Musique : Zebda
Texte : Jean Pierre Filiu
Réalisation : Ali Guessoum & Natacha Bigan
La Palestine a disparu de nos écrans de télévision et on voudrait nous faire croire qu’elle a disparu de nos consciences. Mais la situation faite à des millions de Palestiniennes et de Palestiniens continue d’être un scandale. Et ce scandale n’est que plus douloureux pour une génération qui n’a connu que l’occupation ou le blocus. « Une vie de moins », c’est une vie de manque, une vie d’attente. « Une vie de moins », c’est une existence gâchée, brisée. « Une vie de moins » n’est pourtant pas une vie pour rien, c’est l’espoir que tout cela peut encore changer, que tout cela doit changer.
La bande de Gaza, occupée par Israël en 1967, fut le berceau, vingt ans plus tard, de la première intifada. Ce “ soulèvement des pierres ” inspira la couverture de L’Arène des rumeurs, le premier disque de Zebda. L’Etat palestinien et la libération paraissaient alors à portée de la main. Mais, de 1993 à 1996, à l’apogée donc du processus de paix israélo-palestinien, la bande de Gaza demeura “ bouclée ”, soit coupée du reste du monde, un jour sur trois. Cette situation s’aggrava, surtout après le déclenchement en 2000 de la deuxième intifada, cette fois armée. L’évacuation par Israël, en 2005, des colonies de Gaza et de ses positions militaires s’accompagna d’une consolidation de la clôture désormais hermétique du territoire. La prise de contrôle de Gaza par le Hamas, en 2007, resserra encore plus ce blocus par terre, par mer et par air.
La bande de Gaza accueille aujourd’hui sur 360 km² un million six cent mille êtres humains. Plus de la moitié des habitants de Gaza ont moins de 18 ans et, dans leur écrasante majorité, ils n’ont jamais pu sortir, même une seule fois, de leur territoire de naissance. Pas une famille n’a été épargnée par la violence : dans chaque foyer de Gaza, au moins un membre a été tué, mutilé, blessé, ou emprisonné en Israël. Malgré cette succession de souffrances, les habitants de Gaza sont d’une hospitalité émouvante et d’une générosité insigne. La seule richesse de Gaza, ce sont ces femmes et ces hommes, attachants et touchants, et cette richesse se livre sans compter.
Les jeunes de Gaza et de Palestine ne veulent au fond rien d’autre que les jeunes de partout ailleurs. Une vie normale, libérée de l’angoisse permanente. Une existence délivrée de l’ombre des milices et de la menace d’Israël. Une vie digne, en sécurité et en paix. Il est temps d’entendre cette génération Palestine et de la comprendre. « Une vie de moins » lui est dédiée.
Jean-Pierre Filiu & Zebda
Le Crif dénonce une chanson de Zebda
Richard Prasquier reproche au président de France Télévisions d’avoir diffusé un clip du groupe toulousain sur la bande de Gaza.
Le clip tourne depuis le 7 octobre. Fruit de la collaboration d’un universitaire, Jean-Pierre Filiu, professeur d’histoire à Sciences Po Paris et auteur d’Une histoire de Gaza (Fayard), et du groupe Zebda, il a été diffusé par France Télévisions. C’est ce dernier point qui semble particulièrement scandaliser le Crif, qui estime qu’Une vie de moins risque de promouvoir la haine d’Israël chez les jeunes”. Dans une tribune publiée le 15 octobre, maître Bertrand Ramas-Muhlbach condamne le clip, “un produit de propagande anti-israélienne tout à fait hallucinant”.
L’avocat démonte un à un les couplets de cette chanson : “bien que Jean-Pierre Filiu soit réputé pour ses connaissances du monde arabe, les paroles de la chanson n’en sont pas moins éminemment mensongères”, estime-t-il en rappelant ainsi : “Les Palestiniens de la bande de Gaza sont les descendants des Philistins, ce peuple de la mer venu s’établir (pour ne pas dire occuper) la terre de Canaan après leurs déconvenues avec les Égyptiens.”
Le 16 octobre, Richard Prasquier, président du Crif, dénonce à son tour les “images de propagande puissante” qui présentent “les Israéliens comme des massacreurs ou des tortureurs d’enfants”. Exemple cité : le reportage de Charles Enderlin sur la mort de Mohamed al-Dura, une manipulation selon lui, le hashtag “un bon juif” qui avait provoqué une déferlante de tweets antisémites sur Twitter, et le clip en question : “Mais il y a aussi incitation à la haine lorsqu’un clip décrit (…) les enfants de Gaza comme destinés à être tués par l’armée israélienne. Et lorsque la chanson qu’il promeut est chantée par un groupe célèbre (Zebda), on imagine sans peine l’effet dévastateur. (…) Et France Télévisions se prête au jeu. Vous avez dit irresponsable.”
Source : LePoint