une trentaine d’étudiants qui kottent aux Courses viennent manifester contre la privatisation de leur logement.
Cette année, l’ULB a décidé de privatiser la cité des Courses. 242 logements étudiants sont concernés. Et dans la tête de certains, on privatiserait bien aussi la cité “Depage 1”, c’est-à-dire 104 logements supplémentaires (eux, ils sont neufs). Va-t-on privatiser un tiers de notre parc de logement ? En tout cas, c’est ce qui semble être le plan des Autorités de l’ULB…
Un vieux dossier…
La vieille cité, après avoir vaillamment servi, avait besoin d’un coup de frais. Pas n’importe lequel, ce que beaucoup d’entre-nous ignorent. Ce n’est pas seulement repeindre, changer les tuyauteries, mettre des plaques cuissons qui ne sautent pas à chaque fois qu’on fait chauffer de l’eau, ou encore donner un bureau tout neuf à Joëlle. Il s’agit d’une rénovation en profondeur, coûtant selon les estimations au moins 10 millions d’euros : moderniser la sécurité, diminuer la consommation énergétique… En fait, puisque l’ULB a arrêté de rafraîchir peinture et mobilier depuis que sont évoquées les “grandes rénovations”, la vieille cité est complètement décrépie. Ce qui donne encore plus l’impression qu’elle tombe en ruine.
Et oui ! Voilà plus de 10 ans que le dossier est à l’ordre du jour. Un dossier qui fait froid dans le dos de plus d’un dirigeant de l’université. Qu’est-ce qui bloque ?
Un symbole du sous-financement
La cité des Courses doit être rénovée. Et depuis tout ce temps, les autorités échaffaudent des “plans” pour rénover. Des plans qui cherchent à savoir comment on va… payer les travaux.
Tout le problème est là, les étudiants et les autorités de l’ULB ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Les Autorités de l’ULB proposent, depuis tout ce temps, une seule piste : la privatisation. Les étudiants, eux, répondent : rénovons sur fonds publics propres !
Ce bras de fer est une représentation miniature du problème central de l’enseignement supérieur belge. En effet, ce dernier est sous-financé depuis plus de 20 ans (lors de la communautarisation de l’enseignement) : l’enseignement ne représente plus dans les dépenses de l’Etat, selon les meilleurs estimations, que 5.5% du PIB national, au lieu de 7%, avant les années 90.
Vu que les institutions d’enseignement supérieur n’ont plus assez de sous… elles privatisent, elles sous-traitent, elles réduisent l’offre de cours, elles limitent les bourses, elles cherchent des financements auprès d’entreprises extérieures.
L’ULB n’échappe pas à la règle. Les étudiants ont toujours refusé d’être pris pour les dindons de la farce, et se retrouver à gérer les misérables euros qu’il reste. A plusieurs reprises, plusieurs milliers d’étudiants, étaient en grève ou en manifestation pour protester.
Les étudiants refusent de privatiser les Courses pour cause de sous-financement. En hiver 2006, les étudiants manifestaient, occupaient le rectorat, faisaient grève, pour repousser le projet de de privatisation de la cité… et y sont arrivés !
Les courses…
Pourquoi privatiser n’est pas une solution ?
Première raison, la différence de loyer entre le privé et le public se voit comme le nez au milieu de la figure : entre 35 et 40% moins cher dans le public (375€/mois en moyenne dans le privé, contre 250/mois en moyenne dans le public).
La position étudiante est simple : l’enseignement doit être démocratique, accessible à tous. Pour cela, tous les étudiants doivent pouvoir se payer le parcours universitaire. Et le prix du loyer en est le coût principal.
Seconde raison, les fonds manquent pour financer l’aide sociale. Si on privatise, ce seront les bourses des étudiants modestes qui serviront à payer le loyer. En effet, l’allocation loyer augmente en fonction du loyer : les propriétaires pourront donc se faire plaisir, et augmenter les loyers, puisque la bourse payera la différence avec le loyer dans le public ! Ce qui entraînera une vidange des caisses de l’aide sociale, ruinant encore plus l’université !
Moins d’argent dans les caisses d’aides sociales, c’est aussi moins d’argent pour les bourses, les syllabus, les restaurants… Si la privatisation semble coûter moins cher à court terme, elle va nous ruiner, nous entraînant dans une spirale d’endettement (et à privatiser encore plus…)
Est-ce vraiment une privatisation ?
Les Autorités s’amusent à démentir l’existence d’un projet de privatisation. Leur argument ? Il s’agit d’un montage juridique appelé “emphytéose”. La particularité de ce montage consiste à permettre à une entreprise privée d’utiliser une de nos propriétés (la cité des Courses dans notre cas), pendant une longue durée (en général, 50 ou 100 ans) pour faire du bénéfice. Sans lui donner le titre de propriété. Dans notre situation, l’ULB va (tenez vous bien, c’est énorme)… louer la cité des Courses à l’entreprise privée pour pouvoir l’utiliser.
On donne donc notre bâtiment à une entreprise pour faire des bénéfices… et on est son seul client. Ce n’est pas seulement une privatisation : c’est de la débilité profonde.
Certains tenteraient-ils d’arroser des potes ?
Énigme du dossier : Les Autorités persévèrent non seulement à vouloir privatiser, mais elles veulent un projet bien particulier. L’idée qu’il faut privatiser Courses et Depage 1 ensemble nécessairement, le fait que les mêmes noms d’entreprises privées reviennent toujours…
L’idée qu’il faut privatiser Courses et Depage 1 ensemble nécessairement, le fait que les mêmes noms d’entreprises privées reviennent toujours… (d’ailleurs un recours a été tenté par une autre entreprise qui considérait que le marché n’avait pas été attribué sur des critères objectifs). Même d’autres projets faisant intervenir le privé, que des étudiants avaient acceptés, ont été sévèrement rejetés !
Les errements des appels d’offres précédents jettent un profond discrédit sur les motivations des autorités. On ne peut s’empêcher de demander… à qui profite le crime ?
Comment en est-on arrivé là ? L’absence de contrôle étudiant, et un BEA mou.
Ce dossier a fait ressortir deux problèmes : D’abord, l’absence de contrôle étudiant. En effet, 44 ans après Mai 68, les étudiants subissent encore la dictature du corps académique, qui compose à 50% le Conseil d’administration, et est inféodé aux autorités. Les étudiants ne possèdent que 20% des sièges.
Ensuite, la mollesse du BEA, la délégation étudiante. A quoi était-elle due ? A la corruption sans pareille d’un nombre très élevé d’élus étudiants pendant le mandat 2009 – 2011. Pour ceux qui s’en rappellent, ceux-ci avaient pour but principal l’élection d’un calife à la place du calife : ils avaient pour accord pré-électoral l’élection d’un prof candidat à la présidence de l’université. Des affaires de prestiges, de gros sous, de pouvoir… et pas beaucoup d’intérêt pour les étudiants.
Voilà qui nous invite à nous interroger sur ce que nous attendons de nos élus étudiants : Des administrateurs, s’amusant aux jeux de pouvoirs ULBistes, ou des Délégués, porteurs des intérêts étudiants ?
Comment résister ? Une grève étudiante…
N’y allons pas par quatre chemin : il y a urgence. Les militants étudiants syndicalistes appellent tous les étudiants à mener une action collective pour montrer notre refus du plan de privatisation.
Ensemble, dans une action forte qui montre notre détermination, nous allons dire deux choses :
Primo, aux Autorités : on ne veut pas de leur plan pourri, qu’ils arrêtent tout de suite la privatisation ! Qu’ils aillent sonner le Ministre de l’Enseignement supérieur, J.-C. Marcourt, qu’il allonge la monnaie. La voix d’un recteur se fait souvent mieux entendre que celle des étudiants…
Secundo, au Ministre de l’Enseignement sup’ : on en peut plus ! Il faut du fric pour l’enseignement, on ne veut plus qu’il pleuve dans les auditoires, ou qu’on privatise nos cités, pour économiser sur le social !
La grève en milieu étudiant est forte : cesser d’étudier est un acte difficile. Une journée d’arrêt en milieu étudiant, c’est crier au Pouvoir : « Vous menacez mon avenir ? Alors c’est comme si j’arrêtais tout de suite d’étudier ».
Alors, montrons notre refus : rassemblons-nous, occupons les bâtiments, déclarons-nous en grève !
… et une assemblée libre
Ensemble nous sommes plus forts que le Pouvoir, mais pour ça, nous devons discuter ! Une Assemblée libre, c’est un endroit où la parole est libre à tous : pas de profs qui censurent, pas de président qui parle plus longtemps que les autres… uniquement des étudiants, égaux, qui disent ce qu’ils pensent, et prennent des décisions ensembles.
Des décisions sur ce qu’ils veulent comme politique. C’est aussi prendre des décisions pour la suite : une seule action collective suffit rarement.
Alors construisons nos revendications ensembles et prenons dès à présent notre sort en main !
Source : éFGTB