La magistrature manifeste pour l’indépendance de la justice

Pour la première fois depuis 1918, la magistrature se met en mouvement pour dénoncer la réforme de la justice et ses conséquences pour leur indépendance. Interview de Manuela Cadelli, présidente de l’Association syndicale des magistrats.

Manue­la Cadel­li est juge au tri­bu­nal de pre­mière ins­tance de Namur et la pré­si­dente de l’Association syn­di­cale des magis­trats. En mars 2016, elle avait publié une carte blanche dans le jour­nal Le Soir avec pour titre : “le néo­li­bé­ra­lisme est un fas­cisme”. En voi­ci un extrait :

« Le néo­li­bé­ra­lisme est cet éco­no­misme total qui frappe chaque sphère de nos socié­tés et chaque ins­tant de notre époque. C’est un extrémisme.

Le fas­cisme se défi­nit comme l’assujettissement de toutes les com­po­santes de l’État à une idéo­lo­gie tota­li­taire et nihiliste.

Je pré­tends que le néo­li­bé­ra­lisme est un fas­cisme car l’économie a pro­pre­ment assu­jet­ti les gou­ver­ne­ments des pays démo­cra­tiques mais aus­si chaque par­celle de notre réflexion. L’État est main­te­nant au ser­vice de l’économie et de la finance qui le traitent en subor­don­né et lui com­mandent jusqu’à la mise en péril du bien commun.

L’aus­té­ri­té vou­lue par les milieux finan­ciers est deve­nue une valeur supé­rieure qui rem­place la poli­tique. Faire des éco­no­mies évite la pour­suite de tout autre objec­tif public. Le prin­cipe de l’orthodoxie bud­gé­taire va jusqu’à pré­tendre s’inscrire dans la Consti­tu­tion des Etats. La notion de ser­vice public est ridiculisée.

Le nihi­lisme qui s’en déduit a per­mis de congé­dier l’universalisme et les valeurs huma­nistes les plus évi­dentes : soli­da­ri­té, fra­ter­ni­té, inté­gra­tion et res­pect de tous et des dif­fé­rences. Même la théo­rie éco­no­mique clas­sique n’y trouve plus son compte : le tra­vail était aupa­ra­vant un élé­ment de la demande, et les tra­vailleurs étaient res­pec­tés dans cette mesure ; la finance inter­na­tio­nale en a fait une simple variable d’ajustement.»

Dans cette inter­view accor­dée à ZIN TV, Manue­la Cadel­li revient sur ses pro­pos et nous explique les rai­sons pour les­quelles la magis­tra­ture se met en marche, une pre­mière depuis 1918. La pre­mière action a eu lieu le 7 juin. Magis­trats et avo­cats se sont ras­sem­blés dans tous les palais de jus­tice et les audiences ont été retar­dées. Il s’a­git d’un évé­ne­ment his­to­rique dans un contexte où l’in­dé­pen­dance du troi­sième pou­voir est mena­cée notam­ment par des coupes bud­gé­taires qui entrainent des dif­fi­cul­tés sup­plé­men­taires pour garan­tir une jus­tice de qualité. 

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