Justice pour Adil

Le 10 avril 2020, Adil, 19 ans, a été tué lors d’une course pour­suite avec la police de Bruxelles afin d’échapper à un contrôle. Le 26 novembre 2020, le Par­quet com­mu­nique qu’il requiert un non-lieu et révèle des élé­ments de l’en­quête alors qu’il est sou­mis au secret d’ins­truc­tion. La presse relaye, lais­sant croire que les poli­ciers ne seront pas pour­sui­vis. La famille et les proches d’A­dil sont cho­qués et en colère.

Communiqué de la famille d’Adil — 30/11/2020

Jeu­di der­nier, le Par­quet a remis publi­que­ment son réqui­si­toire de non-lieu en faveur des poli­ciers impli­qués dans la mort de notre fils, notre frère, Adil. Contrai­re­ment à ce qui a pu être enten­du, cela ne clô­ture pas l’en­quête. Nous, la famille et les proches, réaf­fir­mons notre demande de jus­tice et d’au­dience publique Nous vou­lons éga­le­ment par­ta­ger nos questions.

Nous par­lons de la mort de notre fils, de notre frère. Ça s’est pas­sé le 10 avril 2020. La dou­leur est immense. Le réqui­si­toire du par­quet demande un non-lieu : ce qui signi­fie que le Pro­cu­reur estime qu’il n’est pas utile de tenir une audience publique pour cette affaire.

C’est la chambre du Conseil qui devra sta­tuer sur la per­ti­nence d’une audience publique. C’est là que se pren­dra la réelle déci­sion quant à la tenue de l’au­dience publique et pas avant. Nous main­te­nons cette demande et gar­dons espoir.

La pre­mière ques­tion qui se pose est de savoir pour­quoi le Par­quet du Pro­cu­reur du Roi com­mu­nique main­te­nant sa posi­tion alors qu’il n’y a encore aucune date d’au­dience fixée devant la chambre du Conseil ? Pour­quoi pré­ci­sé­ment en cette période où sont atten­dues des déci­sions concer­nant les morts de Lamine, Meh­di et Maw­da, dans les­quelles la police est impli­quée éga­le­ment ? S’a­git-il d’une stra­té­gie de communication ?

Notre avo­cat nous a pour­tant expli­qué que l’ar­ticle 57 § 3 du Code d’ins­truc­tion cri­mi­nelle sti­pule que “Le pro­cu­reur du Roi peut, de l’ac­cord du juge d’ins­truc­tion et lorsque l’in­té­rêt public l’exige, com­mu­ni­quer des infor­ma­tions à la presse.” A l’heure où cette com­mu­ni­ca­tion de par­quet de Bruxelles a pro­vo­qué des inci­dents à Ander­lecht et l’ar­res­ta­tion de dizaines de jeunes qui mani­fes­taient leur incom­pré­hen­sion face à ce qui a été pré­sen­té par une cer­taine presse comme une déci­sion de jus­tice inno­cen­tant les poli­ciers impli­qués dans la mort d’A­dil, nous, la famille d’A­dil, qui s’est consti­tué par­tie civile dans le dos­sier et est donc une par­tie au dos­sier répres­sif, deman­dons au Pro­cu­reur du Roi de démon­trer qu’il a obte­nu l’ac­cord du Juge d’ins­truc­tion pour cette com­mu­ni­ca­tion et qu’il jus­ti­fie l’exi­gence de “l’in­té­rêt public” pour cette com­mu­ni­ca­tion à la presse. 

Nous gar­dons l’es­poir d’un pro­cès public et pour­tant, aujourd’­hui, nous avons le sen­ti­ment d’une seconde injus­tice de la part de l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire. Depuis le début, nous avons refu­sé des inter­views pour lais­ser de l’es­pace et de la dis­cré­tion à l’en­quête, nous avons appe­lé au calme lors des pre­mières révoltes à Ander­lecht, nous avons mis tout notre espoir dans la jus­tice et pour­tant… La pre­mière nou­velle offi­cielle reçue de la part de l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire est un déni de toute res­pon­sa­bi­li­té des poli­ciers à bord de la voi­ture de police impli­qués dans la mort d’A­dil, mais aus­si de ceux qui ont lan­cé cette course pour­suite. Ce déni entraî­ne­rait l’a­ban­don de pour­suites et empê­che­rait la tenue d’une audience publique.

Des ques­tions se posent tou­jours et nous avons besoin de réponses.

Quand la police va-t-elle recon­naître la peur qu’elle sus­cite chez les jeunes de nos quartiers ?

Qu’est-ce qui jus­ti­fiait le carac­tère “prio­ri­taire” de l’in­ter­cep­tion d’A­dil ? Tous les moyens sem­blaient avoir été accor­dés aux patrouilles Il semble qu’on l’ait trai­té comme un grand ban­dit ce gar­çon de 19 ans. Quand bien même Adil a vou­lu échap­per au contrôle, fal­lait-il prendre tous ces risques pour ten­ter de l’ar­rê­ter ? Peu importe la rai­son, le mes­sage selon lequel la police peut “arrê­ter toute per­sonne à n’im­porte quel prix” est inad­mis­sible dans tous les cas.

Qui est res­pon­sable dans cette affaire ? La per­sonne qui a don­né cet ordre d’ ”opé­ra­tion prio­ri­taire” ou la per­sonne qui était der­rière le volant ? Ou les deux ? A ce stade, des charges reposent sur ces poli­ciers et un pro­cès publique s’im­pose pour déter­mi­ner les fautes qu’ils ont com­mis et leurs res­pon­sa­bi­li­tés. C’est ce que la famille sol­li­ci­te­ra de la Chambre du Conseil, qui sta­tue­ra en toute indé­pen­dance, ce qui ne peut-être affir­mé de la part du Pro­cu­reur du Roi.

Adil était un enfant, il pou­vait être l’en­fant de tout le monde. Le besoin de véri­té et de jus­tice, tout le monde le res­sen­ti­rait éga­le­ment. Pour Adil, et pour toutes les vic­times de vio­lences policières.

La famille et les proches d’Adil.

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