ULB : Le plan de privatisation des Courses, suite d’une longue saga.

La différence de loyer entre le privé et le public se voit comme le nez au milieu de la figure : entre 35 et 40% moins cher dans le public.

23/11/09, une tren­taine d’é­tu­diants qui kottent aux Courses viennent mani­fes­ter contre la pri­va­ti­sa­tion de leur logement.

Cette année, l’ULB a déci­dé de pri­va­ti­ser la cité des Courses. 242 loge­ments étu­diants sont concer­nés. Et dans la tête de cer­tains, on pri­va­ti­se­rait bien aus­si la cité “Depage 1”, c’est-à-dire 104 loge­ments sup­plé­men­taires (eux, ils sont neufs). Va-t-on pri­va­ti­ser un tiers de notre parc de loge­ment ? En tout cas, c’est ce qui semble être le plan des Auto­ri­tés de l’ULB…

Un vieux dossier…

La vieille cité, après avoir vaillam­ment ser­vi, avait besoin d’un coup de frais. Pas n’im­porte lequel, ce que beau­coup d’entre-nous ignorent. Ce n’est pas seule­ment repeindre, chan­ger les tuyau­te­ries, mettre des plaques cuis­sons qui ne sautent pas à chaque fois qu’on fait chauf­fer de l’eau, ou encore don­ner un bureau tout neuf à Joëlle. Il s’a­git d’une réno­va­tion en pro­fon­deur, coû­tant selon les esti­ma­tions au moins 10 mil­lions d’eu­ros : moder­ni­ser la sécu­ri­té, dimi­nuer la consom­ma­tion éner­gé­tique… En fait, puisque l’ULB a arrê­té de rafraî­chir pein­ture et mobi­lier depuis que sont évo­quées les “grandes réno­va­tions”, la vieille cité est com­plè­te­ment décré­pie. Ce qui donne encore plus l’im­pres­sion qu’elle tombe en ruine.

Et oui ! Voi­là plus de 10 ans que le dos­sier est à l’ordre du jour. Un dos­sier qui fait froid dans le dos de plus d’un diri­geant de l’u­ni­ver­si­té. Qu’est-ce qui bloque ?

Un sym­bole du sous-financement

La cité des Courses doit être réno­vée. Et depuis tout ce temps, les auto­ri­tés échaf­faudent des “plans” pour réno­ver. Des plans qui cherchent à savoir com­ment on va… payer les travaux.

Tout le pro­blème est là, les étu­diants et les auto­ri­tés de l’ULB ne sont pas sur la même lon­gueur d’ondes. Les Auto­ri­tés de l’ULB pro­posent, depuis tout ce temps, une seule piste : la pri­va­ti­sa­tion. Les étu­diants, eux, répondent : réno­vons sur fonds publics propres !

Ce bras de fer est une repré­sen­ta­tion minia­ture du pro­blème cen­tral de l’en­sei­gne­ment supé­rieur belge. En effet, ce der­nier est sous-finan­cé depuis plus de 20 ans (lors de la com­mu­nau­ta­ri­sa­tion de l’en­sei­gne­ment) : l’en­sei­gne­ment ne repré­sente plus dans les dépenses de l’E­tat, selon les meilleurs esti­ma­tions, que 5.5% du PIB natio­nal, au lieu de 7%, avant les années 90.

Vu que les ins­ti­tu­tions d’en­sei­gne­ment supé­rieur n’ont plus assez de sous… elles pri­va­tisent, elles sous-traitent, elles réduisent l’offre de cours, elles limitent les bourses, elles cherchent des finan­ce­ments auprès d’en­tre­prises extérieures.

L’ULB n’é­chappe pas à la règle. Les étu­diants ont tou­jours refu­sé d’être pris pour les din­dons de la farce, et se retrou­ver à gérer les misé­rables euros qu’il reste. A plu­sieurs reprises, plu­sieurs mil­liers d’é­tu­diants, étaient en grève ou en mani­fes­ta­tion pour protester.

Les étu­diants refusent de pri­va­ti­ser les Courses pour cause de sous-finan­ce­ment. En hiver 2006, les étu­diants mani­fes­taient, occu­paient le rec­to­rat, fai­saient grève, pour repous­ser le pro­jet de de pri­va­ti­sa­tion de la cité… et y sont arrivés !

courses.jpgLes courses…

Pour­quoi pri­va­ti­ser n’est pas une solution ?

Pre­mière rai­son, la dif­fé­rence de loyer entre le pri­vé et le public se voit comme le nez au milieu de la figure : entre 35 et 40% moins cher dans le public (375€/mois en moyenne dans le pri­vé, contre 250/mois en moyenne dans le public).

La posi­tion étu­diante est simple : l’en­sei­gne­ment doit être démo­cra­tique, acces­sible à tous. Pour cela, tous les étu­diants doivent pou­voir se payer le par­cours uni­ver­si­taire. Et le prix du loyer en est le coût principal. 

Seconde rai­son, les fonds manquent pour finan­cer l’aide sociale. Si on pri­va­tise, ce seront les bourses des étu­diants modestes qui ser­vi­ront à payer le loyer. En effet, l’al­lo­ca­tion loyer aug­mente en fonc­tion du loyer : les pro­prié­taires pour­ront donc se faire plai­sir, et aug­men­ter les loyers, puisque la bourse paye­ra la dif­fé­rence avec le loyer dans le public ! Ce qui entraî­ne­ra une vidange des caisses de l’aide sociale, rui­nant encore plus l’université !

Moins d’argent dans les caisses d’aides sociales, c’est aus­si moins d’argent pour les bourses, les syl­la­bus, les res­tau­rants… Si la pri­va­ti­sa­tion semble coû­ter moins cher à court terme, elle va nous rui­ner, nous entraî­nant dans une spi­rale d’en­det­te­ment (et à pri­va­ti­ser encore plus…)

Est-ce vrai­ment une privatisation ?

Les Auto­ri­tés s’a­musent à démen­tir l’exis­tence d’un pro­jet de pri­va­ti­sa­tion. Leur argu­ment ? Il s’a­git d’un mon­tage juri­dique appe­lé “emphy­téose”. La par­ti­cu­la­ri­té de ce mon­tage consiste à per­mettre à une entre­prise pri­vée d’u­ti­li­ser une de nos pro­prié­tés (la cité des Courses dans notre cas), pen­dant une longue durée (en géné­ral, 50 ou 100 ans) pour faire du béné­fice. Sans lui don­ner le titre de pro­prié­té. Dans notre situa­tion, l’ULB va (tenez vous bien, c’est énorme)… louer la cité des Courses à l’en­tre­prise pri­vée pour pou­voir l’utiliser.

On donne donc notre bâti­ment à une entre­prise pour faire des béné­fices… et on est son seul client. Ce n’est pas seule­ment une pri­va­ti­sa­tion : c’est de la débi­li­té profonde.

ulb_courses.jpg

Cer­tains ten­te­raient-ils d’ar­ro­ser des potes ?

Énigme du dos­sier : Les Auto­ri­tés per­sé­vèrent non seule­ment à vou­loir pri­va­ti­ser, mais elles veulent un pro­jet bien par­ti­cu­lier. L’i­dée qu’il faut pri­va­ti­ser Courses et Depage 1 ensemble néces­sai­re­ment, le fait que les mêmes noms d’en­tre­prises pri­vées reviennent toujours…

L’i­dée qu’il faut pri­va­ti­ser Courses et Depage 1 ensemble néces­sai­re­ment, le fait que les mêmes noms d’en­tre­prises pri­vées reviennent tou­jours… (d’ailleurs un recours a été ten­té par une autre entre­prise qui consi­dé­rait que le mar­ché n’a­vait pas été attri­bué sur des cri­tères objec­tifs). Même d’autres pro­jets fai­sant inter­ve­nir le pri­vé, que des étu­diants avaient accep­tés, ont été sévè­re­ment rejetés !

Les erre­ments des appels d’offres pré­cé­dents jettent un pro­fond dis­cré­dit sur les moti­va­tions des auto­ri­tés. On ne peut s’empêcher de deman­der… à qui pro­fite le crime ?

Com­ment en est-on arri­vé là ? L’ab­sence de contrôle étu­diant, et un BEA mou.

Ce dos­sier a fait res­sor­tir deux pro­blèmes : D’a­bord, l’ab­sence de contrôle étu­diant. En effet, 44 ans après Mai 68, les étu­diants subissent encore la dic­ta­ture du corps aca­dé­mique, qui com­pose à 50% le Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, et est inféo­dé aux auto­ri­tés. Les étu­diants ne pos­sèdent que 20% des sièges.

Ensuite, la mol­lesse du BEA, la délé­ga­tion étu­diante. A quoi était-elle due ? A la cor­rup­tion sans pareille d’un nombre très éle­vé d’é­lus étu­diants pen­dant le man­dat 2009 – 2011. Pour ceux qui s’en rap­pellent, ceux-ci avaient pour but prin­ci­pal l’é­lec­tion d’un calife à la place du calife : ils avaient pour accord pré-élec­to­ral l’é­lec­tion d’un prof can­di­dat à la pré­si­dence de l’u­ni­ver­si­té. Des affaires de pres­tiges, de gros sous, de pou­voir… et pas beau­coup d’in­té­rêt pour les étudiants. 

Voi­là qui nous invite à nous inter­ro­ger sur ce que nous atten­dons de nos élus étu­diants : Des admi­nis­tra­teurs, s’a­mu­sant aux jeux de pou­voirs ULBistes, ou des Délé­gués, por­teurs des inté­rêts étudiants ?

Com­ment résis­ter ? Une grève étu­diante…

N’y allons pas par quatre che­min : il y a urgence. Les mili­tants étu­diants syn­di­ca­listes appellent tous les étu­diants à mener une action col­lec­tive pour mon­trer notre refus du plan de privatisation. 

Ensemble, dans une action forte qui montre notre déter­mi­na­tion, nous allons dire deux choses :

Pri­mo, aux Auto­ri­tés : on ne veut pas de leur plan pour­ri, qu’ils arrêtent tout de suite la pri­va­ti­sa­tion ! Qu’ils aillent son­ner le Ministre de l’En­sei­gne­ment supé­rieur, J.-C. Mar­court, qu’il allonge la mon­naie. La voix d’un rec­teur se fait sou­vent mieux entendre que celle des étudiants…

Secun­do, au Ministre de l’En­sei­gne­ment sup’ : on en peut plus ! Il faut du fric pour l’en­sei­gne­ment, on ne veut plus qu’il pleuve dans les audi­toires, ou qu’on pri­va­tise nos cités, pour éco­no­mi­ser sur le social !

La grève en milieu étu­diant est forte : ces­ser d’é­tu­dier est un acte dif­fi­cile. Une jour­née d’ar­rêt en milieu étu­diant, c’est crier au Pou­voir : « Vous mena­cez mon ave­nir ? Alors c’est comme si j’ar­rê­tais tout de suite d’étudier ».

Alors, mon­trons notre refus : ras­sem­blons-nous, occu­pons les bâti­ments, décla­rons-nous en grève !

… et une assem­blée libre

Ensemble nous sommes plus forts que le Pou­voir, mais pour ça, nous devons dis­cu­ter ! Une Assem­blée libre, c’est un endroit où la parole est libre à tous : pas de profs qui cen­surent, pas de pré­sident qui parle plus long­temps que les autres… uni­que­ment des étu­diants, égaux, qui disent ce qu’ils pensent, et prennent des déci­sions ensembles.

Des déci­sions sur ce qu’ils veulent comme poli­tique. C’est aus­si prendre des déci­sions pour la suite : une seule action col­lec­tive suf­fit rarement.

Alors construi­sons nos reven­di­ca­tions ensembles et pre­nons dès à pré­sent notre sort en main !

Source : éFGTB