Dans un contexte de pandémie, certaines personnes sont plus fragiles et plus exposées que d’autres. Les personnes en séjour irrégulier, pour ne citer qu’elleux vivent la crise dans des conditions déplorables. Face à cette situation, plusieurs collectifs se sont mobilisés pour revendiquer la régularisation. Ces collectifs occupent l’église du béguinage, près de Sainte-Catherine depuis le 30 janvier 2021.
Les récits sont nombreux. Les histoires sont touchantes. Les vécus sont intolérables. Certain.e.s sont né.e.s ici mais ont ordre de quitter le territoire, d’autres ont dû fuir des conditions de vie horribles ou un contexte politique et économique tendu dans leur pays d’origine, et sont finalement arrivés ici, en Belgique. Ils et elles sont entre 100.000 et 150.000 à vivre dans notre petit pays, sans titre de séjour, depuis de nombreuses années. Depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans, voire plus. Ce sont des citoyen.ne.s belges, au même titre que nous autres, pourtant tout leur est refusé au nom d’un bout de papier qu’iels n’auraient pas eu la chance d’obtenir.
Conditions de travail déplorables, salaires de misère, impossibilité de voyager, de revoir leur famille restée à l’étranger, droits élémentaires bafoués, aucun accès à la sécurité sociale, etc. Telles sont les difficultés quotidiennes de ces personnes, à qui nous avons refusé, purement et simplement, l’existence légale. Pourtant, ielles participent à l’économie et à la vie quotidienne de la Belgique. Une des occupantes nous rappelle d’ailleurs « qu’une étude de la CSC a démontré que la régularisation des sans-papiers rapporterait 65 millions d’euros par mois dans les caisses de la sécurité sociale ».
Depuis le début de la crise sanitaire et politique, en mars 2020, les conditions des sans-papiers se sont encore durcies. La plupart ont perdu leur boulot, ne disposant d’aucune sécurité et d’aucune autre source de revenus. Ne disposant d’aucun titre de séjour valable, ces personnes ne peuvent pas se faire tester ni vacciner. Face à la situation, devenue intenable, plusieurs collectifs ont décidé de se mobiliser.
Cet ainsi, que le 31 janvier 2021, un groupe de femmes sans-papiers a investi l’église Saint-Jean-Baptiste-au-Béguinage et a décrété qu’elles ne s’en iraient pas tant qu’il n’y aura pas de régularisation. Bientôt, elles furent rejointes par de nombreux collectifs, sans-papiers et autres soutiens venus en renforts.
Les conditions étaient difficiles, surtout au début, lorsque l’hiver était encore au plus fort et que l’église abritait des corps congelés dans ses allées, entre ses statues aux airs angéliques.
De nombreuses personnes sur place nous ont rappelé que « les occupant.e.s ont une famille, un boulot et un logement, il s’agit donc d’une occupation symbolique et politique. Ces personnes ont tout quitté pour venir revendiquer, ensemble, un avenir meilleur, un peu de sécurité. »
Le choix de cette église, en particulier, n’est pas un hasard. La paroisse avait déjà connu plusieurs occupations par le passé, dont une en 2009 qui avait été ponctuée par plusieurs grèves de la faim. Certaines de ces occupations s’étaient soldées par une régularisation collective, donnant ainsi un espoir aux occupant.e.s de réitérer cet évènement historique. Il faut également rappeler que cette occupation a été facilitée par l’aide du curé Daniel Alliët, responsable de l’église, qui a fait des droits des sans-papiers son combat.
Tout comme en 2009, les collectifs de sans-papiers ne se sont pas arrêté à l’occupation de cette église. Ils ont également investi plusieurs locaux à l’ULB et à la VUB, afin « d’intensifier la pression sur les politiques » et de faire connaître leurs revendications au plus grand nombre. Le mouvement, très organique et très dispersé de base, s’est fédéré en « Union des sans-papiers pour la régularisation ». Ses membres s’organisent, aidés par les soutiens militants, associatifs et institutionnels, afin d’obtenir les droits minimum et des « critères clairs et permanents ». De nombreuses assemblées et autres manifestations ont lieu toutes les semaines, afin de soutenir les occupations et le combat, long et complexe, des personnes sans-papiers.
Face à ces mobilisations, les politiques jouent la sourde-oreille. Samy Mahdi, le secrétaire d’état à l’asile et la migration, a même déclaré qu’il « ne céderait pas au chantage ». Comme si ces personnes, sans aucunes ressources et sans aucun autre choix, jouaient à un jeu. Le jeu politique, lui, ainsi que l’instrumentalisation de ces personnes à des fin électorales, sont bien réels.