PAS DE JUSTICE, PAS DE PAIX

Une video réa­li­sée par la Per­ma­nence Video des Luttes Sociales

A l’occasion de la jour­née de lutte inter­na­tio­nale contre les vio­lences poli­cières, nous étions dans la rue pour deman­der jus­tice pour toutes les vic­times de crimes poli­ciers. Mais la lutte ne se passe pas uni­que­ment dans la rue ! Pour les familles des vic­times, c’est un com­bat per­ma­nent et quo­ti­dien et les frais de jus­tice repré­sentent des coûts énormes. Aider les familles finan­ciè­re­ment est donc essentiel.

Infos pour soutenir les familles :

Prochains rendez-vous :

  • le 6 mai 2022 : rendez-vous devant le Palais de Jus­tice de Bruxelles pour la pre­mière audience dans l’af­faire de Meh­di Bouda.
  • le 8 mai 2022 : ras­sem­ble­ment d’hommage pour les 5 ans de la mort de Oua­sim et Sabri­na (lieu encore à préciser).

La manifestation s’élance au départ de la future place Lumumba dans le quartier de Matonge ©LaMeute — Moulinette

ARTICLE Bruxelles : Repenser la lutte pour la journée internationale contre les violences policières :

Un article écrit par Mou­li­nette paru sur le média “La Meute”, le 19 mars 2022

A l’occasion de la jour­née inter­na­tio­nale contre les vio­lences poli­cières, envi­ron 300 per­sonnes ont mani­fes­té ce mar­di 15 mars sur un par­cours allant de la future place Lumum­ba située dans le quar­tier Matonge, à la place de l’Albertine dans le centre de Bruxelles. Familles de vic­times et leurs sou­tiens ont scan­dé à l’unisson slo­gans et noms des (trop) nom­breuses per­sonnes décé­dées suite aux crimes racistes de la police bruxelloise.

Une journée internationale aux résonances locales

A l’origine de cette mobi­li­sa­tion, plu­sieurs orga­ni­sa­tions et col­lec­tifs dont les JOC (Jeunes Orga­ni­sés et Com­ba­tifs), Outils Soli­daires contre les vio­lences poli­cières, les Acteurs et actrices des temps pré­sents ou encore la Ligue des droits humains. Ces militant.es d’horizons divers ont vou­lu, en ce jour, mettre à l’honneur les familles des vic­times des vio­lences poli­cières et sys­té­miques pour exi­ger la jus­tice pour toutes et tous.

Comme point de départ de la mani­fes­ta­tion, la future place Patrice Lumum­ba (1925 – 1961) située rue de l’Athénée au cœur de Matonge, le prin­ci­pal quar­tier congo­lais de la capi­tale et por­tant le même nom qu’un quar­tier popu­laire du nord de la pro­vince de Kin­sha­sa. Un choix loin d’être ano­din au regard de la lutte qui s’opère depuis 2008 pour qu’une place soit bap­ti­sée au nom du lea­der de l’indépendance du Congo, sau­va­ge­ment assas­si­né en 1961 avec la com­pli­ci­té de la CIA, du MI6 bri­tan­nique et de l’État belge.

 

Un panneau provisoire a été installé, renommant le début de la rue de l’Athénée en Place Patrice Lumumba, à Matonge ©LaMeute — Moulinette

En 2018, un square fai­sant face au métro Porte de Namur avait déjà été inau­gu­ré au nom de Patrice Lumum­ba suite au com­bat achar­né de plu­sieurs asso­cia­tions de la dia­spo­ra congo­laise bruxel­loise. Pour le bourg­mestre de la com­mune Bruxelles-Villes Phi­lippe Close, ce geste était com­pris dans une démarche de « récon­ci­lia­tion » quant au pas­sé colo­nial de la Belgique.

Un acte sym­bo­lique certes, mais gran­de­ment insuf­fi­sant pour prô­ner une quel­conque « récon­ci­lia­tion ». A quelques kilo­mètres de là, place du Trône, est encore éri­gé l’imposant monu­ment Léo­pold II (1865 – 1909), ex-roi colo­ni­sa­teur et res­pon­sable de plus de 10 mil­lions de morts au Congo.

Car il est impos­sible de dis­so­cier le racisme struc­tu­rel de la socié­té belge de son his­toire colo­niale, il est pri­mor­dial pour nombre de citoyen.nes de faire exis­ter ce récit dans l’espace public ain­si que d’y impo­ser les noms de cel­leux qui luttent, ont lut­té, en ont été et en sont encore les victimes.

Repenser la lutte contre la violence policière

Tenant fer­me­ment la ban­de­role sur laquelle on peut lire « Jus­tice pour toutes les vic­times », plu­sieurs familles ayant per­du un proche suite à des crimes racistes s’époumonent au rythme des slo­gans répé­tés avec ardeur par la foule. On recon­naît notam­ment les sœurs d’Ibrahima Bar­rie, 23 ans, décé­dé le 9 jan­vier 2021 au com­mis­sa­riat de Bruxelles-Nord après avoir fil­mé une inter­pel­la­tion avec son télé­phone por­table dont LaMeute par­lait ici. A leurs côtés, des membres du col­lec­tif pour Lamine Moïse Ban­gou­ra, 27 ans, étouf­fé à mort par 8 poli­ciers pour un défaut de paie­ment de loyer le 7 mai 2018. Son corps sera rete­nu près de 3 ans à la morgue du funé­ra­rium Ben­ham­mou avant d’être ren­du à sa famille en décembre 2021.

 

Un homme brandit une pancarte sur laquelle sont inscrits les noms de nombreuses victimes de violences policières en Belgique ©LaMeute — Moulinette

Défilent éga­le­ment le grand frère de Meh­di Bou­da, 17 ans, per­cu­té à mort par un véhi­cule de police qui rou­lait à contre-sens, à plus de 100 km/h et sans gyro­phare le 20 août 2019 place de l’Albertine, le père de Sabri­na Elbak­ka­li, 20 ans, elle aus­si per­cu­tée à mort par la police avec Ouas­sim Tou­mi, 24 ans, le 9 mai 2017 sur l’avenue Louise. D’autres noms, comme ceux de Karim Chef­fou, 23 ans, Jona­than Jacob, 26 ans, Adil Char­rot, 19 ans, Ilyes Abbe­dou, 29 ans ou encore Maw­da Sha­wri, 2 ans sont lisibles sur les pan­cartes et sont criés par les manifestant.es. Une liste macabre qui révèle la cruau­té, l’ignominie et l’acharnement insou­te­nable d’un racisme ins­ti­tu­tion­nel dont police et jus­tice sont font les bras armés en Bel­gique et dans le monde entier.

Tant de noms que de familles bri­sées, endeuillées et endet­tées à vie pour que véri­té soit recon­nue. Au terme du par­cours place de l’Albertine, Véro­nique Clette-Gaku­ba, cher­cheuse à l’Ins­ti­tut de socio­lo­gie de l’ULB, et membre du Comi­té Jus­tice Pour Lamine prend la parole : « Le com­bat contre les vio­lences poli­cières ne se fait pas dans la rue, c’est un com­bat du quo­ti­dien, au plus près des familles et col­lec­tifs. ». Elle rap­pelle aux sou­tiens l’importance de contri­buer finan­ciè­re­ment aux frais de jus­tice colos­saux engen­drés par les com­bats judi­ciaires sou­vent éta­lés sur de longues années. Rien que dans le cas de Lamine Moïse Ban­gou­ra, le funé­ra­rium ayant séques­tré son corps deman­dait plus de 30.000 € à la famille pour qu’elle puisse récu­pé­rer leur défunt. De quoi fran­chir une étape de plus dans la déshu­ma­ni­sa­tion des vic­times et de leurs familles, dont le pro­ces­sus de deuil est relayé à la signa­ture d’un chèque au mon­tant exorbitant.

Ce sont là les consé­quences de la ségré­ga­tion raciale et de classe qui a encore bel et bien cours en Bel­gique et ailleurs et qui n’a de cesse de nour­rir le sys­tème post-colo­nial d’impunité et de domi­na­tion poli­cière. Selon Véro­nique Clette-Gaku­ba, il est essen­tiel de repen­ser la lutte contre les vio­lences poli­cières en ces termes, afin d’annihiler l’usage des termes « bavures » et « DES vio­lences », qui sous-enten­draient une excep­tion­na­li­té et une ana­lyse au cas par cas de ces crimes issus d’un sys­tème raciste. De même, une mobi­li­sa­tion molle, ponc­tuelle et axée sur la seule détes­ta­tion de la police ne sau­rait, en réa­li­té, que dépo­li­ti­ser et vider de toute sub­stance l’essence même de cette lutte.

Un point de départ vers une nouvelle convergence ?

Cette jour­née inter­na­tio­nale contre les vio­lences poli­cières est à l’origine des col­lec­tifs cana­dien et suisse res­pec­ti­ve­ment nom­més « Col­lec­tive oppo­sed to police bru­ta­li­ty » et « Black Flag ». Elle a été mise en place en 1997, après que des poli­ciers suisses aient vio­lem­ment bat­tu deux jeunes enfants de 11 et 12 ans le 15 mars 1996.
A Bruxelles, elle s’illustre comme l’opportunité nou­velle d’une conver­gence entre les col­lec­tifs et familles de vic­times. Un désir d’unité déjà énon­cé par Sami­ra Benal­lal du col­lec­tif pour Sabri­na et Ouas­sim lors des der­nières audiences au Palais de jus­tice, mais aus­si par les col­lec­tifs pour Lamine Ban­gou­ra ou pour Meh­di Bou­da, comme bien d’autres.

Si la majo­ri­té des affaires ont été jusqu’ici conclues par des non-lieux, des audiences à venir laissent encore entre­voir un espoir de jus­tice, notam­ment pour la famille de Meh­di, qui donne ren­dez-vous à leurs sou­tiens devant le Palais de jus­tice de Bruxelles le 6 mai pro­chain. Il en va de même pour les familles de Sabri­na et Ouas­sim, en attente d’un pro­cès pour le mois de sep­tembre 2022, et pour les­quelles le pro­chain ras­sem­ble­ment aura lieu le 8 mai devant le même Palais de justice.

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