Après avoir survécu à 7 balles de tirs policiers, Nordine est aujourd’hui jugé pour un « refus d’obtempérer ». Le verdict du délibéré aura lieu le 29 novembre 2022 et est attendu non sans une certaine fébrilité et angoisse car Nordine risque 4 ans de prison alors que c’est lui la victime !
Lorsqu’on prend connaissance de cette histoire et qu’on se rend compte de la violence de l’intervention policière, on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi Nordine est sur le banc des accusés ?
Le soir du 16 aout 2021, Nordine se fait interpeller par 3 policiers alors qu’il rentre du restaurant avec sa compagne qui dort sur la banquette arrière du véhicule. Les faits sont minutieusement détaillés dans une vidéo de modélisation 3D réalisée par l’agence indépendante INDEX.
Les agents qui n’avaient ni brassards ni signes distinctifs lui barrent la route avec leur voiture. Très vite, ils sortent de leur véhicule et l’un d’entre eux tente de s’introduire dans le véhicule par la fenêtre avant. “Je m’étais rangé sur le bas-côté comme ils me l’ avaient demandé mais je n’étais pas sûr de qui était en train de me donner ces ordres. Je ne voyais pas de signes qui montraient que c’était la police. A ce moment-là, l’un des trois types essaye de forcer la fenêtre avant du véhicule. C’est à ce moment que j’ai lancé la marche arrière parce que je croyais qu’on était en train de nous agresser. C’est là que les tirs ont commencé. ”, déclarera Nordine dans un article récemment publié par Révolution Permanente. Suite à la marche arrière, le policier qui tente d’entrer dans la voiture ouvre le feu, suivi de son collègue qui se trouve sur le côté du véhicule. Nordine et Meryll sont grièvement blessés.
Nordine sera hospitalisé car ses jours étaient en danger. Alors qu’il est hospitalisé, Nordine sera convoqué pour une « soi-disant » audition au commissariat de police et sera placé en garde à vue le jour-même. Les policiers avaient porté plainte contre lui pour un refus d’obtempérer. Il est passé en comparution immédiate devant le juge, alors que cela faisait à peine 20 jours qu’il avait été hospitalisé.
Mis sous contrôle judiciaire et jugé le 28 février 2022 pour « violences sur personnes dépositaires de l’ordre public », il a été condamné à 5 mois de prison ferme et à 15 000 euros d’amende. Le jour de son audition, il était seul avec Meryll et son avocat au Palais de justice. Aucun soutien ou militants ne sont venus lui apporter un peu d’aide ou de réconfort. Une attitude difficile à comprendre alors que les faits ont été filmés par des automobilistes témoins de la scène et la vidéo partagée des centaines de fois sur les réseaux sociaux provoquant une vague d’émoi et d’indignation. En face de lui, quinze policiers avec brassard étaient présents pour l’intimider créant ainsi un rapport de force disproportionnée Nordine a été directement transféré en prison après l’audience alors que son état de santé ne le permettait pas ! Suite à un appel de la décision de justice, Nordine finit par être libéré pour raisons médicales. Son séjour en prison lui a laissé un grave traumatisme psychologique et il ne n’a pas pu pas se soigner correctement.
A sa sortie, Nordine trouve un autre avocat pour le défendre. Le secteur militant et certains médias indépendants commencent enfin à s’intéresser à son affaire et à lui donner un peu de visibilité. Lors de sa deuxième audience en appel qui a eu lieu le 11 octobre, la procureure enfonce le clou et requiert4 ans de prison ferme, un retrait de permis de conduire de 5 ans et une amende de 20.000 euros. Elle double pour ainsi dire la peine.
Le rouleau compresseur de la justice et de l’Etat s’acharne et ne le lâche plus !
7 balles de tirs policiers ont pourtant traversé le corps de Nordine et 1 balle celui de Meryll, lui explosant la rate et entrainant la perte de l’enfant qu’elle portait à ce moment-là. Nordine a répété à mainte reprise que c’était miraculeux que lui et sa compagne étaient encore en vie. Il y a pourtant un décès dans cette histoire, celui de leur enfant qui n’a pas pu naitre. A aucun moment les policiers ou les personnes qui représentent cette institution n’ont eu une parole de condoléance, de regret ou de déploration. On touche au sommet de la déshumanisation des victimes qui fait système dans l’organisation de l’impunité policière.
L’arme policière n’est normalement pas faite pour tuer, sauf si la personne en face est armée (et encore…il y a un cadre très strict à cette règle). Il existe même des pays où les policiers ne sont pas armés du tout et où les faits délictueux et les crimes sont pas plus élevés. 7 balles sur quelqu’un qui est désarmé n’est-ce pas la preuve d’une volonté d’ôter la vie ?
En 2017, la modification de l’article L435‑1 du code de la sécurité intérieure a assoupli les conditions d’usage des armes par les policiers, autorisant ceux-ci, dans certaines conditions, à tirer sur des véhicules « susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui. » Depuis, le nombre de tirs effectués par la police contre des véhicules en mouvement est en forte hausse.
Dans la doctrine policière telle qu’elle est développée depuis un certain nombre d’années, il y a cette idée que les policiers sont dans une situation de légitime défense et qu’ils peuvent tout se permettre. En France, une seule affaire où la légitime défense a été invoquée s’est traduite par une condamnation (sur une période de 25 ans). À cause du caractère flou des textes, les juges s’en remettent aux policiers pour jauger de la « force nécessaire » à utiliser lors de leurs interventions. Cette idéologie sécuritaire et dominante est en partie légitimée par le fait qu’il faut faire du chiffre pour justifier les subventions et les attributions de budget (ces dotations par commissariat en fonction de la dangerosité du territoire – comme expliqué dans cet article du Monde). Cette logique entraine une mécanique de comportements sordides, violents et criminels qui restent impunis !
Enfin, il est plus que jamais nécessaire de répéter que les comportements de harcèlement et d’abus policiers visent les personnes noires et arabes et issues des quartiers populaires et sont le reflet d’un racisme endémique de l’état. On est en droit de se demander quel aurait été le comportement du policier qui l’a interpellé si Nordine avait été Blanc ?
Le fait de ne pas porter de brassards ou tout autre signe distinctif qui pourraient les identifier en tant que policiers fait également penser à des situations de non-droit où la police se permet d’agir en toute puissance et avec toutes les dérives possibles. Dans les audiences du procès, la partie adverse a dit que les policiers n’étaient pas dans l’obligation d’avoir un signe distinctif car c’est le principe même des agents de cette brigade qui doivent se « fondre dans le décor ». Or ici, on ne se trouve pas dans un contexte criminel ou de flagrant délit. Nordine n’avait commis aucune infraction (même pas de roulage). Au pire, les policiers auraient pu relever sa plaque d’immatriculation et lui envoyer une amende.
Aujourd’hui Nordine fait face au rouleau compresseur de la justice et de l’Etat. La machine qu’il a en face de lui est bien rodée et ne lui fera aucun cadeau.
La mobilisation est aujourd’hui plus que nécessaire et nous espérons que Nordine soit relaxé immédiatement après le verdict de l’audience du 29 novembre prochain. Il est temps que l’on puisse passer au second volet de cette affaire judicaire qui concerne la plainte que Nordine a introduit pour les faits de violences policières qui ont été exercés sur sa personne.
Une cagnotte en ligne a été crée de façon à soutenir Nordine et Meryll dans les frais de justice, d’avocat et aussi les nombreux soins médicaux auxquels ils doivent faire face.
- Cagnotte en ligne pour soutenir Nordine dans ses frais d’avocat, d’expertise et ses soins médicaux :
- Article Streepress de Inès Belgacam du 12 octobre 2022
- Article Bondyblog par Céline Beaury du 09 mars 2022
- Émission Radio de L’Envolée du vendredi 14 octobre 2022
- Vidéo Off investigation Par Yanis Mhamdi du 30 octobre 2022
https://www.youtube.com/watch?v=-Ut2VZYp9HY
- Vidéo deParoles d’honneur du 09 octobre 2022