Intimidé pour avoir pris des clichés de policiers dans l’exercice de leur fonction.
En Belgique, nous observons depuis ces trois dernières années une recrudescence de pratiques d’intimidation envers des cinéastes, des journalistes, des photographes ou simplement des citoyens lorsqu’ils filment et documentent des interventions policières. Parfois, les policiers vont jusqu’à saisir le matériel (caméra, gsm, appareil photo) et effacer les données.
Le cas de Frédéric Moreau de Bellaing a fait l’objet d’une carte blanche de Vincent Engel publiée le 28 octobre 2017 dans Le Soir :
« Il faudra l’intervention d’un supérieur pour que les choses se calment. Plus précisément, il faudra que ce supérieur contacte les services juridiques de la police ; après vérification, il conviendra (et ce sera finalement acté dans la déposition) « qu’il n’y a pas violation au droit de la vie privée car les personnes sont en service et leur image n’est pas protégée dans ces cas-là. » Le supérieur se montre aimable et avoue ne pas comprendre comment un tel dossier a pu arriver ; il ne vient pas de chez eux mais d’une autre zone, envoyé par un collègue « qui aurait quelques attributions de procureur ».
Les jours suivants, Frédéric Moreau se demandera s’il doit planquer une copie de ses clichés chez un ami sûr. S’il peut encore parler librement au téléphone. S’il peut contacter les soutiens des sans papiers. Bref, il découvre la peur et la paranoïa qui, mieux encore que toutes les polices secrètes, garantissent le succès des régimes totalitaires. Le pouvoir le plus fort est celui qui n’a pas besoin de se manifester…»
Pour rappel, en octobre 2015, lors d’une manifestation contre le TTIP (Traité transatlantique de libre-commerce), des policiers ont saisi la caméra d’une équipe de ZIN TV et effacé des données vidéos des cartes mémoires.
Le 15 octobre 2015, à l’époque, une équipe de ZIN TV composé de Thomas Michel et Maxime Lehoux réalisent un reportage pour la Permanence Vidéo des Luttes Sociales de ZIN TV. Ils filment la manifestation de protestation contre le TTIP. Après plusieurs tentatives de blocages des artères menant aux institutions européennes, rue de Spa, aux alentours de 14h30, plus de soixante militants se font encercler par les forces de l’ordre. S’identifiant comme reporters pour ZIN TV, ils se voient contraints de stopper leur enregistrement. Arrêtés, menottés à l’aide de colsons, l’ensemble des militants sont embarqués à la caserne d’Etterbeek. Au soir, après de longues heures d’attente, la Police décide de les libérer à la hauteur de Porte de Halle. Thomas se munit à nouveau de sa caméra pour témoigner et filmer la dernière scène de sa journée de travail. C’est à cette occasion que sa caméra est saisie par un policier et que toutes les données – y compris celles récoltées durant la journée – sont effacées sous le regard complice de ses collègues. Depuis lors, avec l’aide de techniciens amis, une partie des données supprimées ont pu être récupérées et les agents concernés identifiés.
La 1ère audience a lieu à huis-clos ce mardi 14 novembre entre 8h30 et 13h au palais de justice de Bruxelles.
Dans cette affaire, le comité P a déjà confirmé qu’un policier ne peut pas supprimer lui-même ou imposer la suppression des images à la personne les ayant réalisées. Un rappel à la norme a eu lieu par ailleurs pour l’ensemble du personnel de la zone de police Bruxelles Capitale/ Ixelles.
La question ne concerne pas uniquement la corporation de la presse mais tous les citoyens en situation de filmer la police dans ses interventions, que ce soit en manifestation, lors d’arrestations, d’expulsions ou encore plus récemment lors des rafles qui ont eu lieu au parc Maximilien où des migrants, des volontaires de la plateforme citoyenne de solidarité aux réfugiés ainsi que des photographes ont subi des intimidations et des violences alors qu’ils filmaient les interpellations et les arrestations. Ils se sont fait saisir leurs téléphones, certaines photos et vidéos ayant été effacées par les agents de police, en toute illégalité.
Une démocratie qui se respecte ne peut tolérer une telle atteinte à nos libertés et à nos droits fondamentaux, qui constituent l’essence de nos démocraties : sans eux, que reste-t-il ?
La Ligue des Droits de l’Homme ainsi que d’autres organisations appellent à un rassemblement demain matin à partir de 8h30 devant le Palais de justice de Bruxelles.